Source [Le Salon Beige] Plusieurs lecteurs nous ont sollicité pour savoir quand paraîtraient les prochains articles relatifs aux difficultés de la Fondation pour l’Ecole (FPE) et d’Espérance banlieues (FEB) (la première étant la fondation abritante de la seconde), que Michel Janva avait annoncés.
A cette question, je me permets une réponse collective : ils ne paraîtront pas dans un avenir prévisible. En effet, plusieurs dirigeants des deux structures m’ont demandé de surseoir à leur publication pour tenter de résoudre les problèmes en interne. Naturellement, si c’est possible, c’est de loin préférable. Je précise simplement à ce sujet que, contrairement à ce que j’ai entendu, nul ne nous a « interdit » de publier quoi que ce soit – je ne vois pas comment d’ailleurs, puisque le seul avantage du Salon beige sur les médias « mainstream » est sa liberté et son indépendance.
Je dois aussi préciser que la plupart des protagonistes sont des amis et que, comme souvent dans ces affaires, il n’est pas vraiment évident de schématiser la discussion en un conflit hollywoodien entre bons et méchants. Mais la phrase d’Aristote à propos de Platon n’a jamais cessé de me tarauder et j’espère que nous serons toujours capables de choisir la vérité comme le grand philosophe : Amicus Plato, sed magis amica veritas – tout en espérant aussi qu’il sera possible d’aplanir les différends.
En tout cas, il est évident qu’il est assez désagréable de devoir « laver notre linge sale en public ». Certains protagonistes ont jugé que c’était nécessaire et nous ont demandé de rendre publics les problèmes ; d’autres ont jugé qu’il était urgent de revenir à la discussion privée et nous ont demandé de ne plus rien publier. Il nous est considérablement plus facile de suivre ces derniers. Cela étant, que ce soit public ou privé, nous avons la tristesse de voir des amis se diviser – et pas seulement sur des sujets mineurs.
Il reste toutefois que de ce mal pourrait aussi sortir un bien.
Peut-être les difficultés présentes pourraient-elles, en effet, être l’occasion d’une réflexion stratégique collective sur le rôle d’Espérance banlieues.
Selon moi, Espérance banlieues devait principalement rendre politiquement acceptable le principe de la liberté scolaire, en répondant à une critique fondamentale selon laquelle les écoles hors contrat, ce n’était bon que pour les « cathos CSP+ ».
La réalité, c’est que la liberté scolaire étant de droit naturel – je veux dire : étant la conséquence de la liberté éducative des parents, conforme à la nature même de la personne humaine et de la famille – est bonne pour tout le monde. Y compris donc pour les banlieues. Y compris pour les musulmans.
Il est clair que si, comme il en est question, la FEB obtenait une sorte de contrat d’association avec l’Etat, tout changerait.Et tout changerait pour tout le monde. D’abord, la FEB cesserait d’être un caillou dans la chaussure de la prétendue Education nationale (qui n’est plus, comme chacun sait, ni éducative, ni nationale). Cela entraînerait logiquement que, tôt ou tard, les délires du pédagogisme et de la théorie du genre, pour ne rien dire de la propagande anti-française, s’y appliqueraient. Ce qui implique que, tôt ou tard, les familles musulmanes s’en désintéresseraient. Par ailleurs, l’enseignement catholique sous contrat serait probablement une victime collatérale de l’opération, puisqu’une bonne partie des écoles qui ne restent dans l’enseignement catholique que pour le confort que cela apporte, et sans aucun intérêt pour la transmission de la foi aux enfants, choisiraient sans nul doute ce réseau plus « confortable ». Cela aurait certes le mérite de la clarté, mais il n’est pas certain que les directions diocésaines pourraient absorber facilement un choc aussi brutal. Enfin, et surtout, nous abandonnerions le combat pour la liberté scolaire – encore une fois, droit naturel des parents et principe non négociable du combat politique, comme l’avait magistralement rappelé le pape Benoît XVI –, laissant supposer que c’est à l’Etat de traiter tous les problèmes éducatifs. On peut imaginer que cela soit l’intérêt de certaines tendances du ministère de l’Education nationale (mais non de toutes, loin s’en faut !), mais ce ne serait certainement ni l’intérêt des familles, ni l’intérêt de la nation.
Avec cette volonté de reconnaissance étatique, le risque est évidemment de tomber dans le « syndrome du Pont de la rivière Kwaï », c’est-à-dire de prendre un simple moyen pour une fin. On se souvient que, dans le célèbre film, le colonel Nicholson, pour occuper ses hommes et leur permettre de rester dignes, se laisse convaincre de construire un pont sur la rivière Kwaï. Ce dernier étant un obstacle à la stratégie anglaise, les compatriotes du colonel vinrent le détruire. Mais Nicholson tenta de s’interposer : le pont était devenu un but en soi… Il en irait de même si, pour assurer le développement de la FEB, certains abandonnaient la FPE et le combat pour la liberté scolaire.
Si les écoles de la FEB ont vocation à montrer la pertinence de la liberté scolaire, dans tous les milieux et toutes les circonstances, elles nous intéressent. Si elles ont vocation à former les futures élites de la république islamique de France– après que les élites musulmanes de l’Algérie française nous ont fichu dehors, pour le plus grand malheur, non seulement des Français d’Algérie, pieds-noirs et harkis, mais aussi des Algériens eux-mêmes qui gémissent sous la tyrannie du FLN, sans autre « espoir » que le triomphe des islamistes –, je ne vois pas pourquoi les catholiques français y dépenseraient leur temps et leur argent, sans parler du fait qu’elles deviendront tôt ou tard nuisibles pour les enfants d’immigrés qui y sont envoyés.
Un administrateur de la FPE m’a, un jour, rapporté qu’un cadre de la FEB lui avait dit que la France musulmane serait toujours la France. Je conçois que M. Blanquer le croit– et encore… –, mais, pour ce qui me concerne, je n’en crois pas un mot.
Mais, puisque je parle de M. Blanquer, la question centrale pour l’avenir de la FEB n’est-elle pas exactement celle que posait Mme Meunier-Berthelot au sujet de cet étrange ministre ? On se demande, en effet, si la sympathique défense de l’instruction « à l’ancienne » que le successeur de la sémillante Najat n’est pas, en quelque sorte, réservée aux banlieues, en une sorte de monstrueuse discrimination positive qui ne verrait aucun inconvénient à priver les petits Français de leurs racines culturelles, mais offrirait le meilleur de nos humanités aux petits musulmans – et à nos frais. De la même façon, le développement rapide de la FEB – surtout quand on le compare aux difficultés de lancement d’Espérance Ruralités – laisse parfois supposer que la liberté scolaire et ses bénéfices serait réservée aux enfants de l’immigration et que, pour les enfants des gilets jaunes, la bouillie indigeste des manuels de « l’Educ » serait bien assez bonne.
Bref, si cette crise pouvait servir à ce que les objectifs stratégiques d’Espérance Banlieues soient clairement affirmés, ce serait une excellente nouvelle.
Guillaume de Thieulloy
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