Le libertinage est à la mode. Différentes émissions ont récemment présenté des reportages sur la banalisation de nouveaux comportement affectifs et sexuels aux États-Unis et en Europe : l'échangisme, c'est chic, et le polyamour , le ménage à plusieurs, c'est tendance.
En un mois, les émissions se sont succédées sur les trois principaux médias, radio, télévision et Internet. Citons les émissions de Brigitte Lahaie sur RMC, Le triolisme, le gang bang, la partouze, les reportages diffusés sur Direct 8 le 25 juin à 22 h, Numéro spécial : Business libertin, sur Canal + le 26 juin à 12h45, L'amour à prise multiple, présenté par Daphné Roulier, tandis que le Monde des Livres diffuse, sous la plume de Cécile Guilbert, un éloge appuyé du vagabondage sexuel dans un article intitulé La sagesse du libertinage, le 3 juin.
Ces reportages – présentés pour certains à des heures de grande écoute, donc pouvant être regardés par des mineurs ou des adolescents – sont muets sur les enjeux d'ordre moral et psychologique inhérents à de telles pratiques. Ils sont le reflet d'une société inapte à transmettre l'image d'une sexualité adulte et structurante, pour soi-même et pour autrui.
Sur le plan psychologique, ces pratiques risquent d'induire des troubles en matière d'identité sexuelle et d'équilibre émotionnel, aussi bien pour l'homme que pour la femme.
Cliniquement, ces phénomènes sont bien connus : ils manifestent une forme de régression à un état pulsionnel propre à une sexualité infantile où l'autre est utilisé comme objet de satisfaction pour soi. Ce qui évidemment est un leurre et une impasse. Cette étape précède la nécessaire maturation de la sexualité vers la reconnaissance de l'individualité sexuée, la reconnaissance du sexe opposé et l'intégration des interdits fondateurs : le crime et l'inceste.
De simples modèles alternatifs ?
La pratique dite du libertinage présentée comme récréative est en fait une négation de la sexualité elle-même dans ce qu'elle comporte de plus pur et de plus noble. Elle est une négation de l'homme lui-même et de sa capacité à rechercher ce qui l'élève et non ce qui l'abaisse, à construire un amour unique et fidèle, à sublimer son instinct dans le don de soi et la gratuité.
L'échangisme ou le plus moderne polyamour conforte et enracine des tendances qui sont pourtant à la source de troubles cliniquement diagnostiqués dans le DSM IV (manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux). Parmi les troubles sexuels et troubles de l'identité sexuelle, on y trouve notamment inscrit le voyeurisme (dans les clubs qui organisent les pratiques de groupe), le fétichisme (par l'utilisation d'objets inanimés), l'exhibitionnisme et le sadisme sexuel (salle à visée sado-masochiste, la femme étant par exemple enchaînée de différents manières et utilisée comme objet de satisfaction sexuelle pour un ou plusieurs hommes), pour ne citer qu'eux.
Chose troublante, la pédophilie fait elle aussi partie de la liste des troubles citée plus haut car elle présente une tendance pervertie de la sexualité. Cette dernière est, à juste titre, unanimement condamnée dans notre société. Pourquoi alors ces autres pratiques bénéficient-elles d'un jugement plus clément et sont même aujourd'hui exhibées ou vantées dans certains médias, pratiquement comme des modèles alternatifs, quand bien même ils ne concernent que des adultes supposés consentants ?
On voit surgir des phénomènes transgressifs analogues dans certaines pratiques de la science, à travers, par exemple, le fantasme de la toute puissance dans la maîtrise de la procréation. Fantasme d'immortalité, fantasme d'être Dieu, fantasme d'une sexualité débridée uniquement conduite par elle-même et ordonnée à elle-même.
L'être ou le paraître
Ces phénomènes nous alertent car ils correspondent à des schémas de régression, qui sont tout sauf des pratiques d'affranchissement ou de progrès.
Ils sont la manifestation alarmante (et il faut pouvoir l'affirmer avec lucidité), d'un retour à des schémas archaïques dont la finalité est de nier le rôle des interdits fondateurs de l'humanité, donc de nier notre humanité même. C'est pourquoi il est nécessaire de dénoncer ces pratiques comme l'avènement de nouveaux esclavages. Cette spirale de paradis artificiel, qui sont d'abord et avant tout des lieux de mensonge et des fabriques de désespoir, réserve des lendemains bien tristes, en particulier parce que la personne qui s'est laissée piéger a confondu la quête du plaisir et celle du bonheur.
Le bonheur, lui, n'instrumentalise pas l'autre, il fuit le business car il se développe essentiellement dans la gratuité, il préfère l'être au paraître, il n'a pas de meilleur terrain d'épanouissement que dans l'union et la fidélité d'un homme et d'une femme, enfin il ne se limite pas à la satisfaction des pulsions sexuelles car il les intègre pour les amener plus haut : dans ce que l'on appelle la communion.
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