Source [Conflits] : Une guerre se gagne aussi par les capacités d’influence d’une nation. Si la France en a longtemps fait les frais, elle a décidé de répliquer en faisant de l’influence une fonction stratégique française. Entretien avec l’officier général en charge de la lutte informationnelle au sein des armées.
Propos recueillis par Pierre d’Herbès
Article paru dans le numéro 48 de novembre 2023 – Espagne. Fractures politiques, guerre des mémoires, renouveau de la puissance.
En 2022, l’influence est devenue la 6ᵉ fonction stratégique française : quels enjeux ont mené à cette évolution ?
Vu des armées, la création de cette fonction stratégique marque la prise en compte du champ des perceptions dans toutes les réflexions et dans la mise en œuvre de stratégies de toute nature. Aujourd’hui plus qu’hier, avec la numérisation de l’information et son corollaire qu’est l’explosion des réseaux sociaux, l’action sur les perceptions des activités humaines est devenue incontournable.
C’est pourquoi, la Revue stratégique nationale de 2022 a effectivement érigé l’influence en fonction stratégique. Cependant, le sujet de l’influence n’est pas nouveau dans les armées : l’évolution récente montre la volonté de faire davantage et mieux dans ce domaine. Il s’agit aujourd’hui de chercher à combiner plus étroitement les effets produits par des actions de natures très diverses pour renforcer l’influence de la France, cela dans des champs variés : militaires, diplomatiques, culturels, etc.
Par ailleurs, nous sommes confrontés à une forme d’asymétrie dont profitent nos compétiteurs, en particulier la Russie. Dans le cadre de ses opérations d’influence, la Russie déploie toutes sortes de modes d’action dont certaines vont à l’encontre du droit international et des droits fondamentaux. On peut citer par exemple le charnier de Gossi, au Mali en avril 2022. Des mercenaires russes et des soldats maliens ont été détectés en train d’enterrer des corps pour constituer un faux charnier et accuser la France de crime de guerre. Nous respectons un ensemble de règles de droit et d’éthique et ce genre de pratique n’est évidemment pas envisageable pour nous. Nous compensons en travaillant d’abord sur la vérité et les faits. Or cet exercice s’avère de plus en plus difficile. Car chaque jour, nous sommes confrontés à l’inflation des fakes news, dopées notamment par l’explosion des deep fakes créés par des IA, qui saturent de plus en plus l’espace informationnel. Nous sommes donc confrontés à un véritable défi technologique qui impose une sorte de course de fond entre la capacité à produire du faux et la capacité à le détecter.
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