La nouvelle ahurissante m’est parvenue dans le train. Nicolas, 23 ans, embastillé pour rébellion par la justice de Mme Taubira. Je suis scandalisé au plus intime de mon être par ces mœurs de régimes totalitaire dont j’ai tant l’habitude depuis 35 ans dans les pays où évolue 'Enfants du Mékong'.
QUE DU JOUR AU LENDEMAIN vienne s’imposer en France un tel pouvoir arbitraire qui défie la charte des droits de l’homme est une honte pour la réputation de la France. On arrête un jeune étudiant, on le tabasse — au point de devoir recourir à un médecin — et on le condamne à quatre mois de prison dont deux fermes ! Et on l’incarcère dans la foulée. Hallucinant.
Ce sont des mœurs d’États voyous, dont seules la loi de l’intimidation et la force brutale servent de légitimité. Déjà complètement démonétisé aux yeux des électeurs de droite et de gauche à cause de la malhonnêteté flagrante pratiquée au plus haut niveau du gouvernement — pour ne citer que la seule et spectaculaire affaire Cahuzac — ce régime dévoile semaine après semaine ses turpitudes, ses clientélismes et son incapacité à résoudre les vrais problèmes de notre pays.
On éprouve à l’encontre de ces personnages qui entretiennent leurs maîtresses à nos frais un profond sentiment de mépris. Serait donc honnête celui-là seul qui est assez puissant pour ne pas se faire prendre ?
L’ombre hideuse de la dictature
Mais désormais, la coupe déborde. Lorsqu’on arrête et condamne à la prison un garçon sérieux, travailleur, respectueux des règles élémentaires de la vie, qui ne casse rien, ne viole ni n’insulte personne, ne brûle aucune voiture… surgit l’arbitraire, et l’ombre hideuse d’une dictature, inimaginable en France il y a un an, s’impose avec insolence. C’est la loi et l’ordre qui sont balayés.
Cette loi impunément violée par des voyous sous ou sans uniforme, commandés par un ministre au front bas, ivre d’orgueil et de puissance, qui considère qu’on peut faire ce qu’on veut, quand on veut et comme on veut. Peut-être ignore-t-il ce qu’est un pays où les droits de l’homme sont inscrits dans le marbre ? J’ai personnellement trop l’expérience des pays dictatoriaux où les autorités, se sentant de plus en plus isolées, enragent contre l’opprobre de la jeunesse, pour ne pas m’inquiéter de sa paranoïa et de sa violence.
Il importe que toutes les autorités morales se lèvent et ne laissent pas à la seule jeunesse de plus en plus héroïque le seul poids du témoignage. Nicolas est un signe. Le laisser en prison serait une lâcheté et une honte pour la génération des aînés dont les enfants affrontent le cœur ouvert l’acharnement d’une justice de comédie.
Sortir de la mondanité
Pendant ce temps, à Rome, le pape en appelle à la Révolution ! Il fustige les prélats bourgeois et une Église enfermée dans la logique mondaine de ses relations des autorités prédatrices ou perverses. Il en appelle à l’insurrection morale et spirituelle. Ce ne sont pas des formules mais des actes à poser. Il rappelle que la Croix est notre route et même si, de toute notre humanité, nous ne la désirons pas, nous savons intimement que le témoignage est dans la logique de notre opposition au monde.
Le cas particulier et précis de la condamnation de Nicolas piétine tous les fondements du droit et appelle à un véritable soulèvement des âmes. Laisser faire, c’est encourager les apprentis-dictateurs qui observent notre capacité de résistance. Ils veulent évaluer l’effet de la terreur qu’ils veulent inspirer pour nous imposer le silence, le silence complice de tous les crimes.
Oui ! ces apprentis-dictateurs en appellent au droit comme le loup dans la fable. Ils font observer à leurs juges de circonstance un méticuleux simulacre juridique. On est dans l’argutie et la dialectique qui servent à mentir pour mieux condamner !
Lorsqu’il revint en Pologne, Jean Paul II avait hautement conscience d’avoir à faire à des voyous ; il suffit d’observer son regard lors de son premier voyage en 1981, quand il affronte ses interlocuteurs. Ceux-ci se croyaient les maîtres et lui savait qu’ils étaient morts. Il le savait et il avait décidé de toute sa force spirituelle de les faire tomber. L’effondrement fracassant du Mur de Berlin, huit ans plus tard, en fût le spectaculaire résultat. Nos jeunes, ses enfants, l’ont admirablement compris et relèvent le gant avec un courage qui coupe le souffle. Cette jeunesse fait mon enchantement et me fait chanter L’Espérance, notre futur hymne national !
Le devoir des pères
Maintenant, ces jeunes gens doivent être soutenus par toutes les autorités, à commencer par nos évêques, defensor civitati. Leur silence serait insoutenable. S’ils ne parlaient pas courageusement, cela voudrait dire qu’ils n’auraient plus rien à dire. Le courage auquel les appelle le pape François est de témoigner sur le cas de Nicolas.
Nicolas est leur enfant. Il est en prison pour délit d’opinion. C’est leur devoir de père de crier haut et fort leur colère. Ils devraient être au milieu des milliers de jeunes qui se regroupent le soir pour leur dire : « On a touché à mon enfant dont le seul tort est d’exercer sa liberté de parole. »
À l’exemple de ces enfants innocents et martyrs au sens exact du terme, disons avec eux, face aux mufles de ce régime en plein discrédit : « Non nous ne lâcherons jamais. »
Yves Meaudre est directeur d’Enfants du Mékong, prix des Droits de l’homme de la République française.
Radio Notre-Dame, 21 juin 2013, chronique.
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