Source [Politique Magazine] Entre pandémie opportune et États-Unis décevants, l’Europe fédérale acquiert chaque jour un peu plus de substance. La Cour de justice s’efforce d’abolir les législations nationales, on lance une initiative commune chaque semaine, on punit les récalcitrants… La France de Macron y voit son avantage.
Nombreux sont ceux qui souhaitent que l’Union européenne, à la faveur de la situation actuelle, fasse un pas décisif dans le sens fédéral. Leur projet progresse. D’une part, à cause de la pandémie, Bruxelles a brisé un tabou : l’Union prête directement quelques 750 milliards d’euros aux États membres. Ce n’est pas encore une « union fiscale », mais on s’en rapproche, par un endettement commun, sinon encore par une « mutualisation des dettes ». D’autant plus que les États doivent faire approuver par la Commission les programmes pour lesquels ils comptent utiliser ces prêts. C’est ainsi que l’Allemagne pourra les utiliser pour de nouvelles centrales à gaz, mais pas la France pour son programme nucléaire, ce qui est le comble du comble… Mais enfin, si ça peut contribuer à sevrer un peu la RFA du charbon, qui est redevenu cette année sa première source d’énergie…
D’autre part le désastre de Kaboul a reposé la question d’une « autonomie stratégique » européenne par rapport aux États-Unis, comme le répète le président de la République. Le mot « autonomie » est très difficile à définir de façon précise. Disons que Paris souhaite reprendre un thème des années 1990, celui d’une véritable personnalité européenne de défense, le mot « autonomie » étant destiné à rassurer les partenaires qui continuent à compter d’abord sur l’OTAN pour leur sécurité. Mais si ces deux tendances concomitantes aboutissaient, on aurait bien affaire à un État européen fédéral. On parle d’un « moment Hamilton » de l’Union, allusion à l’histoire des États-Unis, quand le président Hamilton décida de doter les États de l’Union d’un budget commun.
Certes, c’est bien le sens du discours optimiste « sur l’état de l’Union européenne » que Madame von der Leyen a prononcé le 15 septembre devant le Parlement européen. Mais la Commission de Bruxelles n’est pas un gouvernement, elle peut proposer tout ce qu’elle veut, elle ne sera pas forcément suivie par des États qui restent souverains. Pour qu’il en soit autrement, il faudrait un saut qualitatif.
Mais ce saut peut intervenir de deux façons : d’abord de façon progressive, par une réinterprétation des traités existant dans un sens encore plus favorable à une intégration toujours plus poussée, c’est très exactement le rôle que s’est attribué la Cour de justice européenne de Luxembourg dès 1964, en déclarant le droit des Communautés européennes supérieur au droit des États membres et même, à partir de 1970, à leur constitution. Et la proclamation en 2000 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a permis à la Cour de se prononcer sur à peu près tous les sujets, bien au-delà de son domaine de compétence initiale (l’interprétation et le respect des règlements européens).
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