La bataille des idées livre une nouvelle escarmouche dans la bataille des mots.
Ceux qui imposent leurs déconstructions verbales finissent tôt ou tard par s’imposer à l’indifférence ou à la lâcheté citoyenne qui, cédant à l’outrage pour ne pas dire l’oukase linguistique onusien montre sa perméabilité à d’ultérieures et définitives boiteries qui s’achèvent toujours en mutilations irréversibles. Lorsque commence un procesus d’atermoiement sémantique ou simplement d’esquive opportune, on peut prévoir quelles en seront leurs conséquences, et elles ne sont jamais innocentes. On commence par céder sur le terrain du signifiant et du signifié des mots et on finit par gommer sans disputatio ni débat la réalité que ces mots représentent. Voilà comment ceux qui défendent la légalisation de l’euthanasie ont imposé l’expression exclusive droit à mourir dans la dignité et précipitent aux ténèbres extérieures tout contradicteur qui opposerait des arguments juridiques, philosophiques, anthropologiques, bioéthiques ou moraux à leur subtilité subversive. Il en fut ainsi de l’avortement déguisé en interruption volontaire de grossesse, du mariage entre personnes homosexuelles appelé pudiquement mariage pour tous et proche est l’heure où l’on réfléchira à un mariage animal-homme. A ce sujet, rappelons que l’Espagne sous la schlague de la ministre Ione Belarra Urteaga, membre du parti d’extrême-gauche Podemos, est en passe de dépénaliser la zoophilie. Dans le registre du foutage de gueule, on détourne les motifs d’ire populaire en insinuant qu’il s’agit juste de pénaliser s’il y a blessure physique du ou de la partenaire poilus considérés depuis le 5 janvier 2022 en Ibérie comme des êtres doués de sensibilité avec un statut juridique propre – loi votée aux Cortes en décembre 2021-. Il n’est pas encore fait allusion à un consentement ou non mais ça ne saurait tarder tant nous vivons dans un monde de législateurs déséquilibrés mentaux ou fous à lier.
Voilà donc après le droit à disposer de son corps, le droit à changer de sexe, le « droit à mourir dans la dignité » que les apologistes de l’euthanasie utilisent avec un but euphémistique et dont l’usage a déjà contaminé le langage universitaire, politique, journalistique qui se prétend impartial et subséquemment qui pervertit le langage familier et scolaire. Pourquoi d’ailleurs ne pas l’appeler « Interruption volontaire de la vie » puisqu’on utilise déjà - comme on parle de conduite assistée- le « suicide assisté » ; ce qui permettra ensuite de dépénaliser logiquement le suicide. Dans le domaine de l’abolition de l’homme, on va très vite en besogne et le « Le meilleur des mondes » va devenir une réalité dans peu de temps.
Il s’agit qui plus est d’une contamination perfide car sous son apparence plus ou moins inoffensive, on décèle une intention férocement rusée. Lorsque nous formulons « droit à mourir dans la dignité » ou « dignement » on pourrait par pure et simple déduction exprimer l’opinion que ceux qui décident de supporter la douleur ou les handicaps physiques meurent « indignement ». L’illustration est faite de cette sommaire caractérisation par les images du film de Alejandro Amenabar Mar adentro . Si en vérité le but de « Mar adentro » avait été de célébrer la capacité décisionnelle de l’homme qui résout souverainement si sa vie vaut la peine d’être vécue ou pas, l’option du personnage interprété par José Maria Pou, le père Francisco, tétraplégique qui s’oppose fermement à la décision de Ramón Sanpedro lui aussi tétraplégique, interprété par Javier Bardem, qui veut mourir, se serait montrée aussi respectable – aussi digne – que celle du protagoniste Ramon. Le père Francisco parle au nom de la vie alors que Ramón parle au nom de la liberté). Mais, au lieu d’aspirer à comprendre, dans son infinie nuance de couleurs, les diverses attitudes avec lesquelles une personne agonisante ou en piteux état affronte sa propre mort, ce film sorti en 2005 et diffusé sur Netflix, sombre dans le manichéisme le plus grossier en caricaturant le personnage qui préfère continuer de vivre et sublimant, à la limite de la béatification laïque, celui qui décide de « mourir dignement », en avalant une petite gorgée de cyanure.
Il n’y a pas de débat-rencontre radiophonique ou télévisuelle sur l’euthanasie qui n’inclut l’expression mourir dignement comme synonyme d’euthanasie. Mais chaque fois que, par paresse ou perfidie, on parle du « droit à mourir dignement » on confine dans un lazaret de concentration ceux qui, prostrés dans un lit ou attachés à un fauteuil roulant, résistent à la tentation du suicide et surmontent la douleur et l’angoisse y compris ceux qui les accompagnent avec abnégation ou les assistent dans les différentes structures de soins palliatifs. Ainsi, résister à la tentation de la mort, lutter pour vivre et surmonter la souffrance se transforme en une « indignité » de privilégiés qui coûtent à la société quand la sécurité sociale rembourse à 100% l’assassinat d’enfants à naître, les opérations transgenres, ou de réattribution sexuelle qui pourtant ne sont pas des thérapies médicales puisque mutilantes. Ceux qui professent cette forme de courage sont qualifiés – même de façon tacite – de poids que la société supporte avec dégoût et ennui. Aujourd’hui, on se contente de les enfermer dans le ghetto de l’« indignité » .
En septembre 2022 le chef de l’Etat Emmanuel Macron fit la promesse de légaliser l’euthanasie ou le suicide assisté. Dans la foulée le CESE (Conseil Economique Social et Environnemental) constitua une « convention citoyenne sur la fin de vie » composée de 184 acteurs tirés au sort ayant pour mission de plancher sur le sujet suivant : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie répond-il aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements doivent-ils être introduits ? ». La première copie rendue le 19 février se prononça comme de bien entendu en faveur du meurtre par euthanasie, y compris pour les mineurs. Aujourd’hui, Le Figaro révèle que plus d’une quarantaine de citoyens (environ un quart des 184 qui ont été tirés au sort) ont adressé une lettre au comité de gouvernance de la convention citoyenne et à sa présidente, Claire Thoury, membre du CESE. Ces citoyens expriment tout simplement le sentiment qu’ils ont d’avoir été manipulés par le CESE. Ils dénoncent que le compte rendu publié n’évoque pas le consensus qui s’est dégagé parmi les citoyens pour renforcer l’offre des soins palliatifs en France. Un sujet auquel ils ont pourtant accordé « autant d’importance qu’à l’aide médicale à mourir ». Une omission qu’ils ont demandé au comité de gouvernance de rectifier… Sans résultat !!!
Il y a eu aussi une confusion entre les personnes qui estiment qu’il faudrait faire évoluer le cadre légal sur la fin de vie et les personnes favorables à l’ouverture à l’aide active à mourir.
Certains ont créé un groupe « dissident » pour organiser la contestation.
Nonobstant, la commission citoyenne se réunira pendant 3 week-ends jusqu’au 19 mars, jour de la Saint Joseph - celui qui accompagne la bonne mort-, pour une phase d’harmonisation, à l’occasion de laquelle elle précisera ses propositions et les votera, en vue de la présentation du document final au Gouvernement Macron.
Au même moment, le 17 février, rappelant que la mort donnée médicalement est en totale contradiction avec l’éthique des soignants qui œuvrent avec leur cœur et dans l’abnégation la plus totale pour soigner ou pour sauver les malades ou les blessés, 800 000 professionnels de santé représentés par 13 organisations se sont mobilisés et ont signé un texte pour dénoncer et rejeter cette pratique incompatible avec la vocation qui les a amenés à choisir ces métiers au service d’autrui. Ils y affirment leur refus catégorique de l’euthanasie et du suicide assisté.
Euthanasier ne saurait souffrir une autre qualification que celle d’acte volontaire prémédité qui donne la mort à l’autre, ce qui s’appelle communément un assassinat. Sans doute alors demain faudra-t-il arbitrer quels mécanismes seront légaux pour administrer par obligation aux patients une mort « digne » et indolore. Les hôpitaux et cliniques modifieront leur signalétique en inscrivant un nouveau service, celui de l’euthanasie, à l’étage des anesthésies. Se côtoieront les avortoirs, les chambres suicidaires et les chambres mortuaires à proximité des sites hospitaliers.
Dans sa prise de position contre l'euthanasie publiée dans Le Figaro en avril 2021 Michel Houellebecq martelait :
: « Je vais, là, devoir être très explicite : lorsqu'un pays — une société, une civilisation — en vient à légaliser l'euthanasie, il perd à mes yeux tout droit au respect. Il devient dès lors non seulement légitime, mais souhaitable, de le détruire ; afin qu’autre chose — un autre pays, une autre société, une autre civilisation — ait une chance d'advenir. » « « On préfère en général une vie amoindrie à pas de vie du tout ; parce qu’il reste de petites joies. La vie n’est-elle pas de toute façon, par définition presque, un processus d’amoindrissement ? ».
Maintenant que les perversions linguistiques wokistes mis bas par l’ONU imposent leur dictature rampante, il est bon de se nourrir de mots qui n’ont pas encore été vidés de leur sens originel ou violentés par les thuriféraires « du meilleur des mondes » qui se vautrent dans les chimères de la « déconstruction permanente ».
Alors méditons les paroles que Sancho Panza, écuyer et compagnon d’aventures de Don Quijote de la Mancha, prononça en pleurant au chevet de son maître dans le dernier chapitre de l’œuvre de Cervantes :
« Hélas ! hélas ! répondit Sancho en sanglotant, ne mourez pas, mon bon seigneur, mais suivez mon conseil, et vivez encore bien des années ; car la plus grande folie que puisse faire un homme en cette vie, c’est de se laisser mourir tout bonnement sans que personne ne le tue, ni sous d’autres coups que ceux de la tristesse ».
L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche
Thierry Aillet
Ancien Délégué Episcopal à l’Enseignement Catholique d’Avignon