Trois millions de fidèles regardent chaque soir le «Tucker Carlson Tonight», cette grand-messe de la provocation, dans laquelle l’animateur se pose en défenseur du bon sens de l’Américain moyen face au Parti démocrate. Quitte à parfois s’aventurer sur des terrains glissants.
Privés de Trump et de son flux permanent de messages incendiaires sur Twitter, les partisans de l’ancien président ont trouvé un nouveau porte-voix en la personne de Tucker Carlson, l’animateur vedette de Fox News. Tous les soirs à huit heures, dans son émission modestement baptisée «Tucker Carlson Tonight», il commente l’actualité, en multipliant les provocations qui ravissent ses partisans et suscite l’indignation des médias démocrates.
Il est le principal sujet de l’émission. La télévision est réduite à sa plus simple expression: seul à l’écran, filmé en gros plan devant une photo du dôme du Capitole, Carlson se livre à un long monologue en direct. Avec ses cheveux savamment ébouriffés, sa cravate club lui donne l’allure d’un jeune homme de bonne famille qui vient de faire une mauvaise blague. Carlson se comporte comme un acteur sur une scène de théâtre. Il appuie sur les mimiques, fronce les sourcils en faisant mine de chercher à comprendre une nouvelle contradiction du discours démocrate, ou bien ouvre des grands yeux, l’air ébahi devant l’audace de la gauche radicale, avant de prendre une mine grave pour tancer la façon dont ses représentants mentent au peuple américain.
Comme dans les émissions concurrentes sur les chaînes CNN ou MSNBC, Carlson ne se sert de l’information que pour appuyer son message politique. Ses invités ne sont pas là pour décrypter des questions complexes, mais pour servir la démonstration de l’animateur. Souvent drôle, parfois scandaleux, il éclate de rire, roule les yeux, change de voix, imite les dialogues. Se présentant comme le défenseur du bon sens de l’Américain moyen face aux idéologues du Parti démocrate, il prend avec un malin plaisir le contre-pied systématique des discours souvent sentencieux et volontiers moralisateur des médias libéraux. Mais le goût de la provocation l’entraîne parfois sur des terrains glissants. Comme lorsqu’il compare le port du masque pour les enfants à des mauvais traitements. «Si vous voyez un enfant avec un masque, appelez la police immédiatement! avait lancé l’animateur. Contactez les services de protection de l’enfance. Ce que vous voyez, c’est de la maltraitance!»
L’émission de Tucker Carlson est la plus regardée de toutes les chaînes d’information américaines et rassemble chaque soir autour de 3 millions de fidèles
Au lendemain du procès de Derek Chauvin, le policier de Minneapolis reconnu coupable du meurtre de George Floyd, Tucker Carlson juge que les manifestations du mouvement Black Lives Matter et les commentaires de responsables politiques démocrates ont exercé des pressions sur le jury. «Aucun politicien ou figure médiatique n’a le droit d’intimider un jury, dit Carlson. C’est inacceptable en Amérique. Si ces choses continuent de se produire, les gens décents et productifs partiront. Le pays tel que nous le connaissons sera terminé. Nous devons donc mettre fin à cette folie actuelle. C’est une attaque contre la civilisation.»
Quand son invité, l’ancien policier Ed Gavin, au lieu d’abonder dans son sens condamne plutôt «la pure sauvagerie» de Derek Chauvin et considère le verdict comme juste, Tucker Carlson le coupe et met soudainement fin à l’entretien. «Je suis plus inquiet pour le reste du pays qui, à cause de l’inaction de la police, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, s’est barricadé», lance Carlson avant d’éclater d’un rire nerveux et haut perché: «Hahaha! Ce n’est plus mon problème… Non, c’est terminé, merci!», lance-t-il en lui coupant la parole. Le spectacle plaît. Tucker Carlson rassemble chaque soir autour de 3 millions de fidèles.
Son émission est la plus regardée de toutes les chaînes d’information américaines. Plus populaire que jamais, l’émission de Carlson est dorénavant déclinée en podcasts et en sujets vidéo de longue durée pour Fox Nation, le service de télévision à la demande de Fox Media. Le scandale permanent est une technique éprouvée. Ses sorties, qu’on dirait soigneusement étudiées pour faire réagir ses adversaires, sont immédiatement dénoncées par les chaînes proches des démocrates.
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