Les médias catholiques, et c’est tout à leur honneur, s’intéressent prioritairement à la personne et à son épanouissement, ainsi qu’à la famille, « cellule de base » de la société. À cet égard, la sexualité est évidemment un sujet important. D’où la question légitime que ces médias se posent régulièrement : quelle est la meilleure éducation sexuelle à développer dans les temps actuels ?
Voilà quelques semaines, Thérèse Hargot publiait son nouvel opus, Aime et ce que tu veux, fais-le (chez Albin Michel) en entretien croisé avec Monseigneur Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon. Dans nos colonnes, nous avions, dès la sortie de ce livre, appelé nos lecteurs à la plus grande vigilance concernant un ouvrage qui nous semble tout à la fois empreint d’orgueil, de mépris, de grossièreté et de confusion. Nous attirions également l’attention sur l’étrange fascination qu’exerce Madame Hargot sur les milieux catholiques, qui explique que son ouvrage figure en bonne place dans nombre de librairies catholiques, et qu’il caracole en tête des ventes dans une librairie phare comme La Procure.
Et pourtant…Mme Hargot, en contradiction frontale avec la morale catholique, refuse catégoriquement les notions de « morale », de bien, de mal, et se montre extrêmement critique vis-à-vis de la partie du monde catholique qui recherche la pureté de l’âme, de l’esprit, du cœur et du corps. Elle se veut « libérée », indépendante, « sexologue » électron libre, et dit logiquement n’avoir besoin d’aucune caution morale. Si tel était vraiment le cas, pourquoi a-t-elle choisi d’écrire son livre avec un évêque, haut personnage dans la hiérarchie de l’Eglise, et non avec un chef d’établissement scolaire public, par exemple ? En réalité, son travail semble indissociable des relations pour le moins confuses qu’elle entretient avec le monde catholique. D’où l’ambiguïté de son positionnement : Madame Hargot clame son indépendance par rapport à l’Eglise, mais fait estampiller ses propos par un évêque complaisant. Sa stratégie personnelle, à défaut d’être claire, est fort intelligente : avec un évêque à ses côtés, l’accompagnatrice familiale ne peut plus être critiquée par le monde catholique…
Il découle de cela que les lieux des recensions médiatiques, des articles et émissions récentes de Thérèse Hargot se trouvent essentiellement dans les médias catholiques : RCF (17 avril 2018), Famille Chrétienne (idem), KTO (11 mai 2018), ou encore La Croix (22 mai 2018). En revanche, nous ne trouverons pas grand-chose dans L’Express, CNews, France Culture ou Libération. Pourquoi ? De deux choses l’une : soit l’auteur n’y tient pas, soit les médias en question ne s’y intéressent pas. Pour parler simplement : Madame Hargot, qui prend publiquement ses distances avec le monde catholique, n’intéresse pas le monde non catholique, alors que la sphère médiatique catholique se nourrit de l’engouement pour la jeune femme et l’entretient, sans véritable discernement. La recherche de la vérité en toute liberté devrait pourtant pousser les médias catholiques ci-dessus mentionnés à ouvrir un vrai débat fondamental sur un tel livre. Je souhaite ce débat, je rêve qu’il ait lieu mais la probabilité qu’il ne se tienne pas est grande… car la sphère médiatique catholique « officielle » souhaite démontrer qu’elle sait parler « sans tabou », qu’elle chérit un discours « moderne » et « décomplexé » qui parle à tous, que les « cathos coincés » ne sont pas sa tasse de thé. Qui sont les coincés ? Ceux qui recherchent la Vérité en toute liberté, ou ceux qui s’emprisonnent volontairement dans une logique « politiquement correcte » ? Le prieur du Barroux, qui n’a pas hésité à critiquer intelligemment l’ouvrage, ou le journaliste catholique mondain, fasciné par Madame Hargot ?
Soyons précis : les jeunes catholiques n’ont aucun besoin d’être décomplexés par les médias catholiques ; la société tout entière s’en charge avec brio. En revanche, valoriser la partie du monde catholique capable de garder héroïquement les valeurs traditionnelles, enrichissant la beauté de la sexualité, est un impératif absolu, à l’heure où tant de prêtres blasés, habitués à la cohabitation ou à la pilule des couples qu’ils accompagnent, baissent les bras et acceptent tout. Les médias catholiques devraient y réfléchir, et amoindrir par là même la passion qu’ils ont pour le travail de Mme Hargot. Sans parler, bien évidemment, des établissements catholiques du primaire, du secondaire ou du supérieur, qui ne manqueront sans doute pas de s’empresser d’organiser des rencontres et des conférences avec l’accompagnatrice familiale. Nous préférerions que cet empressement se fasse dans les structures publiques : le discours de Thérèse Hargot y ferait certainement oeuvre plus utile et moins délétère. Mais soyons-en certains : les structures publiques seront aux abonnés absents. Ce livre va donc abîmer le monde des valeurs, et sera ignoré par le monde libertaire, avec la bénédiction du monde catholique en général, et des médias catholiques en particuliers : dans le cadre de tous les combats que nous menons, nous n’avions pas besoin de ce nouveau coup de poignard…
François Billot de Lochner
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