« Il faut que la communauté musulmane se révolte. » C’est Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, qui parle ainsi en sortant d’une audience avec le pape. « Les musulmans sont traumatisés, ils en ont marre », ajoute à chaud le religieux qui vient d’apprendre l’acte terroriste contre “Charlie Hebdo”. « Cette majorité silencieuse se voit prise en otage par des fêlés », dit-il encore.
Peu de temps avant d’avoir lu ces lignes, je reçois un texto d’un ami musulman qui me dit la nécessité « d’accélérer la construction de ponts ». Et cet ami cher de terminer en me disant : « Les acteurs de haine et diviseurs sont en joie aujourd’hui, je suis horrifié. » C’est l’état de choc : la France vient de subir un acte de guerre terroriste, avec à la clé un objectif de conquête politico-religieuse.
L’enquête semble désigner, pour le moment, des musulmans issus de l’immigration, de nationalité française. Que l’immense majorité des millions de musulmans qui vivent en France soit horrifiée par cet acte, c’est évident. Mais une guerre urbaine est toujours le fait d’une petite minorité qui grandit sur un terreau politique et culturel plus large que sa seule expression la plus extrême. Bien sûr, c’est un problème grave ; et répéter en boucle « pas d’amalgame, pas de stigmatisation » ne résout pas en soi ce problème.
Un terreau culturel
Le terreau culturel et politique dont il s’agit, c’est ce phénomène mondial d’un islam de plus en plus radical, une certaine forme d’islam qui progresse dans le peuple musulman. En face de cela, la peur de l’islam est un phénomène majeur de notre temps. En face ce cela, le peuple français en a marre, lui aussi. Marre de cette situation hors de contrôle où les frontières ne veulent plus rien dire, marre de l’ouverture à tous les vents, marre des oukases médiatiques contre ceux qui avertissent du danger. Voici par exemple Lydia Guirous, secrétaire nationale du Parti radical qui, dans une tribune au Figarovox, donne raison à Zemmour et fustige ses censeurs qui pleurent aujourd’hui la liberté d’expression qu’ils voulaient museler hier encore.
J’entends les appels à l’unité nationale. Je suis d’accord. Mais attention : on ne refera pas le ciment national durablement seulement en luttant contre un ennemi commun, cet ennemi islamiste qui ensanglante également des mosquées, comme récemment au Nigéria. On refait une unité nationale sur une culture, sur une histoire, sur une langue, sur une géographie, sur une tradition, bref sur tout ce qui fait une nation.
Refaire l’unité nationale
Alors, « accélérer la construction de ponts », cent fois oui ! Ces ponts doivent être profondément enracinés dans la culture et l’éducation. Cela signifie qu’ils doivent présenter le visage inverse de cette œuvre de déconstruction culturelle et éducative qui a dépouillé les Français de leur identité et enfermé une partie des musulmans de France dans la victimisation, avec ce discours sur les minorités discriminées, cette thèse absurde qui veut que l’histoire de France se confonde avec l’histoire de l’immigration, que le multiculturalisme présente un merveilleux horizon de fraternité. Tout cela est mensonge.
Pendant ce temps, nous n’avons pas transmis ce qu’est la France, nous ne l’avons pas fait aimer. Or, mon ami musulman m’a dit un jour que lorsque les musulmans Français connaissent l’histoire de France, ses arts et sa culture, ses traditions et son excellence, ils aiment et admirent la France, y compris cette substance chrétienne qui a contribué à la façonner. Si nous ne choisissons pas ce chemin de culture et d’éducation, l’incompréhension et la défiance grandiront, le fossé se creusera, jusqu’à l’irréparable. Si nous le choisissons, nous ouvrirons un chemin d’espérance dont le génie français est capable. Impossible n’est pas Français.
Guillaume de Prémare,
Chronique prononcée sur Radio Espérance le 9 janvier 2015.
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Nous sommes le dimanche 11 janvier 2015. Avec ma fille nous nous rendons dans la cour de la mairie de notre village d'Auvergne, au monument aux morts. Rendez-vous est donné à 11 heures aux villageois pour un rassemblement silencieux. Silencieux et sans signe distinctif ni politique, ni religieux car la France est laïque et au dessus de tous les partis.
Voir le commentaire en entierPuisque l'on nous promet que ce rassemblement est celui de l'union nationale, je décide de jouer le jeu.
Sans signe distinctif donc, c'est-à-dire sans cette pancarte noire "Je suis Charlie". Ce n'est que symbolique dira-t-on et il ne faut pas penser qu'en brandissant cette pancarte on s'affiche forcément comme un adepte du journal. Peut-être, mais par définition un symbole n'est jamais neutre, il est un signe de reconnaissance (citons le symbole des premiers chrétiens pour ne donner que l'exemple classique). Et si je ne suis pas Charlie alors c'est que je n'éprouve ni révolte ni indignation ? Sans la pancarte, je ne suis pas dans le bon camp ? Une dichotomie de plus pour la France un jour pourtant promis à l'union.
"Je suis Charlie", quelques semaines seulement après "Je suis Rémi (Fraisse)", voilà ce que scande cette foule sentimentale innombrable et qui veut sortir de l'anonymat dans le premier sens du terme puisque cet un prénom qu'elle recherche. Une foule avide de s'identifier à la victime du moment pour mieux être consolée soi-même en se montrant dans ces défilés retransmis à la télévision. Regardez comme je pleure ! Ces défilés ne sont-ils pas d'un exhibitionnisme outrancier pour les vrais victimes ? Ne sait-on plus compatir pour les victimes dans le secret de sa chambre et, par pudeur, se retirer du monde le temps du deuil ? Pauvre société qui a besoin avant toute chose d'un gros câlin.
Je ne suis pas Charlie, et "Tu n'es pas Charlie, tu as déjà un prénom" a-t-on difficilement expliqué à notre collégienne de fille. "Tu n'a jamais lu ce journal, ni nous tes parents, ni même tes grand-parents". Je ne reproche rien à ma fille tant la pression émotive a été forte. Elle voulait publier sur le site du collège une photo avec des copines et la pancarte "Je suis Charlie". Là où l'école doit au contraire apprendre à nos enfants à maîtriser leurs émotions, l'enseignante toute émue avait trouvé que c'était "une excellente idée".
Nous avons manifesté silencieusement donc et pour clôturer le temps de silence, le public a chanté la Marseillaise puis applaudi. c'était sobre et digne, sans exubérance même si quelques Charlie en blanc sur fond noir ornementaient des pare-brises et des poitrines.
Plutôt que de brandir des pancartes et de s'agglutiner dans les grandes villes (ce qui est pour le moins irresponsable quand le niveau du plan Vigipirate est toujours à son niveau maximal), il est temps de reprendre la réflexion pour réapprendre à vivre ensemble et reconstruire l'identité française et cela commence à l'école de la république. Le slogan "Je suis Charlie" ne suffira pas.
On ne fera pas l'unité nationale autour du slogan "JeSuisCharlie". En revanche, c'est l'occasion de s'accorder avec les musulmans sur ce point : eux comme nous refusent la vulgarité, l'insulte, la grossièreté, le blasphème porté par "Charlie Hebdo". La seule liberté d'expression durable, c'est celle qui respecte l'autre, sa personne, sa foi.