Revenues en force au cours des deux dernières décennies, les mouvances souverainistes semblent aujourd’hui marginalisées par les crises successives. Un paradoxe terrible alors que l’indépendance et le localisme sont des atouts essentiels dans les dépressions que connaît notre continent.
Le "Non" au référendum portant sur une Constitution européenne en 2005 s’est inscrit dans une phase de critique à l’endroit des institutions européennes et de leurs projets qui ne convenaient pas aux peuples. Pas assez sociale pour les uns, l’Europe de Bruxelles représentait pour d’autres une insupportable tutelle bureaucratique. Des justifications légitimes et partagées par les Pays-Bas qui diront également non deux jours plus tard.
L’euroscepticisme a ensuite gagné du terrain. En France, le Front National adoptera une posture résolument souverainiste avec l’avènement de Florian Philippot ; au Royaume-Uni, c’est la droite qui s’emparera du sujet et parviendra à ses fins en sortant Londres du giron bruxellois en 2020.
Bruxelles tient bon
L’arrogance terrible des hautes sphères européennes, incarnées aujourd’hui par l’allemande Ursula Von Der Leyen, et la compromission de l’élite bruxelloise avec des grands groupes américains, n’empêchent pas la clique en place de prospérer. En France, Emmanuel Macron, plus européiste que la droite et la gauche parlementaire, en est un exemple frappant. La crise du Covid et le ralentissement de l’économie mondiale ont montré les limites de la philosophie sans frontières prônée par Bruxelles. La guerre en Ukraine a ensuite montré la faiblesse de cette Europe et sa vassalité vis-à-vis de Washington. Paradoxalement, la nécessité de produire chez soi et d’entretenir des rapports commerciaux de proximité n’a jamais été aussi prégnante que lors de la crise sanitaire et pourtant le souverainisme n’a pas connu de nouveau souffle en France. Le Rassemblement National, qui défend un changement de l’UE de l’intérieur, n’a pas de discours de rupture sur la question, pas plus que Giorgia Meloni récemment arrivée au pouvoir en Italie. Les poussées des droites nationalistes et patriotiques pourraient néanmoins à terme changer la donne continentale et leur recul sur la question de la rupture avec Bruxelles peut apparaître comme préalable à leurs victoires.
Guerre en Europe, l’impossible souveraineté ukrainienne
La guerre en Ukraine montre un autre versant du déclin de la notion de souveraineté. Personne, au niveau politique, ne se bat pour l’Ukraine libre et indépendante. Les alternatives sont limitées pour l’Ukraine : d’un côté, la Russie souhaite annexer une partie de ses territoires après avoir échoué à mettre à sa tête un chef d’État favorable à Moscou ; de l’autre côté, le camp otanien lui propose sa protection, avec des appels du pieds pour une intégration à l’Union Européenne. Les choix qui s’offrent à l’Ukraine débouchent dans tous les cas à la soumission à une entité extérieure.
Pris en étau entre deux empires, le pays est condamné à un rôle de supplétif, un rôle qui semble inéluctable pour des raisons aussi bien historiques que géographiques et politiques. Une fatalité à laquelle n’est pas condamnée la France, dont la position géographie et le destin historique peuvent pousser vers d’autres perspectives.
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