Nos coups de coeur
Aujourd’hui, la Russie, avec à sa tête Vladimir Poutine, n’en finit pas de fasciner l’Occidental. Un mélange d’archaïsmes, de force sauvage, d’espaces infinis qui dépasse son entendement et ses capacités de représentation. Ses soubresauts politiques et économiques restent majoritairement incompris de la part de l’observateur français qui tente d’appréhender la complexité de l’âme russe secouée par soixante-dix ans de soviétisme.
Historiens, journalistes, politologues auraient bien voulu enterrer la Russie au moment où se sont écroulées les Républiques socialistes. Si l’on avait par exemple écouté en 2001 Jean-Baptiste Duroselle, le spécialiste des relations internationales, on aurait pu penser que l’ancien empire des tsars était tombé si bas que jamais il ne réintègrerait le cours de l’histoire. Vingt ans plus tard, on mesure comme il a pu se tromper…
Le recul permet aujourd’hui de considérer différemment la chute. Le récit de Christian Mégrelis, un entrepreneur français qui a vécu de l’intérieur le naufrage de l’URSS, vient jeter un regard étonnant sur le point de bascule qu’est la fin des années 1980, qui ont vu s’effondrer l’empire communiste pour laisser la place à un monde de chaos qui n’a pas pourtant pas fini de tutoyer la puissance.
Énarque et polytechnicien, Christian Mégrelis est un observateur de choix : présent à Moscou à la chute du Mur, il apporta son concours au cabinet du président Mikhaïl Gorbatchev, aux côtés notamment du maire de Moscou et du Premier ministre de l’URSS d’alors, Valentin Pavlov. Il joua alors un rôle clef dans la série de privatisations opérées par le régime de Gorbatchev. L’auteur connaît donc très bien la Russie pour y avoir vécu et travaillé : il se dégage de son livre une passionnante familiarité avec son objet, bien loin des habituels poncifs de la presse sur le pays le plus vaste de la planète. S’y côtoient l’absurde et la grandeur, la résignation et le courage, la misère et la gloire.
L’intérêt de cet ouvrage à mi-chemin entre l’essai et le journal de voyage est de rappeler au lecteur français la carte formidable que notre pays a à jouer s’il consentait à dialoguer intelligemment et sans idéologie avec la puissance russe. La francophilie des Russes n’est pas un mythe, mais le capital de sympathie dont nous bénéficions s’effrite inexorablement compte tenu de la façon catastrophique dont nos gouvernants considèrent le pouvoir poutinien depuis de trop nombreuses années.