"S'étend devant nous cette Chine non ouverte encore, où en pourcentage les chrétiens sont une minorité infime, mais gardent une importance spirituelle. Si les dirigeants communistes les prennent tellement au sérieux, c'est parce qu'ils voient en ces chrétiens une force.
" Cardinal Ratzinger, 1997.
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L'ÉLÉVATION à la pourpre cardinalice de Mgr Joseph Zen, évêque de Hongkong, doit être comprise comme un signe du Saint-Siège adressé à la Chine. Benoît XVI situe la solution de la question des relations entre Rome et Pékin comme un des devoirs majeurs de son pontificat. Pour lui (il l'écrivait en 1998), "quand François Xavier frappa à la porte de la Chine, le temps de la foi chrétienne en Chine n'était pas encore arrivé" ; ce temps est venu et "le christianisme ne mettra pas de côté le riche héritage chinois. [...] La lente croissance de l'Église en Chine, qui est de la taille d'un grain de sénevé, est précisément cet arbre immense dont les branches permettront aux oiseaux de construire leur nid".
Né, en 1932, dans une famille catholique, Joseph Zen fréquente le collège des Salésiens de Shanghai. En 1948, il entre au petit séminaire salésien, à Hongkong. Envoyé en Italie, à Turin, où est la Maison-Mère des Salésiens, pour achever ses études, il y est ordonné, en 1961. En 1964, il obtient, à l'université salésienne de Rome, un doctorat en philosophie. Rentré à Hongkong, il enseigne bientôt au séminaire diocésain du Saint-Esprit. En 1978, il est élu supérieur de la province chinoise des Salésiens. En 1989, il est le premier prêtre catholique de Hongkong autorisé par Pékin à se rendre sur le Continent, afin d'y enseigner dans les séminaires "officiels". Jusqu'à son sacre épiscopal, en 1996, il partage son temps entre le séminaire du Saint-Esprit et les séminaires de Chine continentale.
Mgr Zen est le sixième cardinal chinois de l'histoire de l'Église. Comment cette dignité romaine conférée à l'un des leurs a-t-elle été perçue par les Chinois ? On peut imaginer la joie des catholiques de l'ancienne colonie britannique, celle peut-être, s'ils ont appris la nouvelle, de leurs frères du Continent. Et les autorités de Pékin, l'Église "officielle", dite encore "patriotique" ? "Nous avons pris note que Joseph Zen a été nommé cardinal par le Vatican", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères qui a ajouté : "Le gouvernement en avait au préalable été avisé." Il a fait ce bref commentaire : "L'Église catholique prône avec constance la non-ingérence dans les affaires politiques et le gouvernement chinois pense que les catholiques de Hongkong continueront à chérir et à défendre la stabilité et l'harmonie au sein de la société locale."
Aucune félicitation n'a été adressée à Mgr Zen et cette réserve a conduit un observateur de l'Église de Chine à parler d'un accueil "neutre" : il permettrait à Pékin de "garder toute liberté de faire évoluer le ton de ses déclarations en fonction de la tournure que prendront les événements". Pour sa part, le vice-président de l'Association patriotique – association catholique "officielle" – a affirmé que "plus il y aurait de cardinaux en Chine, mieux cela serait", et formulé le souhait que Mgr Zen "rendît à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu". Il faut dire que le franc-parler du nouveau prince de l'Église à l'endroit de Pékin est notoire. Quelques rappels !
Franc-parler
En 1998, un an après le retour de Hongkong à la Chine, évêque coadjuteur, il défend, face au gouvernement central et au pouvoir local, le droit au regroupement familial pour les Chinois du Continent installés à Hongkong. À la même époque, Jean-Paul II dit souhaiter venir à Hongkong ; Mgr Zen déclare que "Pékin aurait tout à gagner à donner au monde l'impression que rien n'a changé à Hongkong depuis son retour à la Chine". Contre la politique de Pékin qui, sur le Continent, pourchasse l'Église "clandestine", il soutient bien haut : "Église "patriotique" et Église "clandestine" – la division n'a pas été créée par les catholiques mais par le gouvernement central. L'Église "patriotique" est elle aussi faite de catholiques !" En 2000, Pékin proteste bruyamment contre la canonisation à Rome de 120 martyrs de l'Église de Chine ; Mgr Zen défend la position du Saint-Siège dans la presse locale.
En 2001, évoquant la situation de l'Église de Chine sur le Continent, il rappelle qu'"aucune forme de résistance, même pacifique, n'y est permise. Parce que Falungong[1] a choisi de protester publiquement, il est déclaré mauvais. L'Église catholique "clandestine" a probablement évité ce traitement, parce que ses protestations limitées sont de peu d'écho, en raison aussi du prestige international de l'Église romaine. Mais le sort de Falungong pourrait être étendu aux chrétiens..."
Évêque titulaire en septembre 2002, il est l'un des artisans, en juillet 2003, de la manifestation qui mobilise 500.000 personnes à Hongkong pour la défense des libertés individuelles. Il déclare : "La loi anti-subversion – controversée – menace la liberté d'expression dans le territoire", et ajoute crânement : "Ceux qui disent qu'un prêtre doit s'en tenir à la prière n'ont rien compris à ce qu'est l'Eglise."
En 2004, alors qu'il y était interdit de séjour depuis la rétrocession de Hongkong, il est autorisé par Pékin à se rendre en Chine continentale. "J'espère que c'est le premier pas vers une meilleure communication", dit-il au South China Morning Post, de Hongkong. De l'avis d'observateurs des Églises chrétiennes[2] en Chine, cette autorisation confirmerait une évolution rapide de la société chinoise qui favoriserait la liberté religieuse. "À mesure que les changements sociaux et économiques s'approfondissent en Chine, les religions gagnent en espace de liberté."
En avril 2005, il lance aux autorités : "Ne nous traitez pas en ennemis. Nous sommes Chinois. Si vous nous donnez la liberté, nous serons de bons citoyens." En décembre, il porte plainte devant la justice du territoire contre la loi sur l'éducation votée en 2004 : il la juge dangereuse pour la tutelle qu'exerce l'Église catholique sur une bonne partie des écoles de Hongkong, par l'intermédiaire notamment des Salésiens[3] .
Le cardinal Zen ne cache pas l'importance que sa nomination revêt pour l'avenir de l'Église de Chine. "Une fois que seront normalisées les relations entre la Chine et le Saint-Siège et étant donné la taille de la Chine, le Pape y nommera de nouveaux cardinaux.." Quand, la normalisation ? Il l'espère "avant les Jeux Olympiques de 2008", mais précise qu'elle est l'affaire des diplomates. Lui-même ne saurait être impliqué, mais nuance : "Les responsables du Vatican accorderont du prix à mon expérience quant à la compréhension de l'Église de Chine. Le pape Benoît m'a nommé plus sans doute du fait de mon expérience de la Chine continentale que de ce que j'ai fait à Hongkong..." Pour son auxiliaire, Mgr John Tong, les dirigeants de Pékin "sont devenus plus ouverts, plus pragmatiques, même si les bons conseils de Mgr Zen peuvent leur siffler aux oreilles" !
Optimisme raisonnable ? Y a-t-il "du nouveau" ? Lors de la mort de Jean-Paul II, l'évêque "officiel" de Shenyang évoqua la demande de pardon présentée par le pape défunt, en 2001, pour les erreurs que l'Église avait pu commettre en Chine, dit que "le gouvernement considérait cette demande comme un geste amical" et affirma que lui-même "espérait qu'il pourrait servir de base à de futures relations". Mgr Zen ne partageait pas cette approche des choses.
Notes
[1] Le mouvement Falungong combine les pratiques du qigong et des croyances religieuses empruntées au fonds commun des religions chinoises – bouddhisme et taoïsme. Cf. Benoît Vermander, Les Mandariniers de la rivière Huai, DDB, 2002. Le qigong est un ensemble de techniques de santé fondées sur le contrôle du souffle.
[2] Catholique(s) et protestantes.
[3] En février 2006, les Salésiens de don Bosco ont célébré leurs cent ans de présence en Chine. Les premiers salésiens s'étaient installés à Macao. La venue du recteur majeur de la congrégation, à l'occasion de cet anniversaire, a retenu l'attention de la presse locale. Le recteur a confirmé l'engagement de la congrégation à travailler à l'éducation et au développement de la jeunesse de cette région de Chine.
Deux Français parmi les nouveaux cardinaux
Au cours de l'audience générale du 22 février 2006, le pape Benoit XVI a annoncé la création de quinze nouveaux cardinaux. Parmi eux, avec Mgr Zen, deux Français : Mgr Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, et le Père Albert Vanhoye sj.
Mgr Ricard, président de la Conférence des évêques de France, est membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi et de la Commission pontificale "Ecclesia Dei".
Le père Vanhoye, ancien recteur de l'Institut biblique pontifical, est honoré en raison des "services qu'il a rendus à l'Église avec une fidélité exemplaire et un zèle admirable". Aujourd'hui, professeur émérite d'exégèse néo-testamentaire et directeur de la collection Analecta Biblica, il est connu pour ses travaux sur l'épître aux Hébreux et a exercé longtemps la lourde responsabilité de secrétaire de la Commission biblique. Il a été très actif dans la rédaction de deux documents qui prolongent le travail du Concile : L'Interprétation de la Bible dans l'Église (1993) et Le Peuple juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne (2001).
Le consistoire pour la création des nouveaux cardinaux a été convoqué par Benoit XVI le vendredi 24 mars prochain.
Pour en savoir plus :
• Biographie de Mgr Jean-Pierre Ricard
• Un article du Père Vanhoye dans Esprit et Vie: La réception dans l'Église de la Constitution dogmatique Dei Verbum
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