La neuvième assemblée générale du Conseil œcuménique des Églises à Porto Alegre constitue un forum d'observation particulièrement intéressant sur l'évolution des rapports entre confessions chrétiennes dans le monde. Même si l'Église catholique ne fait pas statutairement partie de ce conseil, elle en suit attentivement tous les travaux et participe même, en tant que telle, à la commission Foi et Constitution dont le rôle théologique est capital.

Elle n'est donc pas absente de ce vaste forum mondial établi dans une ville dont le nom possède aujourd'hui une teneur symbolique particulière.

Porto Alegre, lieu de retrouvailles des antimondialistes ou des altermondialistes, a été choisi à dessein pour signifier l'implication des chrétiens dans le devenir politique et économique de la planète. Selon qu'elles se situent au nord ou au sud, les diverses Églises adoptent, d'ailleurs, des positions souvent opposées face au libéralisme dominant et aux effets de la globalisation.

Mais l'aspect religieux demeure prédominant dans ces rencontres qui ne peuvent pas ne pas refléter les changements profonds intervenus depuis un quart de siècle, notamment entre orthodoxes et protestants.

Les orthodoxes, libérés de la tutelle soviétique, entendent exprimer leur différence spirituelle et ne pas se laisser dominer par la sensibilité réformée. Ils goûtent peu certaines mises en scène liturgiques qui heurtent de front leur sens de la célébration des mystères. Ils ont aussi obtenu une modification des procédures de décision qui requièrent désormais une unanimité morale.

Mais c'est sur le terrain proprement doctrinal qu'apparaît aujourd'hui une faille entre un protestantisme engagé sur une pente "libérale" (celle de l'adaptation aux mœurs dominantes) et une orthodoxie qui se retrouve mieux sur les exigences du catholicisme.

La discussion à partir de ce grave différend devrait se concentrer dans la commission Foi et Constitution. Encore faudrait-il que le rôle de celle-ci soit revalorisé afin que soient traitées les questions morales et spirituelles liées à la foi et à la tradition biblique. C'est d'ailleurs le vœu émis par le cardinal Walter Kasper, présent à Porto Alegre, qui souligne la centralité du débat de fond.

Il y a danger pour l'œcuménisme lorsque le dialogue interconfessionnel s'oriente autour d'un problématique programme social et perd ses références vitales. Les Églises protestantes elles-mêmes, bousculées par le formidable élan de leur mouvance évangélique, ne pourront éluder longtemps une réflexion approfondie sur l'essence de la mission chrétienne, les exigences de la loi du Christ et le péril du relativisme à logique syncrétiste. Si cette réflexion n'était pas engagée, on irait, sans aucun doute, vers de nouveaux équilibres interconfessionnels où l'orthodoxie se rapprochant du catholicisme, s'éloignerait durablement de l'alliance qui fut à l'origine du Conseil œcuménique.

*Editorial à paraître dans le prochain n° de France catholique

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