Source [Le Salon Beige] On sait qu’un « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » (en anglais : « Global Compact for safe, orderly and regular migration ») a été entériné par 192 pays le 13 juillet 2018 sous l’égide de l’ONU et de l’OIM (Organisation mondiale pour les migrations) et doit être signé lors d’une assemblée générale de l’ONU à Marrakech le 10 décembre 2018.
On sait aussi que maintenant les Etats-Unis, l’Autriche, la Pologne, la Hongrie, la Serbie, la Tchéquie, la Croatie, la Bulgarie au moins ne le signeront pas.
L’objectif de cette présentation est l’étude détaillée de ce texte qui sera certainement ratifié par le gouvernement d’Emmanuel Macron, de son contexte, de ses présupposés, des engagements qui seront pris par la France et des risques associés. Retenons d’abord que le mot « regular » en anglais, comme le mot « régulier » en français, sont suffisamment vagues pour donner un sens imprécis au titre : migrations « régulières » comme un flux ? ou bien « légales » ?
A notre connaissance, ce texte n’existe pas en français pour le moment. Son analyse est donc illustrée par quelques citations en anglais afin d’être le plus rigoureux possible dans l’analyse.
Le contexte onusien (ou multilatéral comme dirait notre Président) :
- Ce 13 juillet 2018, Le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Miroslav Lajčák, avait indiqué : « ce Pacte deviendra officiellement le premier cadre global sur la migration que le monde ait jamais vu ». C’est déjà faux ! Il existe en effet une Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (International Convention on the Protection of the Rights of All Migrant Workers and Members of Their Families, https://www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/CMW.aspx), adoptée par l’ONU le 18 décembre 1990. Cette convention « s’applique à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille sans distinction aucune … Elle s’applique à tout le processus de migration des travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui comprend les préparatifs de la migration, le départ, le transit et toute la durée du séjour, l’activité rémunérée dans l’Etat d’emploi, ainsi que le retour dans l’Etat d’origine ou dans l’Etat de résidence habituelle ».
Les signataires actuels (54 membres actifs ; http://indicators.ohchr.org/) sont tous des pays d’émigration, de l’Amérique latine (hors Brésil) au Maghreb, Afrique occidentale, Turquie, pays de l’Asie du Sud-Est.
- Le Pacte mondial soumis à signature en décembre 2018 ne peut être compris sans faire référence à un autre document onusien : le document (uniquement en anglais aussi) intitulé « Making migration work for all » (Faire des migrations une réussite pour tous), qui est un rapport du secrétaire général des Nations-Unies Antonio Gutteresà destination du groupe de travail qui préparait le texte du Pacte mondial. Publié le 12 décembre 2017, ce rapport livre une vision et des recommandations pour le pacte mondial. Souvent plus clair et plus direct que le texte finalement issu de la négociation internationale, il est essentiel pour son interprétation (https://refugeesmigrants.un.org/sites/default/files/sg_report_en.pdf) et utilisé aussi dans cette étude.
- Ce Pacte mondial viendra s’ajouter à une longue liste de textes d’inspiration onusienne : il y a ainsi 18 traités internationaux définis sous l’égide de l’ONU et concernant les droits de l’homme. La France en a ratifié 17 sur 18 ; l’Arabie Saoudite (dont nous allons reparler), 8 (dont, ironie des choses, la Convention de 1981 sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes) ; les USA, dont on sait qu’ils se méfient du multilatéralisme et ça ne date pas de la présidence Trump, en ont ratifié 5.
Ce futur pacte mondial rappelle tous les textes auxquels il viendrait s’ajouter. La liste est fournie en annexe 1.
Tous ces traités sont largement redondants et n’hésitent pas à réaffirmer des principes déjà définis dans les traités précédents: par exemple, la Convention internationale sur les droits des migrants de 1990 rappelle que la torture est interdite, que l’esclavage est interdit, que le travail forcé est interdit… Par contre, modernisation oblige, le Pacte mondial comporte maintenant 29 fois le mot « gender » (genre) et 23 fois les mots « inclusion » ou « inclusive ».
Quels sont les présupposés, la philosophie, qui sous-tendent ce nouveau texte ?
1° Les migrations sont inévitables : « La réalité est que la migration est présente. Elle est présente depuis des siècles. Et elle sera présente pour d’autres siècles à venir », a dit aussi le Président de l’Assemblée générale de l’ONU en juillet 2018. L’évaluation d’Antonio Gutteres est de 258 millions de migrants internationaux (fin 2017)
2° Aucun pays ne peut faire face seul à la migration (no State can address migration on its own).
3° S’il y a de l’immigration illégale, c’est de toutes façons la faute des Etats (Where immigration and labour laws limit their options for decent, regular work, there is a high risk that migrants will choose to live and work in an irregular manner, entering into the informal economy). En effet, les pays ont la responsabilité de la protection de leurs frontières (States have a responsibility to control access to their territory). Autrement dit, s’il y a des migrants en situation irrégulière, c’est que les Etats n’ont pas exercé le contrôle de l’accès à leur territoire de façon assez vigilante. Ou bien parce que les Etats n’ont pas créé de possibilités d’accès légal suffisantes à leur marché du travail (Maximizing the benefits of migration will be hard to achieve without a. The incidence of irregular migration is increased in countries where there is demand for labour that domestic workers cannot satisfy, but insufficient legal pathways for foreign workers to meet the demand). Il ne faut donc pas avoir une attitude “binaire” selon que les migrants sont en situation régulière ou irrégulière (It is tempting, for example, to make a binary division between regular and irregular migrants).
Les Etats sont encouragés à avoir une attitude « constructive » vis-à-vis des migrations irrégulières (constructive approach to irregular migration) et à prendre des initiatives de régularisation des étrangers en situation irrégulière (encourage regularization initiatives for migrants in irregular situations).
Enfin, les expulsions de personnes en situation illégale sont décommandées (While voluntary return or even forced return are options, they will often not be desirable or even feasible).
4° Les migrations sont fondamentalement positives pour les pays d’accueil. Et les migrants sont une chance et un bénéfice pour eux. Ces derniers doivent donc mettre en place des politiques d’accueil (steps to promote regular migration). Au demeurant, développer desopportunités d’immigration légale est la seule façon de lutter contre les réseaux criminels (Antonio Gutteres) ; dans le domaine des stupéfiants, c’est le type de discours que tiennent ceux qui veulent légaliser l’usage des drogues.
5° Les gouvernements doivent ouvrir des voies d’accès pour des migrations régulières répondant aux réalités de l’offre et de la demande du marché du travail (Governments need to open routes for regular migration that respond to the realities of labour demand and supply).
Le Pacte mondial voit donc les pays d’accueil comme des bourses du travail, un lieu d’échange et d’opportunités d’emplois, à mettre à disposition des migrants.
6° Les pays d’accueil ont l’obligation d’aider les migrants à réaliser pleinement leur potentiel (Enabling migrants to achieve their potential ; to help migrants fulfil their economic and social potential).
7° Le regroupement familial est recommandé (Family reunification accounts for a large share of regular migration in many countries and it is a positive means of upholding the right to family life and promoting social integration. Efforts to restrict this result in more irregular migration, with detrimental consequences for all family members). Le rendre difficile favorise l’immigration illégale.
8° Il faut enfin recadrer le discours sur la migration pour en supprimer toute négativité(promote evidence-based public discourse to shape perceptions of migration ; A final way to promote more respectful discussions regarding migration is to avoid dehumanizing language. Pejorative talk of “illegal immigrants” blocks reasoned discussions about the motives and needs of individuals) et offrirà la communauté internationale l’occasion d’abandonner les approches défensives.
9° Il faut une gouvernance mondiale. Les modalités précises de cette gouvernance ne sont pas encore complètement définies et leur definition est reportée à 2019.
Une grande importance y sera accordée à la notion d’ « information » : tous les pays seront tenus d’avoir une production, un suivi et un échange d’informations absolument démesurés et constants. C’est d’ailleurs le premier objectif : “Collect and utilize accurate and disaggregated data as a basis for evidencebased policies”. Ces informations ont bien sûr pour but de démontrer les bienfaits des migrations (Collect, analyse and use data on the effects and benefits of migration, as well as the contributions of migrants and diasporas to sustainable development).
Une grande importance sera aussi accordée aux procédures de revue (“review” cité 40 fois dans le texte) qui doivent être régulières et bien sûr… inclusives : «to conduct regular and inclusive reviews of progress at the national level, such as through the voluntary elaboration and use of a national implementation plan. Such reviews should… serve to effectively inform the participation of Member States in the International Migration Review Forum and other relevant fora).
10° Tout ceci, rappelons-le, est pour le plus grand profit des pays d’accueil. Néanmoins on admet que ce sera coûteux pour eux… (Implementing the global compact will have financial consequences for Member States. Implementing the global compact will have financial consequences for Member States). Il n’y a bien sûr aucune esquisse de chiffrage. Le chèque demandé est en blanc.
Au total, le Pacte mondial est ainsi centré sur les droits, les besoins, le bien-être, les capacités et les contributions individuels des migrants, afin de garantir leur sécurité, leur dignité, leurs droits de l’homme et leurs capacités d’épanouissement(« People-centred: The Global Compact carries a strong human dimension to it, inherent to the migration experience itself. It promotes the well-being of migrants and the members of communities in countries of origin, transit and destination. As a result, the Global Compact places individuals at its core.).
Le contenu du texte à signer : des objectifs, des actions et des devoirs pour les pays d’accueil.
Le texte énonce 23 objectifs qui s’ordonnent donc autour de deux axes :
- garantir la plus grande sécurité aux migrants
- obtenir qu’ils soient accueillis là où ils s’installent de manière plus « inclusive » afin qu’ils puissent entièrement exprimer tout leur potentiel.
Il s’agit donc bien de droits pour les migrants, que les pays d’accueil sont tenus de respecter.
Or, ces 23 objectifs sont très vagues et leur réalisation pourrait aussi bien mobiliser l’ensemble des forces publiques.Comment par exemple comprendre et mettre en œuvre l’objectif 5 « Améliorer la disponibilité et la flexibilité de voies d’accès pour une immigration régulière » ? Comment comprendre et mettre en œuvre l’objectif 16 : « permettre aux migrants et aux sociétés de mettre en œuvre la complète intégration des migrants et une cohésion sociale » ? L’impression qui prédomine est que tout, au niveau de l’Etat qui accueille, devrait être organisé en fonction du traitement favorable à donner aux migrants.
De plus, à chacun de ces objectifs sont associées des “actions”, soit un total de 187 actions à mener pour les pays d’accueil.Donnons quelques exemples :
- Pour réaliser l’objectif 16, les pays d’accueil devront promouvoir un « respect mutuel pour les cultures, les traditions et les habitudes de vie entre communautés d’accueil et les migrants, en échangeant pour promouvoir l’acceptation de la diversité et faciliter la cohésion sociale et l’inclusion » (Promote mutual respect for the cultures, traditions and customs of communities of destination and of migrants by exchanging ways to promote acceptance of diversity and facilitate social cohesion and inclusion) ! De même il faudra établir des centre ou des programmes au niveau local pour faciliter la participation des migrants dans la société d’accueil, de leurs communautés, de leurs associations, dans un dialogue interculturel, en partageant des « histoires » (sharing of stories), en mettant en œuvre des programmes de « mentorship » et en développant des relations d’affaires qui développent un respect mutuel (Establish community centres or programmes at the local level to facilitate migrant participation in the receiving society by involving migrants, community members, diaspora organizations, migrant associations, and local authorities in intercultural dialogue, sharing of stories, mentorship programmes, and development of business ties that improve integration outcomes and foster mutual respect) !
Les états d’accueil devront favoriser les activités multiculturelles, à travers le sport, la musique, les arts, les festivals culinaires, et tout autre événement social favorisant une compréhension mutuelle positive (Support multicultural activities through sports, music, arts, culinary festivals, volunteering and other social events that will facilitate mutual understanding and appreciation of migrant cultures and those of destination communities).
- L’objectif 17 est celui qui veut reformater le discours public sur les migrations pour en éliminer toute négativité. Cela nécessite donc d’ « arrêter tout support aux media qui systématiquement feraient la promotion de toute forme de discrimination à l’égard des migrants» ; tout ceci bien sûr, dans un « plein respect de la liberté d’expression (stopping allocation of public funding or material support to media outlets that systematically promote intolerance, xenophobia, racism and other forms of discrimination towards migrants, in full respect for the freedom of the media) !
- Autre exemple d’action à entreprendre pour permettre aux pays d’accueil d’atteindre l’objectif 19 (créer les conditions pour les migrants et leurs communautés de contribuer pleinement au développement durable des pays d’accueil -Create conditions for migrants and diasporas to fully contribute to sustainable development in all countries) : il devront investir dans la recherche pour évaluer l’impact de la contribution non-financière des migrants dans les pays d’accueil, comme le transfert de connaissance et de compétences, l’engagement social et civique, les échanges culturels (Invest in research on the impact of non-financial contributions of migrants and diasporas to sustainable development in countries of origin and destination, such as knowledge and skills transfer, social and civic engagement, and cultural exchange).
Au final, deux aspects prédominent :
- Une kyrielle de droits pour les individus migrants et d’obligations pour les états receveurs, sans délimitation stricte, permettant d’envisager une surenchère de demandes de « droits » ;
- La structuration et l’organisation des migrants dans les pays d’accueil en « communautés » et en « diasporas » (ce terme revient 25 fois dans le texte) sont privilégiées : c’est donc l’institutionnalisation du communautarisme. Le migrant n’est pas là pour s’intégrer. Et même, les pays d’accueil doivent promouvoir des politiques optimisant les bénéfices pour les diasporas et leurs pays d’origine : créer des bureau dédiés à ces diasporas, dans les consulats, les missions diplomatiques et aussi faciliter les déplacements des migrants entre les pays (Facilitate the contributions of migrants and diasporas to their countries of origin, including by establishing or strengthening government structures or mechanisms at all levels, such as dedicated diaspora offices or focal points, diaspora policy advisory boards for governments to account for the potential of migrants and diasporas in migration and development policy-making, and dedicated diaspora focal points in diplomatic or consular missions ; Promote migration policies that optimize the benefits of diasporas for countries of origin and destination and their communities, by facilitating flexible modalities to travel).
Vous avez dit « non-contraignant » ? Examinons le contre-exemple de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le texte se présente comme un ensemble de règles de coopération non-contraignant et réaffirme la souveraineté des Etats pour déterminer leur politique migratoire, en conformité avec les lois internationales. (The Global Compact is a non-legally binding cooperative frameworkthat recognizes that no State can address migration on its own due to the inherently transnational nature of the phenomenon. It requires international, regional and bilateral cooperation and dialogue. Its authority rests on its consensual nature, credibility, collective ownership, joint implementation, follow-up and review).
Le terme anglais pour énoncer les « objectifs » est le terme de « commitment » (Each objective contains a commitment), qui a le sens d’un engagement fort. Dans le Pacte mondial, le verbe « commit » est cité 48 fois, le nom « commitment » 38 fois. Comment un Etat pourrait-il signer un texte dans lequel il s’engage fermement 86 fois tout en considérant que l’engagement est en quelque sorte facultatif ?
La non-contraignance du texte est donc une fiction. Bien évidemment, les pays, qui encore une fois auront pris des engagements, devront les tenir et seront surveillés dans le cadre de ce suivi régulier. Au risque sinon de se faire rappeler à l’ordre par les organismes qui seront mis en place pour la fameuse gouvernance mondiale de ce texte, exactement comme le montre l’exemple d’un autre Pacte, signé par la France : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (International Covenant on Civil and Political Rights).
Ce pacte international a été adopté en 1966 et est entré en vigueur en 1976. Les pays membres du protocole inter-états (légalement contraignant et concernant les plaintes inter-étatiques) sont au nombre de 172 (l’Arabie Saoudite n’a pas signé). Les pays membres d’un protocole optionnel (légalement non-contraignant et concernant les plaintes individuelles) sont au nombre de 116 (l’Arabie Saoudite bien sûr, comme les USA ou encore le Royaume-Uni, n’ont pas signé). Les plaintes, selon l’article 41 de ce Pacte, sont examinées par un Comité, le fameux « Comité des droits de l’homme des Nations Unies » composé de 18 « experts indépendants » choisis par les Etats signataires.
Or, en France, on connaît bien ces constatations émises par ce Comité, et dites « non-contraignantes ».C’est ce Comité qui a « condamné » la France dans l’affaire Baby-Loup en août 2018, estimant que lelicenciement d’une salariée de la crèche Baby-Loup qui souhaitait porter un voile au sein de l’établissement, et ce malgré l’interdiction du port de signes religieux ostensibles dans le règlement intérieur de la crèche, était abusif. Il a même recommandé un dédommagement de la salariée.
C’est aussi ce Comité qui en octobre 2018, a remis en cause la loi française de 2010 sur le voile intégral, estimant que la France violait le droit de deux femmes musulmanes à la liberté de religion ; cette loi avait pourtant été approuvée par la Cour européenne des droits de l’homme.Beaucoup de médias ont relayé l’idée de la « condamnation » de la France pour non-respect de ce pacte ; mettant ainsi sous tension nos lois et nos valeurs.
Vous avez dit « mise en place d’une gouvernance mondiale, d’activités de revue et de suivi » ? Examinons le contre-exemple de la gouvernance du suivi des droits de l’homme.
Il existe, au sein de l’ONU un « Conseil des droits de l’homme » (à ne pas confondre surtout avec le « Comité des droits de l’homme » dont on vient de parler). Il mène des « Examens périodiques universels » (« UPR » : Universal Periodic Review) sur la situation générale des droits de l’homme dans les différents pays affiliés à l’ONU. Il est constitué de 47 membres, distribués selon les différentes parties du globe et nommés pour 3 ans. Actuellement, dans ce Conseil (qui, rappelons-le quand même, traite des droits de l’homme) siègent en particulier la Chine, Cuba, le Pakistan (le pays d’Asia Bibi …), le Qatar, l’Arabie Saoudite.
Il se trouve que la situation de l’Arabie Saoudite était examinée lors de la 31èmesession de ce Conseil, en novembre 2018.(site des Nations Unies mettant la documentation à disposition : https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/UPR/Pages/SAindex.aspx).
Avant même l’affaire Kashoggi, le rapport du Haut-Commissariat des Nations-Unies dressait une liste assez étoffée des manquements aux droits de l’homme dans ce pays (lois discriminatoires à l’égard des femmes, des minorités religieuses, « infractions » d’apostasie et de blasphème, absence de principe de liberté d’expression, nombre croissant d’exécutions y compris pour des moins de 18 ans, châtiments corporels (y compris flagellation et amputation), détentions arbitraires, pouvoir judiciaire totalement dépendant du roi, aveux obtenus sous la contrainte (= torture) considérés comme recevables, code du travail n’interdisant pas le travail forcé de façon spécifique, discriminations dans les statuts personnels liées à l’application de la charia, accès des filles à l’éducation parfois limité…) Un vrai florilège.
Dans le cadre de cette procédure, l’Arabie Saoudite, représentée par le Dr Al-Aiban, président de la commission des droits de l’homme du royaume d’Arabie Saoudite (sic !), a présenté son propre rapport. Il s’en est suivi une discussion et l’établissement d’un rapport final avec une liste de 258 recommandations. Et la conclusion en forme de victoire rapportée dans l’officiel Saudi Arabia Tribune : « le Comité des droits de l’homme de l’ONU adopte à l’unanimité le rapport de l’examen périodique universel pour le royaume d’Arabie Saoudite ». Le Dr Al-Aiban a en particulier affirmé : “nous examinerons de façon très positive et avec une grande attention toutes ces recommandations” (« We shall look positively at all these recommendations with great attention »). Tout le petit monde du multilatéralisme exulte.
Il se trouve que l’Arabie Saoudite avait déjà connu une « UPR » en 2013. Celle-ci s’était aussi achevée par l’adoption d’un rapport, le 26 décembre 2013, dans lequel d’une part « La France a salué la politique de l’Arabie saoudite visant à moderniser la société saoudienne, ainsi que les progrès accomplis en ce qui concerne le rôle des femmes au sein de la société. » et d’autre part des recommandations étaient déjà émises (par exemple, à l’initiative des USA : « Adopter des lois pour protéger la liberté d’association, d’expression et de religion et constituer une base juridique permettant à tous de créer des ONG sans ingérence »). Ce rapport se concluait par la phrase : « Les recommandations seront examinées par l’Arabie saoudite, qui y répondra en temps voulu, et au plus tard à la vingt-cinquième session du Conseil des droits de l’homme, en mars 2014 ».
Voilà l’efficacité de la gouvernance à la mode multilatérale onusienne.C’est ce qui sera imposé pour ce qui concerne les migrations pour tous les pays d’accueil signataires. Ca donne envie.
Mme Merkel affirmait récemment : “ce texte est dans notre intérêt”. Voilà un point intéressant et la vraie question. Parce que, au-delà des menaces, des risques et des coûts pour les pays d’accueil, y a-t-il vraiment quelqu’un dans la salle capable d’expliquer quel est l’intérêt de la France à signer ce texte ?
Annexe 1 : Liste des accords internationaux auxquels le Pacte mondial se réfère :
- The Universal Declaration of Human Rights
- the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights
- the International Covenant on Civil and Political Rights
- the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination
- the first Optional Protocol to the International Covenant on Civil and Political Rights
- the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women in 1979
- the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment
- the Convention on the Rights of the Child
- the Second Optional Protocol to the International Covenant on Civil and Political Rights
- the International Convention on the Protection of the Rights of All Migrant Workers and Members of Their Families
- the Optional Protocol to the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women
- the Optional Protocols to the Convention on the Rights of the Child on the involvement of children in armed conflict, and on the sale of children, child prostitution and child pornography
- the Optional Protocol to the Convention against Torture in 2002; the Convention on the Rights of Persons with Disabilities and its Optional Protocol
- the International Convention for the Protection of All Persons from Enforced Disappearance
- the Optional Protocol to the Covenant on Economic, Social and Cultural Rights and the Optional Protocol to the Convention on the Rights of the Child on a communications procedure
- the United Nations Convention against Transnational Organized Crime, including the Protocol to Prevent, Suppress and Punish Trafficking in Persons Especially Women and Children and the Protocol against the Smuggling of Migrants by Land, Sea and Air
- the Slavery Convention and the Supplementary Convention on the Abolition of Slavery, the Slave Trade, and Institutions and Practices Similar to Slavery
- the United Nations Framework Convention on Climate Change; the United Nations Convention to Combat Desertification
- the Paris Agreement2
- the International Labour Organization conventions on promoting decent work and labour migration3
- the 2030 Agenda for Sustainable Development
- the Addis Ababa Action Agenda
- the Sendai Framework for Disaster Risk Reduction
- the New Urban Agenda.
Annexe 2 : Liste des 23 « objectifs » du Pacte mondial
(1) Collect and utilize accurate and disaggregated data as a basis for evidence-based policies
(2) Minimize the adverse drivers and structural factors that compel people to leave their country of origin
(3) Provide accurate and timely information at all stages of migration
(4) Ensure that all migrants have proof of legal identity and adequate documentation
(5) Enhance availability and flexibility of pathways for regular migration
(6) Facilitate fair and ethical recruitment and safeguard conditions that ensure decent work
(7) Address and reduce vulnerabilities in migration
(8) Save lives and establish coordinated international efforts on missing migrants
(9) Strengthen the transnational response to smuggling of migrants
(10) Prevent, combat and eradicate trafficking in persons in the context of international migration (11) Manage borders in an integrated, secure and coordinated manner
12 Strengthen certainty and predictability in migration procedures for appropriate screening, assessment and referral
(13) Use migration detention only as a measure of last resort and work towards alternatives
(14) Enhance consular protection, assistance and cooperation throughout the migration cycle
(15) Provide access to basic services for migrants
(16) Empower migrants and societies to realize full inclusion and social cohesion
(17) Eliminate all forms of discrimination and promote evidence-based public discourse to shape perceptions of migration
(18) Invest in skills development and facilitate mutual recognition of skills, qualifications and competences
(19) Create conditions for migrants and diasporas to fully contribute to sustainable development in all countries
(20) Promote faster, safer and cheaper transfer of remittances and foster financial inclusion of migrants
(21) Cooperate in facilitating safe and dignified return and readmission, as well as sustainable reintegration
(22) Establish mechanisms for the portability of social security entitlements and earned benefits
(23) Strengthen international cooperation and global partnerships for safe, orderly and regular migration