L'Assemblée nationale et le Sénat ont voté la poursuite des hostilités contre Kadhafi. Mais dans son discours réclamant aux parlementaires l'autorisation de continuer les opérations militaires en Libye, le Premier ministre François Fillon a reconnu qu'une solution politique en Libye est plus que jamais indispensable et elle commence à prendre forme .
Après trois mois d'une offensive qui, selon l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées, aura déjà coûté à la France 160 millions d'euros - plus d'un million et demi par jour - l'heure n'est pas au triomphalisme. La légende du combat mené au nom des droits de l'homme contre une armée de mercenaires assoiffés de sang a fait long feu. Kadhafi résiste au pilonnage de l'Otan et ne manque pas d'exploiter les inévitables dégâts collatéraux ainsi provoqués. Disposant d'un réel soutien populaire à Tripoli et en Cyrénaïque, il se paie le luxe de mener des contre-offensives face à des rebelles désormais bien armés (par la France) mais piètres stratèges. En outre, ceux-ci sont en passe de perdre dans l'opinion internationale leur statut de victimes : après Amnesty International, c'est au tour de l'ONG Human Rights Watch (HRW) d'accuser les rebelles d'exactions contre des civils. Ces violences auraient été commises en juin et juillet et jusqu'à la semaine dernière, lors de leur offensive depuis Djebel Nafusa, une région montagneuse au sud de Tripoli. Dans quatre villages investis dans ces monts, lit-on dans le communiqué publié par Human Right Watch (12 juillet), "les combattants rebelles et leurs sympathisants ont saccagé des biens, brûlé certaines habitations, pillé des hôpitaux, des maisons et des commerces, et frappé certaines personnes soupçonnées de soutenir les forces gouvernementales". Bref, le triste ordinaire d'une guerre civile.
Les illusions perdues incitent au réalisme : la France a reconnu avoir noué des contacts avec Tripoli -contacts qualifiés de négociations par Seif el-Islam Kaddafi, le fils du Guide libyen dans la presse algérienne. Il y a effectivement des contacts, ce n'est pas au jour d'aujourd'hui une véritable négociation , a concédé le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé, sur France info le 12 juillet. Dans un entretien au Figaro daté du même jour, le Premier ministre libyen, Baghdadi al-Mahmoudi, s'était dit prêt à des négociations sans conditions préalables sauf la fin des bombardements, en affirmant que le Guide n'interviendra pas dans ces discussions . Quant au sort réservé à Kadhafi, il reste des plus flous. Alors que les rebelles du Conseil national de la transition (CNT) font du départ de Mouammar Kadhafi un préalable à toute négociation, Paris a semblé faire évoluer son discours, par la voix de son ministre de la Défense. Interviewé sur BFMTV/RMC le 11 juillet, Gérard Longuet évoquait la possibilité de garder Mouammar Kaddafi dans une autre pièce de son palais, avec un autre titre . Un revirement selon l'Agence France-Presse. Assurément !, commente Carlo Panella dans le quotidien conservateur italien Il Foglio : Le scénario ébauché par le ministre de la Défense suppose de fait l'annulation du mandat de capture prononcé contre le raïs pour crimes contre l'humanité -qu'a réclamé le Conseil de sécurité des Nations unies au Tribunal de La Haye- et le rétablissement de la respectabilité politique de Kadhafi. Ce tournant est motivé par une constatation cruciale que Gérard Longuet synthétise de la sorte : "Maintenant les deux camps peuvent se parler parce qu'il a été amplement démontré qu'il n'y a aucune possibilité de sortir de la crise libyenne en recourant à la force."
C'était avouer tout haut l'échec de la stratégie de la France, du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de l'Otan en Libye. Il a donc fallu que le porte-parole du ministère des affaires étrangères français, Bernard Valero, rectifie le tir aussitôt en réaffirmant que toute solution politique passe par le retrait de Kadhafi du pouvoir et son renoncement à tout rôle politique et que François Fillon resserre les boulons devant les députés en revenant sur l'exigence du retrait total de Kadhafi. Mais les mots ne changent rien au bilan. L'opération militaire visant à protéger les populations, à éliminer (y compris physiquement) le raïs, à retirer toute légitimité à son gouvernement pour en parer le Conseil national de transition (CNT) de Benghazi, a échoué. Pas plus qu'en Irak ou en Afghanistan, on ne peut gagner la guerre en Libye. Reste à en sortir par le haut en négociant la paix. Ce ne sera pas une mince affaire en raison du particularisme ethnique et tribal de la Libye et de l'instabilité générale de la région.
Sources : Le Figaro, Le Monde.fr, France Info, Jeuneafrique.com, Courrier International/Il Foglio
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