Source [Marianne] : Le philosophe et économiste Jérôme Batout fait paraître « la Revanche de la province », un ouvrage distrayant, presque amusant, dans lequel il explique les mécanismes de déringardisation de la province face à Paris.
Marianne : Tout d’abord, quelle est la victoire de Paris sur la province qui appellerait une revanche ?
Jérôme Batout : Paris l’a emporté sur la province au moment de l’entrée de la France dans la mondialisation, dans les années 1990. Alors que le couple Paris-province fonctionnait en symbiose depuis quatre siècles, avec une certaine ironie affectueuse des deux côtés, la capitale a donné un coup de canif et a largué la province. Elle a songé qu’elle pouvait désormais se passer de la vieille dépendance économique qu’elle avait à l’égard de la province. On pouvait produire mieux et moins cher en Asie, en Europe de l’Est, en Afrique du Nord… Paris a ainsi largué la province.
C’est en réponse à cette rupture que je parle de revanche. D’un point de vue objectif et quantitatif, la revanche de la province est encore loin d’être évidente. Cependant, la dynamique est déjà enclenchée. La province a fait de cette solitude et de cet abandon une force. Bien sûr, elle part de très loin : les Français que j’ai rencontrés n’ont pas manqué de me le rappeler. Mais, dans les esprits, le coup est parti. La province, qui n’est pas un bloc homogène – comme peuvent le croire les Parisiens –, mais une sensibilité partagée, sent que son moment est venu.
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