Quelle différence entre les boat people des années quatre-vingt fuyant le communisme et les migrants d’Afrique et du Proche-Orient qui débarquent en masse depuis des bateaux de fortune sur les côtes de la Méditerranée ? La réponse du directeur général de l’ONG Enfants du Mékong.
À LA SUITE de mon dernier article (Daech à Lampedusa, LP.com 16 septembre) beaucoup me demandent pourquoi je prends un tel recul par rapport à l’immigration d’aujourd’hui alors que j’ai été un ardent défenseur des boat et land people du Sud-Est asiatique dans les années quatre-vingt. Une seule réponse suffirait : Ils aimaient la France, ils la rêvaient pour son âme, pour sa culture pour son héroïsme…
Le sang des missionnaires avait coulé à flot, mêlé au sang de leurs ancêtres. Celui-ci avait fécondé ce qui sera le plus beau don d’un peuple à un autre : l’Évangile. Ce sang héroïque a été versé avec la même générosité par nos soldats et nos sous-lieutenants pour défendre leur liberté, leur culture millénaire, l’honneur et la grandeur de leurs nations. Tout ce qui a été vitrifié par un marxisme inhumain.
Le sacrifice des soldats français
Le maréchal de Lattre rappelait aux jeunes Vietnamiens du lycée Chasseloup-Laubat à Saïgon que cet acte de générosité radicale de la part de jeunes Lorrains, Provençaux, Bourguignons ou Bretons n’avait pas d’équivalent aussi radical dans l’histoire. Ces jeunes Français mourraient pour défendre dans un combat digne des plus hauts faits de chevalerie, la civilisation et la souveraineté d’un pays qui n’était pas le leur.
Le chef des armées françaises les incitait à les rejoindre. C’est ainsi que fût formé l’école d’officiers vietnamiens de Dalat. Contrairement à ce que l’on croit, le Sud Vietnam, le Laos et le Cambodge qui auraient dû tomber dans la foulée de Diên Biên Phu, ont tenu vingt ans de plus. Vingt ans de liberté, soit une génération née dans la dignité.
Et cela, tous les boat et land people l’avaient en mémoire. Il faut lire le journal du colonel Minh Ky pour comprendre à quel niveau d’amour de la culture française et de complicité affective étaient ces officiers vietnamiens.
Les mariages mixtes étaient monnaie courante entre Français et Indochinoises. Et réciproquement. Mariages aujourd’hui impossibles avec une femme musulmane sans conversion préalable. Ce qui situe l’âpreté de l’assimilation d’aujourd’hui.
Un respect considérable
Le respect dont tous « nos » enfants asiatiques témoignaient à l’égard de notre nation était si considérable que des élèves vietnamiens trop brillants recevaient l’ordre de leurs parents de faire des fautes volontaires dans leurs devoirs. Ceci afin de ne pas prendre les premières places aux enfants d’une nation si généreuse (cf. de May Kham, Journal d’une enfant survivante, Éd. Les nouveaux auteurs).
Les entreprises se disputaient les pères de famille indochinois tant leur réputation de sérieux et de courage était notoire. Mon propre filleul (baptisé par Jean-Paul II) en recherche de travail, me disait : « Oncle, il n’est pas question que je touche quoi que soit d’un pays si généreux avec moi, je refuse d’être à sa charge ! Je vais me débrouiller sans les ASSEDIC… » et il a monté avec trois pinceaux son entreprise qui aujourd’hui est installée aux États-Unis !
Ces réfugiés s’étaient battus comme des lions pour défendre leur liberté alors qu’ils étaient abandonnés de tous et notamment des Américains. Beaucoup d’enfants que nous avons élevés avaient eu leur père internés en camp de rééducation ou avaient été assassinés (ce que je raconte dans Hoa-Les réfugiés, DMM).
Dans nos églises
La France à cette époque n’était pas confrontée à un problème d’immigration de masse, hétérogène à sa culture. Elle était de culture principalement chrétienne. Elle était riche et dans le plein emploi, elle maîtrisait ses frontières et n’avait aucun compte à rendre à des institutions transnationales et irresponsables. En dehors des idéologues comme Roger Garaudy, indifférent au sort de ces peuples parce qu’ils étaient selon lui fils de fascistes, la France entière accueillait avec cœur ceux qui voulaient donner le meilleur d’eux même.
D’innombrables enfants asiatiques sont devenus les fils et filles de parents français. Combien de jeunes demandaient le baptême pour s’assimiler encore mieux à la France. Il fallait leur expliquer que leur démarche intime et personnelle devait être au centre de leur décision et non considérer le baptême comme un brevet de francisation !
Les Vietnamiens sont entrés dans nos églises et les ont vénérées. Beaucoup de leurs enfants ont voulu devenir chrétiens.
Ils sont repartis reconstruire
Nombreux d’entre eux au moment des accalmies idéologiques sont repartis reconstruire leurs nations. D’abord sujets de méfiance (les vietkieu) puis accueillis de façon pragmatiques par ceux-là mêmes qui avaient persécuté leurs pères, ils ont fait croître l’économie. Aujourd’hui, de nombreux jeunes se forment. Nous l’avons voulu dès le premier instant. Et qu’on ne me dise pas que la situation est plus brutale aujourd’hui au Proche Orient. Le Cambodge des années quatre-vingt et quatre-vingt dix, le Laos des Hmong étaient en guerre et dans une guerre violente.
C’est sur place et dans le chaos que nous avons construit des dizaines d’écoles, pépinières des cadres d’aujourd’hui. Si nous avions considéré que ces nations étaient perdues, ces pays seraient maintenant morts. Nous avons cru malgré le cauchemar du moment dans leur capacité de résurrection, notamment en investissant massivement sur la jeunesse. C’et notre honneur et notre fierté d’avoir réussi de façon aussi visible et aujourd’hui au sens exact du terme : exemplaire.
C’est-à-dire que nous attendons les audits qui puissent s’inspirer de ce que nous avons fait pour redonner l’espoir à la Syrie et à l’Irak.
Un enjeu de civilisation
Nos politiques, par perversité, par idéologie, par haine des cultures propres à chaque nation, par paresse ou par inaptitude intellectuelle, sont tragiquement incapables de répondre courageusement et énergiquement à ce problème d’enjeu de civilisation.
Avant de changer ces irresponsables amoraux et pervers — le plus vite possible — la société civile doit agir fermement. En attendant de trouver des responsables politiques qui aient le sens de la communauté de destin, une vision et le courage de la liberté, agissons à leur place et formons nos jeunes à l’amour de leur civilisation.
Yves Meaudre est directeur général de l’ONG Enfants du Mékong, Grand prix des droits de l’homme de la République française. Dernier ouvrage paru : Hoà - Les réfugiés (DMM, 2011).
Lire aussi :
Daech à Lampedusa, Libertepolitique.com, 16/09/2015
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