Avorter à domicile, c’est désormais possible. La loi Aubry du 4 juillet 2001 prévoyait cette mesure, pour lutter contre les obstacles à l’application de la loi Veil, mais les arrêtés autorisant cette pratique attendaient toujours la signature du ministre.

Jean-François Mattei se faisait tirer l’oreille. Philippe Douste-Blazy n’a pas eu ses scrupules. Après le décret sur les conditions de réalisation des avortements en dehors des hôpitaux, le 16 juillet, le ministre vient de signer l'arrêté de tarification relatif à l'IVG. Le ministère annonce que les femmes pourront désormais "recourir à l'IVG médicamenteuse en médecine de ville dans des conditions de qualité et de sécurité équivalente à celles pratiquées en établissement de santé".

Actuellement, un tiers des 220 000 avortements pratiqués chaque année en France seraient effectués par "voie médicamenteuse", et obligatoirement dans un hôpital. Mais les délais d'attente sont tels, que de nombreuses femmes devaient recourir aux méthodes "classiques", curetage ou aspiration. "C'est un progrès, déclare le ministre, car c'est une méthode sûre, qui permet d'éviter une intervention chirurgicale et qui préserve la possibilité d'avoir un enfant ultérieurement."

Ce "progrès" fait froid dans le dos. Il suffit de suivre le parcours auquel doit se soumettre la mère qui désire avorter : cinq consultations obligatoires. Lors de la première, son médecin l'informe des différentes techniques et lui propose d'avoir recours à un entretien "psycho-social". À la deuxième, signature du consentement. Troisième consultation, prise de comprimé de Mifégyne (l'ancien RU 486) puis, à la quatrième, de Gymiso (misoprostol). Dans 60 % des cas, "l'expulsion" a lieu dans les quatre heures suivant la prise de ce médicament et dans 40 % des cas dans les 24 à 72 heures. Puis, entre le 14e et le 21e jour après son avortement, la mère a un cinquième rendez-vous afin de contrôler que l'IVG est complète. Le taux "d'efficacité" de ces IVG serait d'environ 95 %. Ils peuvent être pratiqués jusqu'à sept semaines d'aménorrhée, soit approximativement cinq semaines de grossesse.

La sûreté, c’est aussi une sélection de praticiens "justifiant d'une expérience professionnelle adaptée", et une convention de leur part avec un établissement de santé, afin que leurs patientes puissent y être accueillies en cas de problème. Et pour neutraliser certaines réticences, l'arrêté prévoit également une revalorisation de 29% du forfait IVG en établissement de santé, afin d'inciter les cliniques privées à pratiquer ces actes jugés peu rentables.

Maïté Albagly, secrétaire générale du Mouvement français pour le planning familial, se réjouit de voir ce dossier aboutir, mais n'aime pas l'expression "IVG à domicile", qui "panique inutilement tout le monde". L'avortement ferait-il toujours peur ? Sa suggestion :"IVG en ville", tellement plus rassurante.

Le comprimé chez son médecin, et l'avortement, seule, chez soi, rien de tel en effet pour rassurer. Le drame en toute sécurité.

 

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