En France, la question de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées – ce qu’il est convenu d’appeler le « cinquième risque » – même si les pouvoirs publics ont estimé préférable de la traiter après l’élection présidentielle – se pose avec d’autant plus d’acuité que l’on estime aujourd’hui qu’une personne sur quatre issues des générations du baby boom aura à en souffrir.
L'humanité va plus vieillir dans les 30 à 40 prochaines années que dans les 10 000 précédentes et la France n’échappera pas à cette évolution inexorable. L’allongement de la durée de vie dans les pays industrialisés est un événement heureux qui oblige les organismes de prévoyance à assurer la prise en charge d’un nombre croissant de personnes en situation de dépendance.
Le placement systématique dans des institutions spécialisées de personnes âgées en perte d’autonomie se heurte à une problématique de financement d’autant plus aigüe que le nombre de ces personnes croît rapidement. Le creusement continu des écarts intergénérationnels, pose la question du maintien à terme du modèle de solidarité sur lequel repose la sécurité sociale.
À l'horizon 2020, moins de 1 % des assurés, en grande majorité très âgés, absorberont un tiers des remboursements d'assurance-maladie. La dépense publique liée à la prise en charge des personnes âgées dépendantes (prestations de santé et prestations de "compensation de la perte d’autonomie") s’élève à 19 milliards d’euros par an, soit l’équivalent d’un point de PIB. On comprend dans ces conditions que l'acceptabilité d'une telle évolution fasse débat et que l'on s'interroge sur les modalités de prise en charge de la perte d'autonomie. Et cela d'autant plus que, parallèlement, du fait même du vieillissement de la population, le nombre moyen d’aidants potentiels par personne âgée dépendante aura tendance à diminuer.
Dans la définition retenue par la loi du 24 janvier 1997, la dépendance se dit de "l’état de la personne qui, nonobstant les soins qu’elle est susceptible de recevoir, a besoin d’être aidée pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie ou requiert une surveillance régulière ".
En France, 1.6 million de personnes bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Les personnes de plus de 60 ans, qui représentaient 22,7 % de la population en 2010, en représenteront 26,2 % en 2020. Les plus de 60 ans pèsent déjà presque autant que les moins de 20 ans dans la population totale ; en 2050 ils seront 1,5 fois plus nombreux. À cette échéance, près d'une personne sur six aura plus de 75 ans. Nous entrons à un rythme accéléré dans un monde de vieux, avec tout ce que cela implique.
Ce vieillissement est porté par l’augmentation d'espérance de vie qui a fait gagner 3,8 années de vie aux Européens entre 1990 et 2006, notamment grâce aux progrès réalisés dans le contrôle des maladies chroniques et dans la lutte contre les maladies transmissibles.
Parmi ces personnes dépendantes, 60 % vivent à domicile et 40 % en institution spécialisée. Les organismes de prévoyance estiment que 25 % des personnes placées en institutions (125 000 personnes) auraient pu décaler de 18 mois leur placement si des technologies fiables de maintien à domicile existaient.
Pour limiter l’explosion des dépenses de santé, les organismes de prévoyance souhaitent logiquement retarder le placement des personnes potentiellement dépendantes en maisons spécialisées et réduire les coûts de surveillance lorsque ces personnes sont placées en institution.
La piste prioritaire est bien sûr de travailler sur la possibilité de maintenir à domicile les personnes âgées et le concept de « l'habitat intelligent » apporte en partie une solution à ce problème étant observé que parmi les dangers récurrents pour les personnes âgées vivant seules à domicile ou en institution spécialisée, le risque de chute est un problème majeur.
En supposant que l’équipement technique d’un foyer soit assuré par la famille, les collectivités territoriales et autres financeurs sociaux, les organismes de prévoyance estiment acceptable un coût de location de 25€ à 35€ ttc associé au support technique à domicile. Une des solutions que ne manqueront pas d'explorer les assureurs privés sera de favoriser les mécanismes de mutualisation permettant de limiter le coût facial des solutions qu'ils proposeront à leurs affiliés.
Sachant que le coût du placement en EHPAD d’une personne dépendante varie de 2500€ (province) à 4000 € par mois (Paris), il est facile d’estimer le potentiel d’économie généré par le maintien à domicile (MAD) plutôt qu’un placement en institution pour les familles et organismes qui interviennent en support financier (conseils généraux, mutuelles et Institutions de Prévoyance, sécurité sociale…).
On peut estimer tout aussi facilement le nombre de personnes concernées : 15 à 25 % des 960 000 personnes dépendantes à domicile aujourd’hui, auxquelles viennent se rajouter 25% des 640 000 personnes qui vont en institution spécialisée faute de solution pour rester chez elles avec un risque et un support acceptables par elles et leurs aidants soit environ 200 000 personnes à qui il faudrait pouvoir offrir des services qu’elles puissent économiquement supporter.
Les progrès de la technologie et de la médecine devraient permettre de maintenir ces personnes malades ou à autonomie réduite à domicile et de diminuer les besoins d'hospitalisation lourde. Il appartiendra demain aux pouvoirs publics d’accompagner le mouvement initié par les assureurs qui auront démontré entre-temps leur capacité à mutualiser et à générer du trafic. C'est sans doute de cette manière davantage que par la voie réglementaire que l'on arrivera à véritablement « solvabiliser » les services à la personne.
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