Source [Boulevard Voltaire] : À quelques heures du premier tour de l'élection présidentielle, alors que les sondages d'intentions de vote en faveur de Marine Le Pen s'envolent, Philippe Olivier, le conseiller spécial et stratège de la candidate, accorde un entretien à Boulevard Voltaire. Il espère que Marine Le Pen dépassera Macron au soir du premier tour. « Psychologiquement, ce serait très important », dit-il. Philippe Olivier détaille la stratégie suivie sans nier la grande crainte de Marine Le Pen : l'abstentionnisme.
Marc Baudriller. À la mi-mars, Marine Le Pen affichait douze points de retard dans les sondages sur le candidat Emmanuel Macron, un écart aujourd'hui divisé par trois. Comment expliquez-vous cette envolée spectaculaire ?
Philippe Olivier. La question du sérieux est une question qui est extrêmement importante quand arrive le vote. Tant qu’on est dans la réflexion, on peut s’amuser, mais lorsqu’on doit voter, on réfléchit, car l’élection présidentielle est quelque chose d’important. Beaucoup de gens ne s’intéressent pas à l’élection, notamment les classes populaires et qui, à l’approche de l’élection, commencent à s’y intéresser. Évidemment, ce sont nos gros bataillons d’électeurs qui viennent, s’expriment et font monter les sondages.
Il y a certainement du vote utile. Les gens qui avaient vu éventuellement Éric Zemmour comme un candidat se rendent compte que sa stratégie n’est pas payante et que son positionnement est un peu anxiogène. Par discipline nationale, ils finissent par se reporter sur Marine.
M.B. Dans la mécanique de ce vote utile, y a-t-il une peur de Mélenchon ?
P.O. Je pense que notre électorat du camp national est intelligent. Si, dans les derniers sondages, il devait s’avérer que Mélenchon devenait trop pressant, le vote utile jouerait encore plus. J’invite évidemment tous les électeurs à renforcer la candidature de Marine. En dehors de Mélenchon, qui peut être un danger, l’enjeu est peut-être de dépasser Macron. Marine est à 23-24 % et Macron 25-26 %. Il reste deux jours et, psychologiquement, il serait très important de dépasser le président de la République sortant.
M.B. Pensez-vous que c’est possible ?
P.O. Je pense que c’est possible. Tout est une affaire de dynamique. Marine est dynamique depuis 10-15 jours et Macron en chute libre. Il est d’autant plus en chute libre que l'effet légitimiste de la guerre est en train de passer. Lorsqu’il y a une crise, on se reporte vers le pouvoir en place. Macron montre surtout des signes patents de fébrilité et d’impréparation. On l’a vu patauger dans sa présentation de projet lors de sa conférence de presse qui a duré quatre heures. On a vu son show qui était extrêmement curieux et lassant, dont il ne sortait rien. On voit aussi, dans ses émissions, qu’il est fébrile, il fait des lapsus et il parle fort. On voit quelqu’un qui n’est pas du tout dans le jeu.
Entre Marine qui est très solide, très apaisée et très sûre d’elle-même, et Macron qui sait qu’il dévisse, il y a une possibilité de croisement des courbes.
M.B. Le jeu se jouera-t-il en partie chez les abstentionnistes ?
P.O. C’est effectivement notre crainte. Beaucoup de gens sont hostiles à un deuxième quinquennat de Macron. Beaucoup de gens ont souffert du quinquennat. Par conséquent, ils ont une bonne raison de ne pas aller voter.
Or, notre électorat est beaucoup plus abstentionniste par nature que les autres électorats. Il est composé de jeunes ou de milieux populaires qui ont tendance à davantage ignorer le vote, avec l’idée que leur vote ne compte pas ou qu’il n’est pas pris en compte. Ils ont souvent voté et n’ont pas eu d’élus.
Aujourd’hui, les choses sont différentes. Les sondages montrent que Marine est au coude-à-coude au premier tour et qu’au deuxième tour, elle est, dans les sondages, donnée jusqu’à 48,5 %. On est réellement dans la marge d'erreur. La victoire est donc possible. Il faut donc que tout le monde se mobilise.
M.B. Vous êtes une des chevilles ouvrières de cette campagne. Tout le monde s’accorde à dire qu’elle a été une réussite. D’après vous, quelles ont été les clés de ce succès ?
P.O. Premièrement, c’est un travail long avec un recul de cinq ans. Deuxièmement, les qualités personnelles de Marine. L’équipe peut être la meilleure du monde, si la candidate n’est pas performante, cela ne fonctionne pas. On a une candidate tout à fait prête.
M.B. En quoi la candidate Marine Le Pen de 2022 est-elle différente de celle 2017 ?
P.O. Elle a appris de ses erreurs. On a beaucoup travaillé le projet. Elle est très à l’aise dans les chiffres et nous avons un projet qui englobe tout. Quand on parle de l’énergie, on connaît tous les tenants et aboutissants. On a une vision à la fois mondiale et européenne. Je pense que la cohérence et la solidité du projet, auxquelles s’ajoute évidemment la capacité de Marine à le défendre avec brio, font la différence.
M.B. Comment Marine Le Pen se prépare à un éventuel second tour et, surtout, comment se prépare-t-elle à un éventuel débat d’entre-deux-tours qui est évidemment un moment clé de la période ?
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