Les hommages presque unanimes après le décès de Robert Badinter ne portent pas seulement la marque du conformisme. Ils rappellent combien l’intelligentsia et les castes politiques au pouvoir, ou désirant y accéder, sont imprégnées de l’idéologie anti-pénale du défunt ministre socialiste.

Le martyre du criminel

 

L’inversion des valeurs dont il est souvent question dans notre époque, sans que celle-ci soit vraiment décrite, se retrouve parfaitement dans la méthode de Badinter. Il s’agit avant tout d’excuser, d’humaniser voire de réhabiliter le criminel. La victime est oubliée, on nie son existence et sa souffrance ainsi que celle de ses proches. Sorte de pardon chrétien devenu fou, le mécanisme de pensée de Robert Badinter rejoint celui de Victor Hugo dans Le dernier jour d’un condamné. L’écrivain prend soin de ne parler que de celui qui va être exécuté, pas de sa ou ses victimes. A-t-il violé une enfant ? Égorgé des innocents ? Peu importe, il faut sauver le criminel.

 

Ce renversement de situation au profit du coupable est non seulement une inversion des valeurs mais aussi un mécanisme relativiste qui profite à une confusion entre le bien et le mal. Sous couvert de valeurs chrétiennes, on absout ici-bas le pire au détriment des faibles : les victimes, en oubliant que sans justice, il n’y a pas de paix et que le pardon ne peut donc pas s’exprimer clairement. Celui qui contestera l’abolition sera considéré comme un paria, un arriéré.

 

L’échelle des peines

 

Il n’est pas ici question de faire un réquisitoire pour la peine de mort, quoique le simple fait que son abolition ait été faite contre l’avis de la majorité puisse être critiquable. La suppression de la peine capitale par le ministre Badinter a provoqué un désarmement judiciaire, alors même que les exécutions étaient devenues très rares ; on n’en comptera que six dans la décennie 70.

 

L’utilité de ce châtiment résidait d’ailleurs plus dans son existence que dans son application, puisqu’il permettait de fixer une échelle des peines.

 

La peine de mort comme peine suprême a été remplacée par la perpétuité… « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! ». La machine était lancée. En effet, pourquoi interdire la peine de mort au nom de l’humanité mais tolérer un enfermement à vie ? Cette peine pouvant être considérée comme certains pire qu’une exécution. Par ailleurs, des pourfendeurs de la peine de mort estiment que la réclusion à perpétuité est pire que l’exécution et qu'en cela elle est « une bonne chose ». Cet argument paraît dénué d’intelligence, la peine ne visant pas à infliger le pire mais à tendre vers la Justice et à protéger la société. Demain, les détenus pourront demander l’euthanasie pour détresse psychologique, ce qui rendra complètement caduque ce raisonnement.

 

Mouvements paradoxaux

 

L’idéologie anti-pénale dans laquelle se vautrent les gauches n’est cependant pas totale. La fameuse « envie de pénal » décrite par Philippe Murray a trouvé de nouveaux exutoires.

Les multiples dissolutions d’associations de droite, les interdictions de manifester et plus généralement les limitations à la libre circulation des citoyens attestent d’une volonté de restreindre les libertés pour certains et de les condamner s’ils viennent à s’opposer aux nouvelles « normes » ou injonctions. Pour nous l’arbitraire et le contrôle « a priori », pour les autres la tolérance extrême, jusqu’à la mort. En France, les violeurs sont relâchés et les agresseurs protégés mais les victimes, leurs familles et leurs représentants sont insultés par le Syndicat de la magistrature (Affaire du mur des cons). Étrange extrémité dans laquelle nous pousse la haine de soi.

 

Cet éditorial est librement et partiellement inspiré de la thèse défendue par le professeur Jean-Louis Harouel dans son ouvrage Libres réflexions sur la peine de mort paru en 2019 aux éditions Desclée de Brouwer. Vous pouvez retrouver un entretien avec l’auteur sur TV Libertés.

 

Olivier Frèrejacques

Président de Liberté politique