En son temps, le général De Gaulle avait utilisé, pour qualifier Israël et les Israéliens, des formules-chocs dont il avait le secret, et notamment celle-ci : un peuple d’élite, sûr de lui et dominateur. Voilà qui était dit, et la formule n’a guère vieillie : les Israéliens constituent effectivement un peuple très sûr de lui, pour lequel la domination ne pose manifestement pas trop de problème.

Cela dit, il faut en tout garder raison, et dans l’affaire Pegasus qui ébranle Israël dans son entier, il semble que raison n’ait pas été gardée.

Qu’est-ce que cette affaire Pegasus ? Une société israélienne, NSO, a mis au point un mouchard, installé sur le système Internet, qui permet, de façon résumée, d’espionner les communications téléphoniques des cibles choisies. Diantre, comme avait l’habitude de le dire François Mitterand ! Ce mouchard a été vendu à un certain nombre de pays, pour le plus grand profit de NSO, et pour le plus grand bénéfice des acheteurs qui se trouvent propriétaires d’un système d’espionnage redoutable.

Et c’est là que la formule de Charles de Gaulle trouve toute son actualité, mais concernant une société israélienne privée cette fois : NSO, société d’élite, sûre d’elle et dominatrice. Formulation à laquelle il faudrait ajouter : trop sûre d’elle et trop dominatrice, car elle a fait utiliser son logiciel espion par des structures de son propre pays, qui ont espionné à grande échelle un très grand nombre de personnalités israéliennes de premier plan !

Le scandale est gigantesque, secoue tout Israël, déchaîne les passions, mais le mal est fait : il révèle de façon extraordinaire de graves dérives qui ne devraient que s’accroître tout au long du siècle. En effet, d’année en année, l’espionnage de chaque personne dans ce qu’elle a de plus intime se met en place de façon irréversible et dramatiquement inquiétante. L’affaire Pegasus n’est donc que la toute petite pointe émergée de l’immense iceberg immergé, intégrant notamment les Google, Microsoft et autres Facebook, qui nous préparent des lendemains qui chanteront très probablement pour la prospérité de leurs entreprises, mais qui ne chanteront pas du tout pour nos propres vies privées. Et comme ces fameux GAFA disent eux-mêmes que leur puissance est désormais supérieure à celle des États-nations, l’on voit bien que la lutte contre leurs prétentions hégémoniques et dictatoriales est d’ores et déjà prodigieusement déséquilibrée.

L’affaire Pegasus est un formidable révélateur des dérives du siècle : nos gouvernant vont-ils en tirer toutes les leçons ?

 

François Billot de Lochner,
Président de Liberté politique