En ces temps de pandémie, le fonctionnement de la Ve République n’en finit pas de connaître de curieuses mutations, à l’image des fameux variants.
A la suite du discours présidentiel du lundi 12 juillet, le pays s’est engagé dans une course folle pour le vaccin généralisé, alors même qu’aucun texte de loi n’était voté, et que la parole présidentielle n’engageait pour l’instant à aucune mesure définitive.
Le projet de loi prévoyant l’adoption du passe sanitaire généralisé a été voté en Conseil des ministres, et cela suffit visiblement pour la presse à considérer que le texte a désormais force de loi, même s’il n’a fait encore l’objet d’aucune discussion parlementaire : le seul fait qu’il ait été adopté par le gouvernement semble suffire, à tel point que l’on se demande si l’examen parlementaire a une quelconque utilité dans le processus.
Et que dire de l’avis consultatif du Conseil d’Etat, rendu lundi 19 juillet avant le vote en Conseil des ministres ? Il valide lui aussi le texte, faisant assez peu de cas des multiples atteintes aux libertés qu’il comporte ; il s’inquiète simplement des atteintes « disproportionnées ». On appréciera la nuance. Et ces atteintes « disproportionnées » ne concernent que les grands centres commerciaux. Perdre son emploi, ou se retrouver à l’isolement sous contrôle policier ne sont en revanche pas des points considérés comme « disproportionnés. »
Le point 13 de l'avis du Conseil d’Etat nous explique, avec un certain sens de l’humour, qu’en aucun cas le Passe Sanitaire ne doit constituer une « incitation à se faire vacciner ». On ne sait trop s’il faut en rire ou en pleurer. Quelle autonomie pouvait-on attendre de cette institution, quand on sait que le rapporteur de l’avis, un certain Matthieu Schlesinger, n’est autre qu’un maire et candidat aux régionales pour La République En Marche ? L’objectif du vénérable Corps d’Etat n’est autre que d’apporter son soutien à la politique gouvernementale avec une illusion d’objectivité.
Le 6 juillet, le Conseil d’Etat avait déjà validé le principe du passe, sous réserve qu’il n’atteigne pas les actes du quotidien. La réserve est levée : en même temps, nous ne sommes plus à une contradiction près.
En attendant, nous pouvons toujours placer un maigre espoir dans les débats à l’Assemblée ou au Sénat. Après tout, la comédie démocratique peut parfois réserver des surprises, et le gouvernement a déjà effectué quelques retours en arrière : sur la surface des fameux centres commerciaux, sur les dates d’obligation pour les mineurs. Si nous avons un conseil à donner, c’est de patienter encore un peu avant de prendre un rendez-vous chez le médecin…
Constance Prazel
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