Le général Pinard Legry, Président de l’Association de soutien à l’Armée Française nous invite à lire sa lettre mensuelle d’avril et à la diffuser largement avant le premier tour de l’élection présidentielle. C’est bien volontiers que nous répondons à son appel. Les informations qu’elle contient peuvent très utilement contribuer au débat sur les questions militaires et de défense trop occultées durant la campagne présidentielle.
Seuls deux candidats ont prononcé à ce jour un discours sur la Défense. Ce thème, très peu médiatisé, ne fait pas vraiment recette et suscite peu de questions de la part des journalistes.
Les candidats, à la pêche aux voix, ne souhaitent pas évoquer et défendre des dépenses dont la plupart des Français ne veulent pas entendre parler ; tous se gardent bien de justifier la raison d’être d’une armée.
Les principaux candidats ont tout de même fait connaître, souvent de manière évasive et succincte, leurs options dans quelques revues spécialisées. L’essentiel de ces textes a d’ailleurs été mis en ligne sur le site de l’ASAF (www.asafrance.fr) qui a ouvert une rubrique spéciale « élections ».
Eléments de synthèse
Unanimité sur la force de dissuasion nucléaire
Ce point est d’autant plus intéressant quand on se souvient de la vive opposition suscitée par la décision de créer cette force dans les années 60 et alors qu’aujourd’hui certains prônent une sortie plus ou moins rapide du nucléaire civil.
Consensus apparent sur l’effort de défense
Tous affirment que la France « ne doit pas baisser la garde », que la Défense ne doit pas être une « variable d’ajustement » et que les armées doivent disposer des « capacités à la hauteur des ambitions de la France ».
Mais Messieurs Hollande et Bayrou annoncent une réduction du budget de la Défense en proportion des autres postes du budget de l’Etat (sauf celui de l’éducation nationale…) ;
Monsieur Mélenchon proclame qu’il faut le stabiliser sans en préciser le niveau, tandis que Madame Le Pen prévoit de le remonter à 2% du PIB (hors pensions) en 5 ans ; il est aujourd’hui à 1,6%.
Clivage sur l’OTAN et la Défense européenne
Messieurs Bayrou, Hollande et Sarkozy sont, à quelques nuances près, pour le maintien de la France dans l’OTAN et affirment leur volonté de bâtir une Europe de la Défense, alors que Madame Le Pen s’engage à quitter le commandement intégré de l’OTAN et à privilégier un axe Paris-Berlin-Moscou et que Monsieur Mélenchon a décidé de sortir de l’Alliance atlantique et de privilégier l’ONU.
Interrogations
S’agissant du Livre blanc, faudra-t-il en rédiger un nouveau pour connaître le cadre stratégique dans lequel le candidat élu va conduire sa politique de défense ?
Comment croire que des responsables politiques dans l’opposition depuis des années n’aient pas encore analysé la situation mondiale pour définir ce cadre stratégique qui conditionne en fait l’ensemble de la politique de la France dans laquelle se place sa défense ?
Ainsi, sur le territoire national, une catastrophe naturelle ou technologique de grande ampleur nécessiterait des capacités de renforcement dont seule une armée moderne est dotée avec des unités disponibles, entraînées et équipées de matériels puissants.
Au Japon, Fukushima a mobilisé 100 000 militaires soit l’équivalent de la totalité de l’armée de terre française.
Imaginons aussi que ce qui s’est produit à Toulouse par l’action d’un seul soit multiplié par dix. Qui peut ignorer alors l’impérieuse nécessité de pouvoir déployer très rapidement des unités militaires en renfort des forces de sécurité intérieures dans les zones concernées partout en France ?
Plus près de nous, la Méditerranée constitue aujourd’hui la frontière la plus sensible du continent. La France une fois encore est en première ligne. Si l’Europe peut s’appuyer sur un chapelet de bases situées à moins de 500 km des côtes sud, personne ne peut nier que, dans cette zone peuplée de 250 millions d’habitants, toute crise aura un impact immédiat en Europe. A cet égard le conflit israélo palestinien qui dure depuis plus de 60 ans concerne directement la sécurité intérieure de la France dans la mesure où notre pays accueille les deux communautés religieuses concernées les plus nombreuses d’Europe et dont les membres possèdent en outre très souvent la double nationalité.
Plus largement, l’Afrique - sahélienne et subsaharienne - revient au cœur de nos préoccupations en raison de son instabilité et de son trop faible développement économique pour une démographie galopante.
Là encore, la France, et avec elle l’Europe, sera contrainte d’aider ces Etats fragiles, dont les frontières sont remises en question, à assurer leur sécurité intérieure et extérieure. Il y va de la vie de nos ressortissants mais également des risques de flux migratoires considérables susceptibles de se déverser sur une Europe opulente et vieillissante. Notre destin est lié à celui de l’Afrique ; la géographie commande. Nos forces y seront inévitablement engagées.
Dans ce contexte, il appartient aux candidats de s’exprimer clairement sur leurs intentions concernant notre défense et les moyens qui y seront affectés, sans masquer les réalités.
L’ASAF, pour sa part, poursuivra son action dans l’ensemble du pays auprès de tous les Français pour expliquer le rôle et la place centrale de l’armée dans la Nation.
Elle rappellera sans relâche aux responsables politiques leurs obligations en matière de défense car les lâchetés d’aujourd’hui se paieront demain par le sang des Français.
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