La « réinformation » est une noble quête car elle recherche la vérité. Mais son objectif sera vraiment atteint quand elle ne sera, justement, pas qualifiée de « ré-information », mais bien d’information pour un public toujours plus large, et non uniquement de convaincus.
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Avant toutes chose, je voudrais prier le lecteur de pardonner cet article un peu trop « engagé ». Je ne parle pas ici comme un observateur plus ou moins qualifié du monde de la réinformation, mais comme un acteur qui consacre une large partie de son temps à cette œuvre de réinformation, notamment en tant qu’éditeur de plusieurs médias « dissidents ». Je ne prétendrais donc pas ici à la moindre objectivité, mais je voudrais donner quelques lumières sur ce que je sais des motivations, des contraintes, des échecs et des succès de la réinformation – et notamment, puisque c’est ce que je connais le mieux, de la réinformation catholique en France.
Ceci étant posé, venons-en au cœur du sujet. Et, d’abord, qu’entend-t-on pas « réinformation » ? On connaît le mot fameux de Joseph de Maistre sur la contre-révolution, qui n’est pas la révolution en sens contraire, mais le contraire de la révolution. Je dirais volontiers la même chose de la réinformation : il ne s’agit pas d’une désinformation en sens contraire (disons une désinformation « populiste » qui répondrait à la désinformation « oligarchique »), mais du contraire de la désinformation.
Cela implique un certain nombre de conséquences.
La première de ces conséquences est que la vérité est la seule norme acceptable de la réussite ou de l’échec d’une entreprise de réinformation. Notre premier objectif doit être de dénoncer les mensonges de la désinformation, et non d’imposer notre point de vue – même si faire triompher ce dernier est naturellement un objectif politique parfaitement légitime. Cela m’amène à préciser un point important : la réinformation n’est pas directement une action politique ; elle relève plutôt de ce que l’on appelle aujourd’hui la « métapolitique », c’est-à-dire l’action culturelle. Cependant, il est vrai que l’immense majorité des personnes engagées dans cette œuvre de réinformation ont été mues par un objectif politique. Pour ma part, c’est parce que j’étais révolté par les mensonges et la propagande des « grands » médias sur l’Eglise et sur l’histoire de France, que je me suis engagé, voici bientôt trente ans dans ce combat médiatique – qui ne s’appelait pas encore « réinformation » – et que, depuis une quinzaine d’années, je suis devenu à mon tour éditeur de presse. Il serait absurde de prétendre à l’apolitisme, à l’impartialité ou à la neutralité.
Je comprends bien pourquoi certains tentent de poser aux commentateurs impartiaux. La « große presse », comme disait mon vieil ami Daniel Hamiche, auprès duquel j’ai fait mes premières armes dans ce combat, et qui ensuite me suivit dans toutes mes aventures éditoriales, la « große presse » donc a imposé un standard tout à fait inepte et même impossible. Il y aurait, à l’en croire, des médias honorables qui seraient des médias d’information et, face à eux, des médias méritant à peine ce nom qui seraient des médias d’opinion. Mais il n’existe pas d’information pure. Toute information est nécessairement vue au travers du prisme de celui qui la prend comme telle. La réalité, c’est que, bien sûr, nos médias de réinformation sont des médias d’opinion, mais ils ont un avantage considérable sur leurs « honorables » confrères : ils savent, eux, qu’ils sont des médias d’opinion, alors que « Le Monde » et tant d’autres sont la quintessence du média d’opinion qui s’ignore. N’importe quel lecteur qui découvrirait cette presse « mainstream » constaterait qu’elle a des idées politiques et religieuses bien nettes – aussi nettes que les nôtres. Par exemple, il est clair que, pour « Le Monde », les frontières sont des survivances archaïques dont la suppression fera progresser la paix mondiale. On peut le croire. On peut sûrement même le justifier. Mais on ne saurait nier sérieusement que cela constitue un choix politique bien clair – et bien discutable.
Au vrai, peut-être est-ce là précisément ce qui motive les réinformateurs : nous contestons fondamentalement que la doxa dominante soit indiscutable. Nous la contestons avec des arguments sérieux – qui ne sont pourtant jamais pris au sérieux par nos interlocuteurs !
Notre premier adversaire est donc le mensonge par omission. Dans le cas général, les « grands » médias ne mentent pas explicitement. Cela arrive parfois. Ainsi tel grand quotidien avait un jour accusé les catholiques traditionalistes de reprendre à leur compte le slogan « nazi » : « La vérité vous rendra libres ». L’auteur de cet article d’anthologie avait manifestement confondu l’Évangile de saint Jean avec la phrase qui s’affichait au fronton d’Auschwitz : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre). Là, l’erreur était massive, explicite, visible par tous ceux qui connaissaient le sujet – et le refus de corriger l’erreur ne peut être qualifié que de mensonge. Mais, plus généralement, ce que nous constatons, c’est une occultation des arguments « gênants » pour ne mettre en valeur que certains aspects du sujet traité. C’est ainsi, par exemple, que les instituts de sondage posent des questions induisant certains types de réponse de préférence à d’autres. Si vous demandez à une personne : « Êtes-vous favorable au droit de chacun d’épouser la personne de son choix ? », vous avez de fortes probabilités d’obtenir une écrasante majorité de « oui ». Et cela vous permettra de dire que les Français sont majoritairement favorables à la loi Taubira. Mais, si vous posez la question : « Êtes-vous favorable à ce que l’État prive artificiellement un enfant de son père ou de sa mère ? », le résultat a toutes les chances d’être sensiblement différent. Pourtant, c’est aussi un aspect important de la loi Taubira. Notre travail de réinformation consiste donc largement à rappeler les éléments délibérément occultés par les médias dominants.
Une autre des conséquences de cette définition de la réinformation concerne l’acceptation de la critique – et l’acceptation de reconnaître ses erreurs quand il y a lieu. Dans les médias dominants, dont le métier est, en réalité, non pas de chercher la vérité, mais de justifier la propagande de l’oligarchie au pouvoir (soit, encore une fois, en occultant les arguments en sens contraire, soit en détournant l’attention par des débats artificiellement créés ou des reportages sur des îles féériques !), vous ne trouverez que très rarement une telle reconnaissance d’erreur. Dans nos médias de réinformation, c’est beaucoup plus fréquent. Non pas, bien sûr, parce que nous serions plus vertueux que nos « honorables confrères », mais tout simplement parce que nous faisons un autre métier. Nous, nous cherchons à découvrir la vérité et à la transmettre quand nous l’avons trouvée – ou plutôt quand nous en avons trouvé une parcelle. Et, en ce bas monde, la recherche de la vérité implique beaucoup de tâtonnements et donc aussi, hélas, beaucoup d’erreurs.
Il faut encore mentionner une conséquence importante de la vision que j’ai exposée plus haut de la réinformation. Il n’existe pas, et il ne peut pas exister de « réinfosphère » (ou de « fachosphère » comme disent les médias bien-pensants). Ayant eu un jour l’honneur douteux d’un chapitre entier dans un livre précisément intitulé la « fachosphère », j’avais répondu que, pour ce qui me concernait, le concept était doublement inadapté. D’abord, parce que le fascisme est une idéologie de gauche (c’est la propagande communiste qui en a fait la pendant à « l’extrême droite » de ce qu’était le communisme lui-même à l’extrême gauche). Il s’agit en effet d’une idéologie alliant le nationalisme révolutionnaire et le socialisme, deux idéologies que, personnellement, je combats comme contre-révolutionnaire. Quant à la « sphère », j’avais ironisé sur le fantasme « complotiste » des journalistes d’une espèce de groupe de gouvernement de ladite « fachosphère » – sachant que l’un des autres chapitres concernait Alain Soral que j’ai croisé une fois dans ma vie et avec lequel j’ai des désaccords idéologiques assez significatifs, notamment sur l’islam, et un autre concernait le « porno nationaliste » dont j’ai découvert l’existence à cette occasion et avec lequel je vois mal comment un catholique de conviction pourrait collaborer !
Il ne peut pas exister de « réinfosphère » pour une raison simple : la réinformation étant une entreprise idéologique, nous travaillons tous à défendre nos convictions face aux mensonges des médias dominants. Mais pourquoi donc nos propres divergences seraient-elles plus insignifiantes ? Ce n’est pas parce que je suis en désaccord avec Le Monde sur l’ouverture des frontières que je suis nécessairement en accord avec une actrice pornographique « nationaliste ». Les ennemis de nos ennemis ne sont pas toujours nos amis. Cela tombe tellement sous le sens que l’on a un peu honte de rappeler ce truisme.
Je voudrais terminer ce trop rapide panorama par quelques réflexions sur les forces et faiblesses de la réinformation – et sur son possible avenir.
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