Dans un pays qui se désagrège, menacé de plus en plus par l'irresponsabilité de ses dirigeants, la communautarisation religieuse des enjeux politiques est-elle une solution ? Raison garder ! Le bien commun n'est pas confessionnel, explique Guillaume de Prémare.
« LE SYSTEME POLITIQUE FRANCAIS ne peut pas supporter pendant trois ans d’avoir aux responsabilités des hommes et des mouvements politiques qui n’ont plus aucune confiance de la part du peuple. » C’est François Bayrou qui parle ainsi sur le plateau de BFMTV, supputant même que le président n’irait pas au bout de son mandat. Et le patron du MoDem de filer la métaphore : « Je ne sais pas ce qui va se passer. Vous savez, quand l’orage arrive, vous sentez l’électricité dans l’air. […] Il n’y a qu’une certitude, c’est qu’il va y avoir un coup de foudre, mais vous ne savez pas où. »
Si François Bayrou a raison, nous nous trouvons en situation inconfortable : nous sentons qu’il va arriver quelque chose, mais nous ne savons ni quoi, ni où, ni quand, ni comment. Et nous nous trouvons démunis devant l’énigme.
Garder son calme
Je crois que cet état d’esprit est partagé par de nombreuses personnes qui ont battu le pavé de nos villes entre novembre 2012 et février 2014. Nous sommes encore échaudés par les événements récents et nous faisons face – alors que nos chaussures et nos cerveaux fument encore – à une situation anxiogène, pas seulement pour nous, mais pour toute la société française.
Un tel contexte est propice à une certaine forme de déraison et d’activisme débridé. Les circonstances se prêtent à la surchauffe et la surenchère. Alors, camarades, « on ne lâche rien », et surtout pas nos nerfs. Ne perdons ni notre sang-froid, ni notre discernement, ni notre prudence au sens vertueux du terme. L’heure est à la détermination mais certainement pas à partir dans tous les sens.
Quelle convergence ?
J’entends ici et là que la solution aux problèmes de l’heure consisterait en quelque sorte à sceller la sainte alliance du catholicisme et de l’islam contre la décadence des mœurs. Farida Belghoul tient actuellement ce discours, s’appuyant sur son action contre les « ABCD de l’égalité » et sommant La Manif pour tous de s’y rallier sous peine d’être accusée de « trahison ».
Ce discours communautaire introduit parfois une forme de confusion dans les esprits militants. D’une part, La Manif pour tous ne se situe pas au plan confessionnel ; d’autre part, elle ne trahit rien — bien au contraire — en restant fidèle à sa ligne politique et à ses modes d’action, qui ont fait la preuve d’une certaine maturité et lui ont procuré un certain poids.
Je souligne par ailleurs que La Manif pour tous travaille depuis le départ avec des musulmans comme Camel Bechikh et ses « Fils de France », non pas sous le signe d’une convergence communautaire, mais d’une convergence politique entre opposants aux projets gouvernementaux en matière de mariage et de famille.
La passion de l’unité
Au-delà de ces questions de société, qui sont loin d’être les seules à se poser cruellement aujourd’hui pour notre pays, je crois profondément que la communautarisation religieuse des enjeux politiques est antipolitique en ce sens où elle s’oppose à la notion même de Cité, qui est le bien commun que nous voulons défendre et promouvoir.
La France, bientôt peut-être, sera à reconstruire, la chose publique sera à refonder. Une nouvelle génération politique sera peut-être appelée à remplacer celle qui fait aujourd’hui la démonstration de sa vacuité. Je le souhaite ardemment et je pense que nous sommes appelés à cette tâche exaltante.
Mais ce « nous » dont je parle, ce ne sont pas « nous les catholiques » ou « nous les musulmans » ; ce « nous », ce sont tous les Français qui ont encore au cœur la passion de l’unité française le désir du bien commun et l’amour de la patrie. Là est la vraie convergence.
Chronique prononcée sur Radio Espérance du 13 juin 2014.
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