En décembre, Gilles de Robien avait annoncé le recours obligatoire à la "méthode syllabique" : or les projets de programmes du ministre pour la rentrée prochaine se contentent de restreindre l'usage des méthodes globale et semi-globales.
Cela suffit pour exciter la contestation. Les éditeurs scolaires s'inquiètent. Les syndicats crispés sur les habitudes des enseignants mobilisent. Plus nuancés, des chercheurs emmenés par Frank Ramus (CNRS), prétendent apporter le "point de vue scientifique" dans le débat (Le Monde de l'éducation, mars 2006), mais sans remettre en cause les postulats de l'"apprentissage implicite" des méthodes semi-globales en vigueur. La réponse du Dr Wettstein-Badour.
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AYANT PRIS CONNAISSANCE du document de Franck Ramus Un point de vue scientifique sur l'enseignement de la lecture, je me réjouis de constater que les dix-huit chercheurs cosignataires de ce courrier placent le débat sur les méthodes de lecture au seul niveau auquel il doit se situer : celui de la connaissance scientifique.
Ces chercheurs s'appuient sur de très nombreuses études comparatives montrant la supériorité des méthodes permettant l'apprentissage précoce du lien qui unit chaque élément graphique de base (la lettre ou un petit groupe de lettres) au son qu'il représente (le phonème). Ils préconisent, à juste titre, de commencer cet apprentissage dès le début du CP.
En revanche, les auteurs écrivent : "Du moment que le déchiffrage est enseigné systématiquement, il importe peu que l'approche soit plutôt analytique (du mot ou de la syllabe vers le phonème) ou synthétique (du phonème vers la syllabe)." Cette affirmation est regrettable car elle risque de servir de caution à la très grande majorité des enseignants qui pratiquent la découverte du code alphabétique à partir des mots comme le recommandent les nouveaux programmes de 2002. Il leur suffira d'introduire quelques exercices de correspondance entre sons et graphismes sans rien changer à leur pratique et en utilisant leurs manuels habituels pour se conformer aux recommandations présentées dans ce texte.
Or ce que nous savons aujourd'hui du fonctionnement du cerveau permet de comprendre que cette démarche est une des principales causes d'échec dans l'apprentissage de la lecture.
D'autre part, dans un texte destiné à mettre en avant la nécessité du déchiffrage, il eût été utile de préciser que l'apprentissage du code alphabétique nécessite de prendre en compte à la fois la discrimination des sons, les contraintes imposées par la vision maculaire et les saccades oculaires, la reconnaissance des formes et de leur orientation dans l'espace ainsi que la maîtrise du graphisme. Bien évidemment –les signataires de ce courrier l'ont noté — il est indispensable d'adjoindre au déchiffrage un travail portant sur le vocabulaire, la syntaxe et le sens du texte.
Si le ministre a la volonté de prendre des mesures efficaces pour permettre à la très grande majorité des élèves d'apprendre à lire et écrire, il est indispensable que les circulaires d'application qui seront prochainement publiées demandent aux formateurs des enseignants de prendre en compte l'ensemble des acquis des neurosciences, faute de quoi aucun véritable changement ne sera possible.
*Docteur en médecine, auteur de Apports des neurosciences et pédagogie du langage écrit, et de Bien parler, bien lire, bien écrire (Eyrolles, 2005).
Un point de vue scientifique sur l'enseignement de la lecture
[Lettre parue dans Le Monde de l'éducation, mars 2006, signée par dix-huit chercheurs]
Franck Ramus, chargé de recherches au CNRS
Séverine Casalis, maître de conférences à l'Université Lille 3
Pascale Colé, professeur à l'Université de Savoie
Alain Content, professeur à l'Université Libre de Bruxelles
Jean-François Démonet, directeur de recherches à l'INSERM
Elisabeth Demont, professeur à l'Université de Strasbourg
Jean Ecalle, maître de conférences à l'Université Lyon 2
Jean-Emile Gombert, professeur à l'Université Rennes 2
Jonathan Grainger, directeur de recherches au CNRS
Régine Kolinsky, chercheur qualifié du FNRS, Communauté française de Belgique
Jacqueline Leybaert, chargée de cours à l'Université Libre de Bruxelles
Annie Magnan, professeur à l'Université Lyon 2
José Morais, professeur à l'Université Libre de Bruxelles
Laurence Rieben, professeur à l'Université de Genève
Liliane Sprenger-Charolles, directrice de recherches au CNRS
Sylviane Valdois, directrice de recherches au CNRS
Pascal Zesiger, professeur à l'Université de Genève
Johannes Ziegler, directeur de recherches au CNRS
Dans le débat sur "les méthodes de lecture", la Science a bon dos. Invoquée à la fois par le Ministre de l'Education Nationale et par ses opposants, elle semble se plier aux différents points de vue. Pourtant, après maints débats alimentés de citations tronquées, les nuances d'un point de vue qui vise à l'objectivité scientifique n'ont toujours pas réussi à se faire entendre. Il nous paraît donc important de clarifier ce que les recherches scientifiques permettent (ou pas) de dire.
Tout d'abord, nous affirmons avec force que la question de l'efficacité comparée de différentes pratiques pédagogiques est une question qui peut et qui doit être abordée de manière scientifique. En médecine il est devenu un lieu commun que l'approche scientifique, et elle seule, permet de déterminer lequel de deux traitements est le plus efficace (en comparant statistiquement leurs effets sur deux groupes de patients suffisamment nombreux). Il en est de même dans le domaine de l'éducation. Les enseignants ont une expérience incomparable des enfants et de leurs propres pratiques, ...
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