Source [Les 4 Vérités] Voici un résumé d’un texte que Frédéric Bastiat publia en 1850 et qui n’a pas pris une ride. La vie en société implique que les hommes se rendent mutuellement des services.
Il peut s’agir d’un «troc de services». Mais, plus généralement, l’échange se fait entre un service et un paiement en monnaie.
L’échange est précédé d’une double démarche:
– d’un côté, l’offreur de service s’attache à fournir une prestation de qualité à un prix raisonnable. En cela, la concurrence des autres offreurs est pour lui un excellent stimulant.
– de l’autre côté, l’acheteur de service doit exercer son jugement pour sélectionner l’offre qui lui convient le mieux en prix et en qualité.
L’échange de service constitue une transaction dans laquelle chaque partie doit faire preuve de discernement et conserve sa totale liberté de décision. Chaque partie assume ainsi totalement sa responsabilité.
Mais il existe une classe de services qui, par la manière dont ils sont rendus et rémunérés, sont très différents des services privés. Ce sont les services publics.
Si un besoin revêt un caractère d’universalité et d’uniformité, les hommes faisant partie d’une collectivité (commune, région, nation) peuvent décider de pourvoir à la satisfaction de ce besoin par une action collective.
Dans leur nature, services publics et services privés sont des échanges. Mais les procédures selon lesquelles s’effectuent ces échanges sont totalement différentes.
Dans le service privé, l’échange est placé sous le double signe de la liberté et de la responsabilité.
Dès que la satisfaction d’un besoin devient l’objet d’un service public, elle est soustraite au domaine de la liberté et de la responsabilité individuelles.
D’un côté, l’offre de service public n’est plus soumise au puissant stimulant et facteur de progrès qu’est la concurrence. Le fonctionnaire n’est plus tenu «de faire mieux», mais d’appliquer scrupuleusement les règlements qu’on lui impose.
Du côté de la demande de service, l’individu cesse d’exercer un libre contrôle sur ses propres satisfactions, et, n’en ayant plus la responsabilité, il cesse d’en avoir la compréhension.
La prévoyance lui devient tout aussi inutile que l’expérience. Il perd une partie de son libre arbitre. Non seulement il ne juge plus par lui-même, mais il se déshabitue de juger par lui-même. Cette torpeur morale gagne ainsi l’ensemble de ses concitoyens.
Or la responsabilité est tout pour l’homme: c’est son moteur, son guide, son professeur. Sans elle, l’homme n’a plus de libre arbitre, il n’est plus perfectible, il n’apprend plus rien. Il tombe dans l’inertie et ne compte plus que comme une unité dans un troupeau.
Mais si c’est un malheur pour l’individu, c’est encore bien pire à l’échelle d’une nation!
Quand l’État se charge de tout, il devient responsable de tout.
Un peuple qui souffre ne peut que s’en prendre à son gouvernement, et il estime que son seul remède est de le renverser.
De là un inévitable enchaînement de révolutions. Mais les révolutions, qui sont des drames, ne sont pas pour autant des remèdes.
Le déplacement de la responsabilité a faussé l’opinion populaire. Le peuple, accoutumé à tout attendre de l’état, ne l’accuse pas de faire trop mais de ne pas en faire assez. Et c’est ainsi que l’abîme s’est creusé et se creuse encore.
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