Déposer la rentrée universitaire des jeunes frères dominicains entre les ailes du Saint-Esprit, c'est conférer à l'étude un statut particulier. Pendant six, sept ou huit ans, nos frères se préparent au sacerdoce en étudiant.

S'ils étudient, c'est qu'il leur faut connaître ce qu'ils auront à transmettre. Il s'agit de savoir et aussi de savoir dire.

On entend trop souvent, ces dernières décennies, que " la foi ne s'enseigne pas ". On nous enseigne qu'elle ne s'enseigne pas. Rien n'est plus faux ! Elle s'enseigne. Elle se transmet, depuis Jésus parlant au peuple et à ses Apôtres, et des Apôtres jusqu'à nous dans l'enseignement de l'Église, de bouche à oreille. Les oreilles ne manquent pas, mais les bouches pour parler. La foi a ceci de particulier qu'elle n'est pas une invention humaine, une réflexion philosophique à tâtons, mais la réception de la Parole de Dieu dans son intégralité. Un Dieu trinitaire, créateur, sauveur et divinisateur ne peut être connu tel qu'en l'ayant entendu dire avec autorité.

Une foi qui ne s'enseigne pas ne fabrique que des ignorants et l'ignorance dévaste tout. La connaissance ne s'oppose pas à l'amour, elle le prépare au contraire. Pour aimer Dieu, il faut le connaître. On n'aime pas un inconnu.

Sous l'égide de l'Esprit-Saint

L'étude de la théologie, envisagée comme berceau de la vie spirituelle et de la réflexion chrétienne, ne s'édifie pas seulement sur le modèle des études profanes. Elle a Dieu comme origine, comme motif et comme moteur. Une telle étude est une vie placée sous l'égide de l'Esprit-Saint. Tout baptisé confirmé reçoit les sept dons de l'Esprit, dont ceux d'intelligence, de science et de sagesse. Ces trois dons donnent de voir toute choses selon Dieu de façon plus claire et plus profonde. Ils confèrent de bien juger. Ce bon jugement selon Dieu, qui est le jugement éclairé par la charité, s'appuie sur la fidélité à l'Évangile et au Magistère de l'Église.

Ces dons, venus de l'Esprit-Saint, se prolongent ensuite en vertus. Comme l'eau pénètre la terre et la roche, se faufilant partout et fécondant tout, l'Esprit purifie et sanctifie l'intelligence, il l'oriente vers la vérité divine. Il lui donne de juger des choses en chrétien et d'en parler de même.

Ce qui n'enlève rien à l'effort humain

L'Esprit préside, influe, surélève et affermit, mais il ne remplace pas l'effort humain. Sa lumière infusée dans l'âme n'a rien d'un illuminisme. Il agit à la façon dont nous agissons. La preuve en est que vous reconnaissez un prédicateur à son discours : " Ah, comme c'est bien son style ! " Le style de l'Esprit-Saint n'écrase pas le nôtre ; bien au contraire, il l'accentue, comme il accentue les traits d'une personnalité. Il la rend de plus en plus elle-même. Le souffle de l'Esprit invite à travailler, il n'est pas un vent de paresse.

Priez donc pour que nos jeunes frères aient le courage de s'atteler à leurs études, qu'ils y progressent et y persévèrent. Ces études durent longtemps, longtemps, si longtemps pour eux qui, à force d'être jeunes depuis tant d'années, ne le sont à la fin plus autant qu'au début. L'expérience montre pourtant que nos frères y prennent goût puisque, après avoir parfois gémi de trop d'années d'études, ils en réclament à la fin une ou deux de plus...

Cela dit, l'étude, même de cet objet sublime qu'est le Dieu de Jésus-Christ, est une ascèse. Le plus grand mal actuel chez ceux qui apprennent la théologie, ce n'est plus l'idéologie ni les pensées torves, mais la bougeotte.

*Homélie du fr. Thierry-Dominique Humbrecht o.p., Messe du Saint-Esprit, rentrée universitaire, Bordeaux, lundi 19 septembre 2005.

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