Dans une lettre en date du 2 avril adressée au président du Comité consultatif national d’éthique qui a demandé à tous les candidats à la présidentielle de s’expliquer sur leur vision des enjeux bioéthiques futurs, François Hollande a confirmé sa volonté de légaliser l’euthanasie s’il était élu à la magistrature suprême : « Je souhaite que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». Le candidat socialiste s’est par ailleurs engagé à ce que le Parlement adopte ce « nouveau cadre juridique » avant le printemps 2013.
Applaudissant à la proposition de François Hollande, le philosophe André Comte-Sponville qui est l’un des maîtres à penser du lobby pro-euthanasie ADMD (Association pour le droit de mourir à la dignité) signe cette semaine un éditorial qui lève un coin du voile sur le projet socialiste : « La réforme (…) ne coûterait pas un centime à l’Etat. Elle pourrait même (quoique ce ne soit pas son but) permettre des économies à la Sécurité sociale ». Aveu d’autant plus effrayant qu’il est publié dans l’hebdomadaire économique Challenges[1].
Arrière-pensées
Lorsque nous avions pris connaissance du projet présidentiel de François Hollande en janvier dernier, nous avions envisagé l’hypothèse d’arrière-pensées « financières » inavouables : « La gauche espère-t-elle engranger de substantielles économies en ces temps de crise budgétaire en précipitant la mort des malades en fin de vie ? Il est vrai qu’une injection mortelle de chlorure de potassium coûte moins d’un euro tandis qu’une journée d’hospitalisation en réanimation dépasse les 1500 euros [2]».
Les langues commenceraient-elles à se délier chez les partisans de la légalisation de l’euthanasie depuis que leur favori est en passe d’accéder à la présidence de la République ? Toujours est-il qu’il n’est pas anodin qu’André Comte-Sponville évoque pour la première fois depuis le début de la campagne les économies d’argent attendues de la légalisation du « meurtre anticipé ». A n’en pas douter, l’euthanasie est dans l’esprit de certains en passe de devenir une possible variable d’ajustement économique.
La logique socialiste
D’ailleurs, dès 1981, Jacques Attali n’annonçait-il pas que l’euthanasie serait « l’un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figure » (Avenir de la Vie, Edition Seghers) ? L’ancien conseiller de François Mitterrand voyait deux raisons à cette évolution inéluctable.
D’une part, en raison de la signification même du socialisme car « la logique socialiste, c’est la liberté, et la liberté fondamentale, c’est le suicide : en conséquence, le droit au suicide direct ou indirect est une valeur absolue dans ce type de société ». Il n’est donc guère surprenant que François Hollande veuille, 30 ans après, adosser le droit de mourir dans la dignité au nouveau principe d’autodisposition de l’individu.
D’autre part, en raison du « logiciel » interne à nos sociétés utilitaristes dont l’unique credo semble être la rentabilité : « Dans une société capitaliste, des machines à tuer, des prothèses qui permettront d’éliminer la vie lorsqu’elle sera insupportable [un terme que ne fait que reprendre Hollande dans son projet] ou économiquement trop coûteuse, verront le jour et seront de pratique courante. Je pense donc que l’euthanasie, qu’elle soit une valeur de liberté ou une marchandise, sera une des règles de la société future ».
L’euthanasie instrument de gouvernement
Dans un autre ouvrage intitulé L’homme nomade (Editions le Livre de Poche, 2005), Jacques Attali convoque de nouveau des critères économiques pour justifier l’institution d’une euthanasie d’Etat : « Dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte cher à la société : il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement, plutôt qu’elle ne se détériore progressivement (…). On pourrait accepter l’idée d’allongement de l’espérance de vie à condition de rendre les vieux solvables et de créer ainsi un marché (…). Je crois que dans la logique même du système industriel dans lequel nous nous trouvons, l’allongement de la durée de la vie n’est plus un objectif souhaité par la logique du pouvoir ».
Dans la nouvelle société relativiste, individualiste et technocratique, Attali pronostique que l’euthanasie sera « un instrument essentiel de gouvernement ». Dans l’éventualité de la victoire du candidat socialiste le 6 mai prochain, cette « prophétie » pourrait rapidement devenir réalité.
Retrouvez tous les articles de bioéthique dans notre dossier :
[1] André Comte-Sponville, « Dépénaliser l’euthanasie », Challenges, 19 avril 2012.
[2] Pierre-Olivier Arduin, « Le choix mortel de l’euthanasie », Valeurs actuelles, 9 février 2012.
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