Source [Le Point] La cathédrale de Paris est sauvée. Mais tant de bâtiments flambent dans l’indifférence. Le président de la Fondation du patrimoine alerte.
En mai 2019, un mois après l'incendie de Notre-Dame, Guillaume Poitrinal, le président de la Fondation du patrimoine (désignée par l'État comme l'un des quatre organismes collecteurs de dons au profit de la cathédrale sinistrée), s'attire brusquement le courroux du ministre de la Culture Franck Riester, du général Jean-Louis Georgelin et de l'archevêque de Paris Mgr Aupetit. Que lui reprochent ces trois personnages qui ne sont pourtant, depuis le lancement du grand projet de restauration, que rarement d'accord ? D'avoir mis fin, du jour au lendemain, à la collecte de sa fondation.
Guillaume Poitrinal estime en effet avoir largement fait « le plein » de dons, et s'agace de cet afflux d'argent délirant au seul profit de Notre-Dame – dont l'état déplorable, avant l'incendie, n'intéressait pas grand monde – quand tellement de bâtiments anciens nécessitent eux aussi soins, entretien, sauvetage. Mais il n'est jamais aisé d'aller contre le vent, et Poitrinal, qui a osé tenter de détourner un peu l'attention médiatique de l'objet très politique qu'est devenue la star de l'île de la Cité, se voit alors vertement reprocher sa supposée irresponsabilité… Deux ans plus tard, la cathédrale, on le sait, est heureusement en voie d'être sauvée. Mais de trop nombreux incendies ont abîmé, dans l'indifférence à peu près générale, d'autres bâtiments patrimoniaux, certes moins grandioses, mais que l'on aurait pu, avec un peu d'investissement, préserver du désastre. Interview
Le Point : Aujourd'hui, Notre-Dame est sauvée et les travaux de restauration seront bientôt lancés. N'est-ce pas une immense victoire ?
Guillaume Poitrinal : Il y a deux ans, cet incendie a suscité une émotion mondiale et un élan de générosité sans précédent. Plus de 830 millions d'euros ont été collectés auprès de 340 000 donateurs particuliers, entreprises et grands mécènes pour permettre à cette icône du patrimoine mondial de renaître de ses cendres. C'est formidable ! Mais cette grande réussite collective ne doit pas nous aveugler. Les soins infinis dont nous entourons, à grands frais, la première de nos cathédrales masquent l'état de négligence du reste de notre patrimoine. Notre-Dame est l'arbre qui cache la forêt : de nombreuses églises, abbayes, basiliques, cathédrales de banlieue ou de province, et d'autres bâtiments publics ou privés, religieux ou pas, connaissent les mêmes périls que Notre-Dame avant son incendie. Aux quatre coins de France, nous laissons notre patrimoine brûler : il y a un an la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, en janvier l'église Saint-Christophe de Voutezac (Corrèze), il y a un mois la collégiale Saint-Nicolas d'Avesnes-sur-Helpe (Nord), il y a quinze jours l'église Saint-Pierre de Romilly-la-Puthenaye (Eure), et la semaine dernière l'hôtel de Dion, ancienne école d'infirmières de Saint-Omer (Pas-de-Calais).
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