source[Boulevard Voltaire]61%des téléspectateurs n’étaient«pas convaincus»par son interview.
Il était légitime de dénoncer le Macron-bashing qui s’empare de certains dès qu’Emmanuel Macronose parler cru – et souvent vrai. Mais il serait tout aussi hasardeux d’emboîter le pas aux commentateurs qui se pâment après son interview télévisée de dimanche soir, comme M. Bilger. D’ailleurs, le dénigrement systématique, savamment organisé par la communication du Président, n’est que le puissant carburant de l’adulation. Les deux faces d’un même aveuglement.
Et ce qui frappe, dans les motifs d’admiration avancés, c’est qu’ils ressortissent tous à la forme, aux généralités, à la stratégie, la comparaison avec ses deux prédécesseurs valant à chaque fois sacre inconditionnel. C’est un peu court pour se laisser convaincre. Mais sur le fond, dès qu’on quitte les excitations de la forme, du positionnement, de la tactique qui font pousser ces « oh » et ces « ah », on ne peut que rester sur sa faim.
Et, plus que jamais dans la situation dégradée du pays, c’est bien ce fond qui importe aux Français. D’ailleurs, un sondage Harris Interactive pour RMC, publié ce lundi, montrait que 61 % des téléspectateurs n’étaient « pas convaincus » par son interview. Et, sur les 39 % l’ayant jugé convaincant, ils n’étaient que 7 % à l’être « tout à fait ».
Ce scepticisme massif qui ne se laisse pas prendre au brio de la forme s’explique par deux raisons majeures, structurelles, deux sourdes inquiétudes qui rongent les Français. Des Français qui doutent et de la volonté et de la capacité du Président à relever véritablement ces défis.
D’abord, la question migratoire et sécuritaire. Le Président a eu beau tenter de se montrer ferme sur la nécessaire expulsion des immigrés illégaux auteurs de délits, les Français n’y croient pas, persuadés qu’il y aura d’autres attentats, commis par des illégaux ou des migrants régulièrement accueillis, comme ce fut le cas, le week-end même de la prestation présidentielle, à Oloron-Sainte-Marie. Et Jupiter pourra limoger tous les préfets qu’il voudra, tant qu’il n’abordera pas franchement ces questions taboues, les Français seront dubitatifs. Il n’est que dans la réaction, la gestion de l’actualité. Pas dans le traitement de fond – et de choc – que cette réalité exige.
Ensuite, la situation économique et financière préoccupe les Français qui doutent que les avancées permises par les ordonnances changent vraiment la donne et relancent l’activité. Car quoi ? Les choses ont-elles vraiment changé pour l’indépendant, l’auto-entrepreneur ? La fiscalité française a-t-elle cessé d’être confiscatoire et décourageante ? Si le volet libéral du macronisme est déjà derrière nous, cela n’augure guère de lendemains qui chantent, pour la croissance et pour l’emploi. M. Macron aura-t-il l’héroïsme de tenir tête aux élus locaux qui ne jurent que par la dépense et l’impôt ? Sur toutes ces questions, le doute l’emporte encore.
Mais ce scepticisme s’alimente aussi par une pratique macronienne somme toute très hollandaise. Le flou. L’évitement. Sur la PMA-GPA, comme le dénonce justement Gabrielle Cluzel. Sur l’école et l’université, où son ministre Blanquer tient des propos pleins de bon sens, mais que l’on ne voit guère se concrétiser sur le terrain. Et puis cette manie de légiférer sur les sujets sociétaux et les hashtags du moment, histoire de faire diversion. Que ce Président ait besoin d’une Marlène Schiappa et d’un projet de loi sur le harcèlement est l’aveu le plus criant de son impuissance à traiter les sujets de fond.