Source [Causeur] : Le Courage de la dissidence, de Bérénice Levet, s’appuie sur l’allégorie de la caverne, dans La République de Platon, pour tracer une nouvelle voie : celle qui nous permettra de sortir de la grotte obscure dans laquelle nous enferme le wokisme. L’article est suivi d’un extrait du livre.
Les postmodernes croient avoir tout compris de Platon. Il était élitiste, autoritaire, sexiste et xénophobe – bref, un mâle blanc. Même Alain Badiou, qui se prétend platonicien, ne voit dans la célèbre allégorie de la caverne que l’aliénation de l’homme à l’ère du capitalisme. Pourtant, cette histoire insérée dans La République parle de l’universelle condition humaine, puisqu’elle transcende les siècles. Les protagonistes de la fable sont enchaînés au fond d’une caverne et forcés de ne regarder que le mur du fond. Un grand feu, derrière eux, projette sur cette paroi les ombres de statues et d’objets qui sont promenés devant les flammes : les spectateurs croient voir la réalité, mais en fait restent les jouets de ces fantômes. Le philosophe est celui qui essaie de sortir de la caverne pour découvrir la lumière du soleil et regarder la réalité en face. Humains, nous sommes éternellement leurrés par les apparences, par ce qui nous tombe sous le nez. Afin de nous rapprocher de la vérité, nous sommes obligés de sortir de la caverne de notre subjectivité, de prendre nos distances par rapport à notre petit ego. Résolument anti-postmoderne, Bérénice Levet a saisi toute la profondeur du mythe. La caverne fournit le fil rouge de son nouvel essai, véritable cri de ralliement contre les nouvelles idéologies wokistes qui veulent nous emprisonner dans la plus obscure des grottes.
Le règne des idoles
Le Courage de la dissidence n’est pas un inventaire des dernières folies du progressisme. Après les ouvrages de Douglas Murray et d’autres, nous savons à quoi nous en tenir. Il s’agit plutôt d’amorcer ce que les conservateurs américains nomment le « fight back », la contre-attaque, car ce qu’on appelle souvent une guerre des idées est une guerre de pouvoir dont l’enjeu est la survie de « notre modèle de civilisation ». Bérénice Levet transpose la parabole visuelle de la caverne en termes sonores. L’éducation et ses différentes institutions – l’école et l’université, les musées et les théâtres, les maisons d’édition et les médias – sont devenues des « caisses de résonance » qui ne reflètent que l’actualité, ou une version étriquée de celle-ci. Quand la directrice du Louvre présente son musée comme une « chambre d’écho de la société », les possibilités pour sortir de soi-même par l’art et l’histoire se réduisent comme...
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