Christine Boutin s'intéresse à l'Europe. Le ministre du Logement organisait ce 10 octobre un colloque au Collège des Bernardins. Invitées par son tout nouveau Cercle Lamartine , des personnalités chrétiennes européennes ont témoigné de leur audace politique . Prochain rendez-vous à Prague, en avril 2009.

JUSTE INTUITION, cet appel de Christine Boutin à l'audace des chrétiens pour la politique. En dépit, ou plutôt à la faveur de ses fonctions ministérielles, son initiative est d'autant plus intéressante que l' audace porte en elle une charge positive même si elle n'induit pas directement de norme précise.

Aussi la présence de personnalités de premier plan telles que le nouveau président du Sénat ou le président du Parlement européen n'était-elle pas dénuée de portée, même si leurs propos, assez convenus par la force des choses, ont pu sembler trop en retrait du sujet. Néanmoins, outre quelques témoignages personnels forts et parfois émouvants, certains intervenants ne l'ont pas esquivé.

Dans son introduction, le Pr Riccardi, fondateur de la communauté Sant'Egidio, a inscrit le colloque dans une perspective historique où les Pères fondateurs de l'Europe étaient en bonne place, tant ils ont illustré le couplage d'une foi profonde avec un engagement politique pour lequel le pape Pie XII les avait envoyés en mission . Les temps présents témoignent au contraire d'un double désengagement : celui des élites vis-à-vis de la politique au profit des affaires, et celui de l'Église devenue réticente à intervenir activement. Ainsi la classe politique, échaudée en outre par les méfaits des idéologies, a glissé vers le pur pragmatisme. Il y a donc urgence à rouvrir le chantier de la politique à la lumière de cette définition de l'homme politique chrétien que donnait A. de Gasperi : Celui qui, tout à la fois, prie et cherche la justice.

La perspective actuelle, où la dimension nationale ne peut plus être dissociée de la dimension européenne, a été dessinée par Mgr Crepaldi, secrétaire du Conseil pontifical Justice et Paix., sur trois axes exprimés de façon ramassée et percutante :

 

  • Les sociétés développées ne sont pas des déserts éthiques ; elles sont même chargées de valeurs ; mais de valeurs individuelles qui ne sont plus partagées collectivement. Le pluralisme s'est abîmé dans l'individualisme.
  • Nos sociétés occidentales se caractérisent par une fragilité complexive : n'étant plus en mesure de fournir les références nécessaires, elles nous laissent désemparés face à la question du sens et nous fragilisent à proportion de leur propre fragilité.
  • Le rapport entre pluralisme et vérité est donc à refonder : la non-discrimination est devenue le paravent du non-discernement. Le pluralisme ne saurait se payer au prix d'un renoncement à faire émerger la vérité sur l'homme.

 

De façon plus concrète, certaines interventions ont marqué les esprits. Je pense en particulier à G. Michell, député irlandais au Parlement européen, qui a commencé par cette profession de foi : Le Christ est ressuscité : voilà qui change notre façon de penser et d'agir ; car il est alors sûr que nous pouvons changer le monde. Dans la même veine, E. Faber, directeur général délégué de Danone, a montré comment la priorité donnée à l'anthropologie chrétienne avait influé efficacement sur le management de son groupe. L'Italien Giro, chargé des médiations au sein de la communauté Sant'Egidio, a invité les Français, et notamment les chrétiens français, à assumer le leadership que l'Europe attend d'eux.
En guise de synthèse personnelle, je retiendrai la façon dont le pasteur J.-P. Rive, président de la commission Évangile et société de la Fédération protestante de France, a fait écho à Mgr Crepaldi, bousculant vigoureusement son auditoire. Les chrétiens, a-t-il dit, se sont eux-mêmes astreints à l'invisibilité dans l'espace politique, par peur d'être soupçonnés d'une coupable nostalgie de la chrétienté, en se laissant mettre en résidence surveillée et en rétrécissant la prédication de l'Évangile à la seule vie spirituelle personnelle. Il les a invités à réinvestir la politique, non seulement individuellement mais en tant qu'Église, et à entrer dans la voie de l'audace véritable : aider le monde politique à progresser sur le chemin de la vérité.