Affaire Cahuzac : ce monde qui permet tout et ne pardonne rien

Rapporté par un séminariste, ce mot bien senti, d’un cardinal américain : « Le monde permet tout, mais ne pardonne rien ! Dans l’Église, quant à elle, tout n’est pas permis, mais elle pardonne tout ! »

Quand on voit la vague de colère, de mensonges, d’outrages qui se déversent ces jours-ci sur Jérôme Cahuzac, je ne peux m’empêcher d’être dubitatif. Quel est ce monde politique, social, public, médiatique, qui prône d’un côté la liberté à outrance : libéralisme économique, social, sexuel, etc., et qui de l’autre condamne avec une violence inouïe à la première faute ?

Je sais bien que ces fautes politiques choquent. Je sais bien qu’il faudrait plus d’honnêteté en politique et dans la vie publique. Je sais aussi que peu d’élus peuvent s’en réclamer. Mais quelle est cette société qui ne recherche que des boucs émissaires ? Quels sont ces médias qui se délectent de faire tomber des hommes, les uns après les autres, sans se soucier de leur santé physique ou mentale ? Depuis hier, c’est comme si la France se « réjouissait » de voir un homme tomber en enfer, tellement profondément que ces amis commencent à avoir peur pour sa vie.

Le monde se bat contre l’Église depuis tant d’années. Mais l’Église, elle, sait distinguer entre les actes de péché et le pécheur. Les actes sont condamnés ; jamais la personne. Le monde, lui, s’en fout : si un acte est mauvais, c’est toute la personne qui paye et qui doit tomber.

Qui sommes-nous ? Dans quelle société sommes-nous arrivés pour déverser tant de haine ? Le scandale de cet homme, c’est en fait le scandale d’une société tout entière où plus personne ne cherche réellement à être honnête, à payer ses taxes, à payer ses impôts, à servir le bien commun et à partager avec l'autre (la société n'ignore-t-elle pas aujourd’hui ce que veut dire ce mot ?).

Le scandale de cet homme, c’est le reflet d’une société où chacun veut sauver sa peau plutôt que celle de son voisin.

S’exonérer sur le dos du voisin

« Il vaut mieux qu’un seul homme meurt pour tout le peuple », a prophétisé le grand prêtre à l’adresse du Christ. Loin de moi l’idée de faire Cahuzac un prophète, évidemment. Mais ne sommes-nous pas dans la situation où l’accusation nous arrange bien parce qu’elle nous détourne – quelques  instants seulement – de notre propre faute ? « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre », disait le Christ. Il faudrait bien que notre société fasse un retour sur elle-même ; qu’elle s’arrête quelque peu et qu’elle se demande : ce péché, que je dénonce à cor et à cri, est-ce le sien ou est-ce le signe d’une société qui a perdu le sens du bien ? Qui a perdu le sens de la vérité ? Qui a perdu le sens du vrai ?

Ces mots paraîtront peut-être trop légers… mais moi, c’est la force médiatique qui se déverse depuis deux jours qui me paraît légère. Peut-on vivre encore en liberté, en fraternité, en égalité, si à la moindre chute, j’assassine mon frère plutôt que de le sauver ? Jérôme Cahuzac est coupable. Il l’a reconnu lui-même. Soit. Imaginez que cela soit votre frère qui ait agi de la sorte : que feriez-vous ? Notre devise républicaine n’est-elle que parole creuse et vaine ?

De quel côté est la miséricorde ? De quels côtés sommes-nous vraiment ? Moi aussi je rêverai que nos politiques soient purs, saints, propres, etc. Mais depuis que le monde est monde, il n’y a eu qu’une « Immaculée Conception » ! Le reste n’est que pécheur.

Vivre en société

Alors, comment vivre avec cela ? On ne peut pas, d’un côté, prôner chaque jour la liberté de chaque citoyen qui mène à l’individualisme le plus primaire et de l’autre, condamner publiquement, sans miséricorde, et avec tant de violence le moindre pécheur. Il y a, me semble-t-il, à retrouver le sens de ce que veut dire « vivre en société » : là est peut-être la planche de salut d’une société qui s’enferme chaque jour un peu plus dans le déni de la réalité, dans la promotion de la violence, et l’inverse même de ce qu’est la fraternité. Les heures sombres de notre histoire où les condamnations publiques pleuvaient comme à Gravelotte ne sont pas si loin, malheureusement…

Mais le christianisme a toujours enseigné une chose qu’il serait bon que notre pays redécouvre : s’occuper du plus pauvre et plus fragile (ce que l’on entend régulièrement) signifie aussi et peut-être surtout s’occuper du pécheur ! Parce que là sont notre première fragilité et notre pauvreté.

La condamnation n’a jamais servi à rien. Bien au contraire, seule une parole comme celle du Christ — « moi non plus je ne te condamne pas ; mais va et ne pèche plus » peut ouvrir le pécheur à un avenir et une espérance.

 

C. B.