Source [Boulevard Voltaire] « Ils sont des nôtres. » C'est en ces termes qu'Ursula von der Leyen a présenté son souhait de voir l'Ukraine, « à terme », rejoindre l'Union européenne. La situation internationale avait-elle vraiment besoin qu'on en rajoute ?
On sait que l'une des raisons de l'invasion russe est le souhait de préserver ce que Vladimir Poutine perçoit comme la sphère d'influence traditionnelle de la Russie : la Rus de Kiev, on connaît cela par cœur grâce aux chaînes d'information continue, mais on ne prend pas bien la mesure de ce que cela signifie. On sait également que l'empressement de l'Ukraine à se raccrocher aux instances occidentales (Union européenne et OTAN) remonte à l'URSS et au traitement que les Soviétiques, qui ont créé ce pays, ont réservé aux Ukrainiens, notamment les terribles famines organisées des années 30. Le pouvoir en place doit son installation à la déstabilisation de 2013, récupérée par la CIA, ainsi qu'au ras-le-bol général de la corruption, qui a hissé sur le pavois un ancien comique. Les Ukrainiens résistent héroïquement, certes ; leurs réfugiés sont de vrais réfugiés (femmes et enfants), et non des colonnes d'hommes seuls, certes ; cette tragédie se passe non loin de chez nous et l'émotion est légitime. Toutefois, les critères d'adhésion à l'Union européenne (État démocratique, économie de marché, respect des « valeurs de l'Europe ») ne semblent pas remplis dans un pays encore instable et corrompu. Accélérer le processus d'adhésion par commisération relèverait du mépris pour les Ukrainiens et de la puérilité face à Poutine.
Que dire si un quelconque génie s'avise d'accélérer l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, cette fois ? Au nom de l'article 5, cette guerre deviendrait alors la nôtre...
Ce conflit a mis en lumière plusieurs choses - en dehors du « retour du tragique » dont se gargarisent les commentateurs. D'abord, l'armée russe n'est pas uniquement un rouleau compresseur. Beaucoup de ses soldats sont jeunes et peu aguerris. Certains ne savaient même pas où on les envoyait. Ensuite, le manichéisme n'est pas mort : non, l'Ukraine, malgré son remarquable patriotisme déjà évoqué sur Boulevard Voltaire, n'est pas un pays de chevaliers blancs. Les armes distribuées à la population ont par exemple facilité les pillages et les meurtres. Enfin, la Russie n'est pas le champion de l'Occident chrétien. Comme l'ont vu les théoriciens de l'eurasisme (Douguine, notamment), c'est un peuple de culture orthodoxe marqué d'une empreinte islamique par le biais des invasions tatares, une puissance guerrière et tellurique, opposée à une puissance protestante, marchande et maritime (hier le Royaume-Uni, aujourd'hui les États-Unis).
Dans ce monde dont les invariants redeviennent visibles, la France pourrait jouer le rôle d'une puissance d'équilibre. Emmanuel Macron veut y jouer. En est-il seulement capable ? Le veut-il seulement sincèrement ?
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