Mardi 8 mars, l'Assemblée générale des Nations-unies a adopté une Déclaration sur le clonage des êtres humains, une déclaration non contraignante mais de référence. Les pays membres sont appelés "à adopter toutes les mesures voulues pour protéger comme il convient la vie humaine dans l'application des sciences de la vie et à interdire toutes les formes de clonage humain dans la mesure où elles seraient incompatibles avec la dignité humaine et la protection de la vie humaine" indique la Déclaration.
Les États-membres sont invités à adopter les mesures voulues pour écarter le risque de l'exploitation des femmes dans l'application des sciences de la vie et à appliquer sans délai une législation nationale donnant effet aux dispositions de la Déclaration Le texte a été adopté à une large majorité : 84 voix pour, 34 contre et 37 abstentions. Il avait été voté au préalable par la VIe Commission (sur les questions juridiques), chargée de l'élaborer.
Une victoire à l'arraché
Déjà en novembre 2003, la VIe commission avait décidé, à l'issue de débats animés, de reporter l'examen des propositions visant l'élaboration d'une convention internationale contre le clonage d'êtres humains. En novembre 2004 une nouvelle session de cette commission s'était une fois de plus achevée sans trouver d'accord malgré une large majorité se déclarant contre toute forme de clonage humain, reproductif et thérapeutique. On pouvait observer une pression très forte des pays souhaitant ne pas interdire le clonage thérapeutique. La session s'était achevée en abandonnant l'idée d'un accord sur une convention et en proposant de nouvelles discussions en février 2005 sur une simple déclaration, perdant son effet contraignant.
Après des années de débat, la VIe Commission juridique adoptait donc enfin, le 18 février dernier, cette résolution reprenant le texte présenté par le Honduras et soutenu par les États-Unis, favorable à une interdiction totale du clonage humain, 71 voix pour, 35 contre et 43 abstentions. Il ne lui restait plus qu'à être approuvée par l'Assemblée générale.
Si la victoire semble facile quand l'on considère le nombre de voix, elle a été en fait obtenue à l'arraché ... La phrase centrale a été très disputée : "Interdire toutes les formes de clonage humain dans la mesure où elles seraient incompatibles avec la dignité humaine et la protection de la vie humaine."
Deux amendements visant à retirer du texte toute référence à la protection de la vie humaine dans les techniques de clonage ont été rejetés. La victoire s'est particulièrement jouée sur l'amendement proposé par la Belgique qui souhaitait modifier le texte en ces termes : " Interdire le clonage reproductif d'êtres humains ; d'interdire toutes les formes de clonage humain dans la mesure où elles seraient incompatibles avec la dignité humaine. " Garder seulement la référence à la dignité humaine en supprimant celle à la vie humaine pouvait exclure la protection de l'embryon puisque justement ceux qui souhaitent mener des recherches sur l'embryon et le clonage ne reconnaissent pas de statut ni de dignité à l'embryon humain. À l'inverse le texte adopté incluant "la protection de la vie humaine" inclut l'embryon. Cet amendement a été refusé à 3 voix seulement (52 pour – 55 contre – 42 abstentions). La tension était clairement perceptible dans la salle...
Les réactions
Si le texte conserve quelques ambiguïtés, il reste très précieux. Les réactions des promoteurs du clonage le confirment... Ils ressentent le vote comme une défaite et comme une menace pour le clonage thérapeutique.
La Chine, la Belgique et la Grande-Bretagne ont immédiatement déclaré qu'"ils ne se sentaient pas liés par cette déclaration de l'ONU, non contraignante". L'ambassadeur britannique à l'ONU, Emyr Jones Parry, n'a pas hésité à fustiger "l'intransigeance de ceux qui ne sont pas prêts à reconnaître que d'autres États souverains après un dialogue approfondi et un processus démocratique, puissent décider d'autoriser les applications du clonage thérapeutique sous un contrôle strict..."
Le représentant de l'Inde a vanté les mérites du clonage thérapeutique et de la " révolution médicale " qu'il promet repris par les représentants de la République de la Corée, de la Thaïlande, de l'Espagne, du Japon, du Brésil, de Singapour, du Canada, de la Fédération de Russie et des Pays-Bas. La France était elle aussi opposée à l'adoption de cette déclaration, défendant au niveau international le clonage thérapeutique, pourtant interdit au niveau national...
"Il est triste et déconcertant de voir des délégations s'opposer, de manière aussi vive, à la vie humaine", a constaté le représentant du Costa Rica, appuyé en ce sens par les représentants du Nigéria, de l'Ouganda, de l'Éthiopie et de la Libye. Dans un communiqué de la Maison Blanche, Georges Bush a "applaudi" le vote de l'ONU estimant que le clonage "est un affront à la dignité humaine".
Les États-Unis, la majorité des pays africains et arabes ont voté en faveur de l'interdiction de toute forme de clonage. Le représentant du Mexique, appuyé par les représentants de la Hongrie, de la Pologne et des États-Unis, a expliqué qu'"accepter une frontière superficielle entre le clonage à des fins de reproduction et le clonage thérapeutique est une vision manichéenne qui ouvrirait la porte à un espace inconnu et dangereux".
Mgr Celestino Migliore, observateur permanent du Saint-Siège à l'ONU, s'est déclaré satisfait qu'une grande majorité de pays "ait réaffirmé sa claire détermination à protéger la vie humaine". Il espère que la communauté internationale va poursuivre sur cette base pour promouvoir le progrès des sciences médicales dans le ferme et total respect de la vie humaine.
Les premiers effets
Le Parlement européen a adopté deux jours plus tard, le jeudi 10 mars, une résolution interdisant le commerce d'ovules humains.
Dans cette résolution, le Parlement européen se félicite de la décision de la VIe Commission des Nations-unies du 19 février 2005 et de la déclaration de l'Assemblée générale des Nations-unies du 8 mars 2005 qui mentionne explicitement la nécessité d'écarter le risque de l'exploitation des femmes. Il invite en conséquence, la Commission européenne à retirer tout soutien et tout financement au clonage des êtres humains dans le cadre de tout programme de l'Union européenne notamment dans le cadre du financement du 7ème programme-cadre de recherche.
Il est également demandé à la Commission européenne "d'appliquer le principe de subsidiarité aux autres recherches sur les embryons et les cellules souches embryonnaires afin que les États membres dans lesquels ce type de recherche est autorisé financent celles-ci au moyen de leurs budgets nationaux". Pour le Parlement européen, l'Union devrait se concentrer sur des recherches relatives aux cellules souches adultes ou ombilicales autorisées par tous les États membres et qui ont déjà permis le traitement de patients avec succès...
*Aude Dugast est rédacteur en chef de Gènéthique, Fondation Jérôme-Lejeune.
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