Source [Boulevard Voltaire] : À l'occasion de l'anniversaire de la Convention de Schengen, ce 19 juin, BV a rencontré Philippe de Villiers. L'homme politique et créateur du Puy du Fou, essayiste et écrivain à succès, a replongé pour l'occasion dans ses archives. Il a mûri, réfléchi, constaté qu'il avait vu clair. Il livre une analyse détaillée de ce moment charnière pour la France, au moment même où le drame d'Annecy remet Schengen au cœur du débat, une fois de plus. Entretien en longueur et sans voile.
Marc Baudriller. Nous célébrons ce 19 juin les 33 ans de la Convention de Schengen qui complète l’accord du 14 juin 1985. Quel était le rêve européen lors de la signature de ces accords et où en sommes-nous aujourd’hui ?
Philippe de Villiers. Dans mes archives personnelles, j’ai retrouvé un document que j’avais publié le 12 mars 1995, à l’occasion d’une conférence de presse, intitulé : Pourquoi faut-il maintenir les contrôles aux frontières ? Non à Schengen ! C’était l’époque où les chefs à plumes de la droite classique, Jacques Chirac et Édouard Balladur, du haut de leur sagesse, proclamaient qu’il fallait soutenir l’abolition des frontières. La classe politique dans son ensemble, imprégnée de l’idéologie de l’Ouverture, pensait que la disparition des protections pour les hommes et les marchandises serait un progrès en termes de prospérité et de civilisation. Je me suis senti très vite bien seul et la presse m’a désigné comme un lépreux à crécelle sanitairement dangereux… En effet, j’osais arguer qu’avec Schengen, on courait à la catastrophe ; « lorsqu’on fait des trous dans une casserole, cela s’appelle une passoire ».
M. B. Étiez-vous le seul à défendre cette ligne ?
P. de V. Il y avait Jean-Marie Le Pen et moi-même. Toutes les élites, sous l’influence du soft-power américain, étaient acquises à l’idée excitante d’une expérience post-identitaire. J’avais disputé avec François Mitterrand, quelques mois après la signature du traité de Schengen, lorsque j’étais secrétaire d’État dans le gouvernement de Jacques Chirac. Il avait forgé un aphorisme : « La France est notre patrie, l'Europe est notre avenir ». Aujourd’hui, avec le recul, on devine que le désastre de Schengen fut le prix à payer pour trois erreurs qui nous ont laissé démunis, sans ressources morales ni réflexe de survie.
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