Il y a quelques semaines, le président G.W. Bush changeait son équipe économique. En particulier, le secrétaire au Trésor Paul O'Neil était remplacé par John Snow. On pouvait se demander si ce changement d'équipe allait s'accompagner d'un changement de politique et, en particulier, si G.

W. Bush allait se laisser séduire par les sirènes keynésiennes qui le pressaient de relancer la demande dans un contexte sinon de récession, du moins de ralentissement de l'activité économique.

On dispose désormais d'éléments de réponse grâce au plan de " relance " que le Président vient de présenter aux Américains, lors d'une réunion d'hommes d'affaires au Club économique de Chicago. Le plan lui-même repose sur des baisses d'impôts massives. 674 milliards de dollars de baisse d'impôts sur les dix ans à venir, c'est effectivement impressionnant, si on le compare par exemple aux timides baisses d'impôts françaises. C'est d'autant plus vrai que certaines mesures s'appliqueront rapidement : c'est ainsi que pour l'année à venir, les baisses d'impôts seront de 98 milliards.

Ces baisses d'impôts portent d'abord et avant tout sur la suppression totale de l'impôt sur les dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires. G.W. Bush fait valoir en effet que le système actuel était injuste, puisque ces dividendes étaient imposés deux fois, d'abord au niveau des entreprises (impôt sur les bénéfices), ensuite au niveau des ménages-actionnaires (impôt sur le revenu) : mettre fin à cette double taxation est une mesure de justice.

Par ailleurs, le président Bush propose d'accélérer la mise en place de réduction d'impôts déjà votées, mais qui devaient s'appliquer plus tard. C'est le cas de la baisse des taux d'imposition de toutes les tranches de l'impôt sur le revenu. En particulier le taux marginal d'impôt sera abaissé. De même, de nouvelles déductions fiscales seront possible pour encourager l'achat d'équipement par les entreprises et donc l'investissement.

Enfin, ces baisses d'impôts sont accompagnées de mesures sociales destinées à réduire le chômage. C'est ainsi que sont mises en place des comptes de retour à l'emploi, pouvant atteindre 3000 dollars, pour aider les chômeurs à retrouver du travail (ces sommes versées par les Etats et subventionnées par l'Etat fédéral seront données aux ménages chercheurs d'emplois en contre partie de dépenses précises liées justement à cette recherche d'emploi) : il s'agit d'une mesure intéressante, car elle ne vient pas d'une démarche d'assistance, mais d'une aide efficace à la recherche d'emploi. Si le chômeur trouve rapidement un emploi, il empochera toute la part de la prime qu'il n'a pas encore dépensée.

Que faut-il penser de ces mesures ? Certains – démocrates en tête - accusent le Président de favoriser les riches. D'autres de préparer l'économie à la guerre avec l'Irak. En Europe, on pense que ces mesures sont destinées à relancer la demande dans une logique keynésienne.

On peut avoir une toute autre analyse. Ces mesures semblent avoir été prises, dans la logique des idées de G.W. Bush, pour conforter l'offre et non la demande. La suppression de l'impôt sur les dividendes vise évidemment, dans une conjoncture boursière difficile, où la bourse a été plombée par les scandales, à relancer l'intérêt des épargnants pour les placements en actions. Le Président espère ainsi attirer plus d'épargne en bourse et inciter les entreprises à se procurer de l'argent frais par ce moyen plutôt que par des emprunts. Cela devrait permettre aux entreprises de développer leurs investissements.

Il ne s'agit pas d'une mesure d'aide aux riches - accusation qui est faite chaque fois qu'un impôt diminue - pour deux raisons ; d'abord la moitié des Américains sont propriétaires d'actions, ce qui n'est pas rien, mais surtout si l'opération réussit, le développement des entreprises qui en résultera permettra de créer des emplois, ce qui bénéficiera à tous, chômeurs compris.

La baisse des taux marginaux d'imposition sur le revenu va dans le même sens : il s'agit d'encourager l'offre en incitant à travailler plus, à entreprendre, à investir, etc. Ce n'est pas la demande que G.W. Bush vise, mais bien l'offre des entreprises en jouant sur les incitations à entreprendre et à travailler, dans la logique de la courbe de Laffer et de l'économie de l'offre.

En Europe beaucoup ont fait une lecture keynésienne de cette politique. Il est vrai qu'elle conduit pour l'instant à un déficit budgétaire accru, comme chez Keynes. Mais d'une part il est difficile de réduire les dépenses publiques militaires en raison des tensions internationales (comme c'était déjà le cas à l'époque de Reagan) et d'autre part ce déficit n'est pas obtenu par une hausse des dépenses artificiellement financée, mais par une baisse des impôts. Faut-il rappeler que la baisse des impôts n'est pas un cadeau fait aux riches ou aux autres, mais simplement le fait que l'on laisse une plus grande part de leur revenu à ceux qui les ont légitimement gagnés. On peut d'ailleurs être surpris que voir que la suppression d'un impôt n'est pas saluée en Europe comme il le convient : c'est pourtant un phénomène rare dont chacun devrait se réjouir.

Il reste que cette politique pour réussir doit modifier en profondeur les comportements : redonner confiance dans la bourse, modifier les incitations à produire et entreprendre. Cela nécessite une adhésion de la part des agents décentralisés. Et cette confiance, cette adhésion peuvent être mises à mal soit par d'autres scandales, soit si la situation militaire extérieure dérape, par exemple en cas d'enlisement en Irak. G.W. Bush n'est donc pas certain de réussir, car rien n'est jamais sûr en économie et bien d'autres facteurs peuvent intervenir ; mais il s'est, en tous cas, par une politique courageuse et active, donné les moyens de réussir. Ce qui est déjà beaucoup, surtout dans une économie qui reste flexible et dont les structures sont bonnes.

Jean-Yves Naudet est professeur à l'université d'Aix-Marseille III, président de l'Association des économistes catholiques.

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