Après l’accord du 14 juillet, comment reprendre pied sur le marché iranien ?

L’accord signé le 14 juillet 2015 entre les États-Unis et l’Iran donne tort a posteriori aux chancelleries n’ayant envisagé pour seule et unique possibilité qu’un affrontement avec l’Iran, au détriment de toute éventualité d’accommodement.

Or, parmi les puissances européennes, la ligne politique la plus dure depuis 2007 est celle de la France, qui a négligé l’avis de ses propres diplomates et universitaires, au détriment de ses propres intérêts.

Un handicap au départ pour les entreprises françaises

En un temps de crise économique où chaque partenaire compte, il semble assez probable que les entrepreneurs français paient le prix fort de l’aveuglement volontaire des diplomates censés les représenter. En effet, derrière la question nucléaire, qui a fini par faire écran à toute réflexion mesurée sur l’Iran, les tractations économiques entre les entreprises occidentales se sont poursuivies au cours de la dernière décennie, en connaissant une vive accélération depuis huit mois.

Dans ce jeu très concurrentiel, les États-Unis ont naturellement privilégié l’obtention de marchés pour leurs propres entreprises au détriment de leurs concurrents européens et chinois. Au sein de l’Union européenne, des pays comme l’Allemagne, mais aussi l’Italie et l’Espagne ont su jouer d’une voix infiniment plus mesurée que celle de la France afin de maintenir le dialogue avec l’Iran.

Le levier culturel, la meilleure arme afin de rattraper le retard pris

La situation est-elle désespérée pour autant ? Rien de moins sûr. En effet beaucoup d’entrepreneurs vont attaquer le marché iranien sans la moindre idée des spécificités culturelles qui le rendent très peu accessibles aux chefs d’entreprises partisans des approches lourdes et figées.

L’Iran demande une finesse d’analyse et une complexité d’approche qui va très vite rebuter les amateurs de profits immédiats. Or la France – comme semble l’infirmer les errements de la dernière décennie – est dépositaire d’une véritable expertise dans le domaine de la culture iranienne.

La France de l’Orient

Cet intérêt de la France pour l’histoire et la littérature persane lui donne d’ailleurs une image très positive en Iran sur la longue durée. Nous oublions parfois qu’au XVIIe siècle, la Perse était considérée comme une France de l’Orient. Les descriptions de la Perse par les voyageurs français ont d’ailleurs été pillées, traduites et analysées par des spécialistes de la négociation marchande, notamment les Britanniques et les Hollandais, qui en ont tiré des leçons très concrètes pour leurs propres compagnies de commerce. Bref, les intuitions françaises ont servi à d’autres.

Tout se passe en effet comme si l’incompréhension française s’enracinait dans un traumatisme constitué en Perse par l’alliance contre-nature du commerce et des lettres. En fin de compte, le dédain dans lequel les ambassadeurs de Louis XIV tiennent les manières commerciales du roi de Perse et l’indifférence que les entrepreneurs occidentaux rompus à la négociation d’affaires affectent parfois aujourd’hui pour la culture iranienne débouchent sur des échecs symétriques. Les négociations réussies de demain seront menées par des Français suffisamment habiles pour éviter l’alliance paralysante de la prudence commerciale et de la fierté culturelle persane.

 

Thomas Flichy de La Neuville est historien, membre du Centre Roland-Mousnier, CNRS – Université de Paris IV-Sorbonne. A publié avec Antoine de Prémonville, Géopolitique de l’Iran, Presses Universitaires de France, 2015.

 

 

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