Une nouvelle vie pour le Club des Cinq ?

Voilà quelques jours que les parents réacs (dont nous faisons partie) exultent à la suite d’un article paru dans Le Figaro : les versions remaniées, simplifiées, expurgées du Club des Cinq, petits romans d’aventure ayant bercé notre enfance, se vendent mal. Le vocabulaire simpliste et les mises en scène politiquement correctes ne font pas recette. Le phénomène est d’autant plus intéressant qu’il a été identifié aussi au Royaume-Uni sur l’édition originale en anglais, qui a fait elle aussi l’objet d’un « relifting ».

Pendant que les nouveaux exemplaires s’ennuient sur les rayons des librairies, faute d’acheteurs, le cours du Club des Cinq vintage s’envole sur Le Bon Coin ou sur Ebay. On achète des lots, on fouille chez les bouquinistes, on part à la chasse au trésor dans les cartons de la grand-mère.

Il faut s’en réjouir, bien sûr : cela prouve que le lessivage intellectuel promu par quelques-uns n’est pas si évident, et rencontre de la résistance sur le terrain. Nombreux seraient donc les parents à n'avoir aucune envie de servir à leurs marmots une soupe sans odeur, sans consistance et sans saveur, où le marché a remplacé la messe, où le vouvoiement a disparu, de même que le passé simple. Il reste tout de même dans la bande des Cinq le personnage de Claude, en avance sur son temps, une « assignée fille à la naissance » qui rêve d’être un garçon. A l’époque on appelait ça un garçon manqué, aujourd’hui, c’est presque de la graine d’héroïne transgenre.

Trêve de plaisanterie : on peut se réjouir de l’engouement que suscitent les vieilles éditions, il ne faut pas, pour l’instant, prendre ses désirs pour des réalités. Hachette n’a aucunement l’intention, jusqu’à nouvel ordre, d’arrêter d’éditer les nouvelles versions, ni de republier les anciennes. Ce serait trop beau. Devant la chute observée des ventes, deux options sont certainement sur la table : soit retirer purement et simplement le titre du Club des Cinq du catalogue, au motif que « ça ne parle plus aux jeunes d’aujourd’hui », soit persévérer, en espérant que d’ici quelques années – tout va si vite en matière d’effondrement culturel – les jeunes parents soient suffisamment incultes pour ne pas faire la différence et fourguer aux bambins des histoires pleines de « on », et de phrases de trois mots. Patience, tout vient à point à qui sait attendre, malheureusement. Le progressisme fait rarement machine arrière… c’est tout simplement sa raison d’être d’aller de l’avant.

Constance Prazel