La défaite mauvaise, le bloc des gauches revendique le droit de gouverner avec un tiers des députés et conteste la nomination de Michel Barnier. S’il est certain que ce dernier est loin de disposer d’une solide légitimité, il convient de rappeler que le bloc des gauches ne l’a pas non plus.
Pendant une semaine, le Nouveau Front Populaire s’est attaqué au Rassemblement national qu’il accuse de ne pas avoir voté sa motion de censure et de n’avoir pas soutenu sa procédure de destitution. Dans un cas comme dans l’autre, le parti de Marine Le Pen a bien fait de se tenir à distance.
Comment le Rassemblement National peut-il peser sur la 17ème législature ? Avec 125 députés il est le premier groupe seul à l’Assemblée. Cependant, ce contingent ne suffit pas pour former un gouvernement avec ses alliés ciottistes de l’Union des Droites Républicaines.
Que faire alors sinon se placer en position d’exercer une pression en monnayant l’absence de vote aux motions de censure ? Rien.
Une place idéale pour préparer la suite
« Le mouvement national n’entend pas entraîner le pays vers le chaos, vers cette politique du pire qui est le pire de la politique ». Lors du discours de politique générale de Michel Barnier, Marine Le Pen a résumé ainsi le positionnement de son parti. Un positionnement qui déplaira au tenant d’une ligne dure face au macronisme mais qui apparait comme raisonnable à considérer que l’équipe mise en place est probablement la moins pire que pouvait espérer le RN.
Dépendant du parti présidé par Jordan Bardella comme le rappelle quotidiennement la gauche, l’exécutif se voit imposer des limites à ne pas dépasser. Lors du vote de la motion de censure, le député Guillaume Bigot l’a rappelé à la tribune du Palais Bourbon : « On ne censure pas, car un seul tweet de Marine Le Pen suffit à infléchir la position du Premier ministre sur la désindexation des salaires [...] nous préférons exercer une pression sur un gouvernement de moindre mal ».
Le RN bénéficie ainsi du statut d’opposant car ne siégeant pas aux côtés de la majorité centre-LR et n’a pas à endosser les économies que le gouvernement s’apprête à faire que la gauche nomme « cure d’austérité ». S’il venait à arriver au pouvoir il pourrait même espérer bénéficier d’une situation moins catastrophique.
Enfin la démarche de Marine Le Pen participe à moindre frais à la normalisation de son parti en affirmant ne pas vouloir déstabiliser les institutions et s’oppose au « chaos ». Vu le comportement de La France Insoumise et d’une partie de ses alliés, difficile de ne pas donner raison, même pour un électorat centriste, au comportement des élus RN.
Si le gouvernement venait à être censuré, les élections pourraient donner un résultat sensiblement identique. Une perte de temps et une prise de risque avec la possible arrivée d’un chef de gouvernement plus défavorable.
« Opposition » : les gauches cherchent à se refaire une virginité
L’agitation à gauche à un côté écolier. Il y a le meneur : LFI, et les suiveurs qui s’agitent inégalement mais n’osent pas vraiment s’opposer au dernier de classe qui tape plus fort. Le coup de force des Insoumis aura été de s’imposer à la gauche avec son discours radical et ses provocations permanentes, d’imposer à l’ancien président Hollande d’être allié, un peu malgré lui à l’ancien petit chef de bande Raphaël Arnault.
Les Insoumis, comme l’ensemble de la gauche, ont fait élire Emmanuel Macron en 2017 et en 2022. Lors des élections législatives de l’été 2024 toutes les gauches ont appelé à « faire barrage » au RN. Il apparait pour le moins audacieux de revendiquer après cela le titre de champion de l’opposition. Concernant le Parti Socialiste, il a survécu grâce au ticket Insoumis même si ses membres sont inégalement alignés sur la gauche mélenchoniste. Le PS vote l’essentiel des textes votés à Bruxelles par le centre macroniste et la différence entre l’aile « modérée » des socialistes et l’aile gauche du parti présidentiel est plus fine qu’une feuille de papier à cigarette.
Pour le RN et ses alliés, tout l’enjeu sera de continuer de montrer qu’il est toujours dans l’opposition à sa base électorale mais qu’il sait aussi se montrer patient. Un petit exercice de « en-même temps » qui apparaît plus raisonnable que de donner les clefs de l’exécutif à une alliance de centre-gauche impliquant les socialistes.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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