Avec la mobilisation contre la réforme des retraites, le gouvernement connaît une zone de turbulences. Le texte, voulu par Emmanuel Macron, est porté par le Premier ministre Élisabeth Borne et une majorité qui commence à montrer des signes de fatigue. À tel point que des rumeurs de remaniement ou même de dissolution recommencent à circuler.
Des erreurs et des dérapages
Depuis bientôt six ans, Emmanuel Macron et ses suivants nous ont habitué à gouverner à grands coups de slogans et de formules. Quand vient l’heure de la pédagogie pour expliquer une réforme ou une action gouvernementale, les choses se compliquent. En 2018, le député Gilles Le Gendre avait exprimé sans filtre le sentiment du parti présidentiel en affirmant que la majorité « s'était montrée probablement trop intelligente, trop subtile, trop technique dans les mesures du pouvoir d'achat ».
Au mépris macroniste a succédé l’incurie pédagogique avec le Premier ministre Élisabeth Borne, incapable d’expliquer sa réforme, puis les sorties de route des ministres. Le porte-parole Olivier Véran a ainsi évoqué, à propos de la journée de grève du 7 mars, qu’elle revenait à « prendre le risque d'une catastrophe écologique, agricole ou sanitaire ». Un brin catastrophiste pour un blocage, qui fut loin d’être entier, surtout venant de celui qui défendait becs et ongles le blocage total du pays lors du confinement… Enfin, le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a cru malin, mardi, d’adresser trois « bras d’honneur » en direction du chef de fil LR Olivier Marleix qui avait eu l’audace de rappeler les casseroles judiciaires de membres de la majorité. Des gestes qu’il attribuera à la présomption d’innocence…
Vers une dissolution ?
Alors que la mobilisation syndicale de mardi a montré que le mouvement de contestation ne faiblissait pas, la majorité semble céder à la panique. La peur de voir cette réforme leur échapper est aujourd’hui palpable. Le chef de file des députés macronistes Aurore Bergé était ainsi sur le pont pour faire diversion à l’Assemblée et proposer l’extension d’une peine d’inéligibilité pour les auteurs de violences conjugales. La volatile politicienne (soutien de Jean-Frédéric Poisson, de Coppé, de Sarkozy, de NKM, de Juppé puis enfin de Macron), chahutée par ses pairs, a fini son intervention au bord des larmes… Quant au président Macron, il a aussi joué la carte de la diversion en revenant sur l’idée de constitutionnaliser l’avortement à l’occasion d’un hommage rendu à la militante féministe Gisèle Halimi. Une introduction dans le corpus constitutionnel qu’il entend intégrer à une réforme plus vaste : « une révision constitutionnelle d’ensemble ». Ne détenant pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale et étant minoritaire au Sénat, une telle entreprise apparaît compliquée, à moins de jouer son va-tout avec une dissolution. Aujourd’hui, un tel scénario semble improbable tant le président risque de voir sa majorité tomber encore plus bas. Dans quelques mois en revanche, une fois l’orage passé, Emmanuel Macron serait en mesure de tenter sa chance. D’ici là, le chef du gouvernement Elisabeth Borne pourrait bien être remplacée. Usée après moins d’un an aux manettes, fragilisée dans une majorité traversée par de nombreuses sensibilités, peut-être subira-t-elle les frais d’un remaniement avant l’été...
Olivier Frèrejacques
Délégué général de Liberté Politique
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