Le vote en première lecture de la loi de bioéthique a suscité des réactions contrastées. Avec un peu de distance, il est permis d'en dégager les points positifs et négatifs, à la fois en termes de respect de la vie, mais aussi de perspective politique.
Force est de constater que non seulement le débat démocratique a été d'une grande qualité, d'une grande intelligence y compris dans les affrontements d'idée, mais aussi que l'on a perçu une prise de conscience de plus en plus nette parmi les parlementaires des enjeux en matière de respect de la vie.
C'est cette prise de conscience et la nécessité d'un engagement significatif qu'il faut saluer aujourd'hui, comme un élément certes perfectible, mais décisif pour l'avenir. Car comment expliquer la mobilisation des trente-cinq députés signant, dans un grand journal national, un manifeste commun alertant sur les risques de l'industrialisation de la procréation (Le Figaro, 8 février) ?
Comment expliquer l'engagement de ces parlementaires sur tous les sujets phares de la bioéthique, et leur courage à affronter jusqu'à la tribune et jusqu'à des heures tardives dans la nuit, les idées reçues sur les fausses promesses de la recherche sur l'embryon et les risques d'éradication des plus faibles contenus dans les dispositifs de diagnostic pré-implantatoire et prénatal [1]?
C'est ce front uni qu'il faut saluer comme quelque chose d'unique et d'historique, qu'il faut encourager pour l'avenir.
Ceux qui ont assisté aux discussions parlementaires peuvent témoigner de ce que la pensée des défenseurs de la vie dépasse, par son acuité, par sa cohérence personnelle, celle des promoteurs de l'instrumentalisation de l'embryon. Combien de fois les faux arguments compassionnels ont été battus en brèche par des analyses simples, rationnelles et en même temps marquées au fer du devoir d'humanité qui nous incombe.
Combien de fois ces députés ont montré leur capacité à mesurer les enjeux, sans se réduire à un parti-pris idéologique schématique.
Cette mobilisation, soutenue en arrière-plan par les associations, les politiques engagés sur ce sujet, par les institutions représentatives, a aujourd'hui payé et il faut s'en réjouir.
Ce que nous n'avons pas obtenu
Certes il ne s'agit pas de faire de l'angélisme et de croire que tout est déjà accompli. Non, loin de là. Certes un grand nombre de dysfonctionnements persistent dans la loi actuelle, qu'il faut dénoncer[2].
Nous n'avons pas obtenu la suppression de la recherche sur l'embryon, c'est un échec.
Nous n'avons pas obtenu que le diagnostic prénatal (DPN) soit réalisé avec une unique finalité, le soin du fœtus, c'est aussi un échec.
Nous n'avons pas obtenu que le nombre d'ovocytes fécondés soit réduits au nombre de trois, c'est encore un échec.
Ce que nous avons obtenu
Mais nous avons obtenu que soient prises en compte un certain nombre de revendications essentielles, qui, par leur existence, permettent de nuancer ou d'amoindrir les maux adverses.
Nous avons obtenu un amendement (déposé par Dominique Souchet) sur les pistes de financement, notamment publiques, et de promotion de la recherche médicale pour le traitement de la trisomie 21 (article 12 bis) : dans un délai d'un an, le gouvernement devra remettre un rapport à ce sujet.
Nous avons obtenu un amendement sur l'information délivrée aux femmes enceintes confrontées au DPN sur les aides possibles et l'état de la recherche. C'est là aussi une avancée exceptionnelle pour les couples. Il faut être soi-même passé par le DPN pour se rendre compte de l'importance de cet amendement du point de vue du respect de la vie et de sa portée symbolique (article 9).
Nous avons obtenu que l'ABM présente chaque année un bilan comparatif des résultats de la recherche sur l'embryon et de la recherche sur les cellules souches adultes (article 24 quater).
Nous avons obtenu que par dérogation au premier alinéa, les recherches sur l'embryon puissent être autorisées lorsqu'elles sont susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs et lorsqu'il est impossible, en l'état des connaissances scientifiques, et à condition que soit expressément établie, sous le contrôle de l'Agence de la biomédecine, l'impossibilité de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons (article 23).
Nous avons obtenu la clause de conscience des chercheurs opposés à la recherche sur l'embryon. (article 24 quinquies[3]).
Des dispositions qui nous obligent
Ces dispositions, d'une certaine manière, nous obligent et nous obligeront si elles sont confirmées par les sénateurs.
Nous disons que la recherche sur l'embryon est vouée à l'échec et la recherche sur les cellules souches adultes est infiniment plus prometteuse : à nous de le démontrer. La loi désormais nous y autorisera.
Ce n'est pas en éradiquant les fœtus atteints de trisomie 21 que nous ferons avancer la recherche : faisons avancer la recherche sur cette maladie. La loi désormais nous y autorisera.
La vitrification des ovocytes risque d'entraîner un marché : la loi prévoit de créer un observatoire des lieux des pratiques et des dérives quant à d'éventuels trafics . Mettons-y les moyens.
L'information éclairée donnée aux femmes et aux couples confrontés au DPN est le meilleur moyen d'humaniser l'annonce du DPN et de les orienter vers des solutions d'espoir : témoignons-en.
D'une certaine manière, si cette loi est votée, elle nous obligera à faire la démonstration de ce que nous avançons.
En savoir plus :
Le texte du projet de loi adopté
L'analyse du scrutin
[1] http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2010-2011/20110120.asp
[2] http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/bioethique.asp