La France s'est donc engagée massivement au Sud-Liban, après qu'elle eût hésité pendant une petite semaine. La décision prise, sa stratégie a été déterminée en vingt-quatre heures. Quoi qu'on nous dise, on sait que l'envoi de nos hommes dans ce nid de vipères et dans des conditions d'intervention encore très discutées, a été décidé par les services du quai d'Orsay sans consulter les militaires ni... le Président, chef des armées ! Les généraux au plus haut niveau ont pu opposer en vain l'état d'épuisement général de nos troupes engagées excessivement, il était trop tard.

Leurs récris étaient d'autant plus fondés qu'aucune analyse sérieuse n'a été faite sur les innombrables scénarios auxquels leurs hommes auraient à faire face. Les plus vraisemblables sont dramatiques, car la seule certitude, c'est qu'il y aura dérapage.

Certes, de nombreux amis libanais affirment que les protagonistes sont épuisés et que tous veulent la paix (Israël, le Hezbollah, les chiites, le Liban, l'Iran). Mais quant un chef d'État considère Hitler avec sympathie pour son action contre les juifs, on peut avoir quelques doutes sur ses intentions de paix (sauf s'il s'agit de la paix de Munich). Il est donc plus raisonnable de penser à fin de round qu'à une fin de guerre.

Le terrorisme, lui, n'est pas fatigué. Quand on assassine au Maroc, dimanche 17 septembre, le premier secrétaire de l'ambassade de la Communauté européenne, Alessandro Missir de Lusignano et sa jeune épouse, dans les bras de leurs quatre enfants dont l'aîné a neuf ans, on peut se poser des questions sur "l'épuisement" des islamistes ! Je crains que nous soyons acculés à une guerre générale qu'il va bien falloir faire.

Nos "diplomates" et leurs services ont tout simplement lâché aux états-majors : "Démerdez-vous !" (sic). Le chef de l'État, qui ne voulait pas aller au-delà de l'envoi de 200 hommes du génie, a été mis devant le fait accompli. Il s'est contenté de piquer un coup de gueule, prisonnier de l'activisme d'une administration empressée de se donner le beau rôle. Piégé, il ne peut ni ne veut perdre la face devant les Israéliens qu'il a montrés du doigt à égalité de traitement du Hezbollah, et devant les Américains ou leurs alliés qui, goguenards, un peu agacés, un peu inquiets (on est quand même cousins) lui demandent d'"assumer".

Ce résultat est effarant. Si, membre des services secrets iraniens, j'avais pénétré le service Moyen-Orient du quai d'Orsay, je n'aurais jamais espéré une telle issue.

Nos gosses, qui sont les seuls vrais soldats de l'ONU avec les Britanniques qui ont l'expérience de la guerre (le reste du contingent étant composé de troupes peu aguerries, de malheureuses recrues du tiers-monde ou de militaires syndiqués des pays nordiques), sont déjà coincés par des règlements absurdes du "Machin". On a beau dire que ce ne sera pas pareil (grâce aux quinze chars Leclerc ?), ce sera pareil ! En quantité négligeable, voire en quantité grotesque en raison des forces en présence, comment pourront-ils s'opposer à des fanatiques surarmés dont les réserves en bombes humaines sont intarissables ? Nos enfants ne doivent pas servir de comédiens dans un jeu d'illusions aux conséquences mortelles. Ils seront les otages inespérés d'un Iran qui joue avec toutes les cartes en main.

Après les premiers morts

Quand viendra la mort de nos premiers parachutistes, légionnaires ou marsouins, nous aurons deux choix. Le premier sera de s'engager militairement en masse dans une situation de plus en plus irakisée. Israël qui joue pathétiquement sa survie entraînera l'Occident à choisir son camp : il globalisera la guerre. Mieux, Israël nous lancera : "Vos vœux pieux ne tiennent pas devant un ennemi dont les mères se réjouissent du martyre de leurs enfants, alors que chez nous les mères pleurent leurs enfants morts ; laissez nous terminer un travail interrompu!"

Le second choix après la mort inutile ou l'angoisse de l'enlèvement de plusieurs soldats, ne sera pas moins dramatique : perdre la face honteusement. Nous nous retirerons et gérerons notre sortie sous le diktat des chancelleries de la Syrie et de l'Iran. N'oublions pas que les chefs d'États connaissent notre histoire et se réfère aux mêmes constantes. Ils nous ferons payer l'expulsion des Syriens du Liban. Dans l'Orient compliqué, la loi du vainqueur est sans frontières. La pression de nos banlieues aux ordres des relais innombrables et sophistiqués des dictateurs orientaux et de leurs affidés servira de joker si nous persistions à jouer du menton.

Avoir laissé à nos ennemis les plus irréductibles le choix du champ de bataille est une folie qui conclura l'année en désastre, je le crains.

Quelle vision pour demain ?

Avant de saupoudrer le monde de nos dogmes "laïques et républicains", les donneurs de leçon citoyens devraient se souvenir de la loi du réel. Et ce réel en France s'appelle banlieues. Celle-ci baigne dans le désordre nourri par l'hypertrophie d'une immigration incontrôlée. Il faut concentrer nos forces sur celles-ci.

Ce qui s'y passe est terrifiant. Trop rares sont les hommes politiques français à en être conscient.

Il faut revenir à une vision politique de type capétien. Refaire et concentrer nos efforts sur le danger le plus immédiat. Abandonner les lieux où nous n'avons pas les réponses aujourd'hui, investir là où nous devons le faire. Plus que jamais, l'enivrement surréaliste de l'idéologie laïque à la française est absurde, plus que jamais il importe de retrouver les réalités de notre sol et de notre culture. La paix sociale est à ce prix, pour aujourd'hui et pour demain. Plus que jamais nous avons besoin d'élus de bon sens, structurés intellectuellement par l'expérience du concret pour gouverner la France.

 

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