Xavier Lemoine est maire de Montfermeil depuis Juin 2002. Une commune particulièrement marquée par les problèmes liés à l'émigration et à la cohabitation de communautés diverses.

Respecté et apprécié par ses concitoyens de toutes confessions, en mars 2008 il est réélu avec plus de 60 % des voix. En 2007 il se présente en 7ème position de la liste UMP pour les élections européennes où il représente le PCD de Christine Boutin.

Il est aujourd'hui son porte -parole. A l'issu de l'université du parti Chrétien démocrate qui s'est déroulée à Lyon à la fin de la semaine dernière nous l'avons interrogé sur les raisons de son soutien à Christine Boutin et les raisons de la candidature de l'ancien Ministre du logement de Nicolas Sarkosy.

Vous avez accepté de devenir porte-parole de Christine Boutin. Pourquoi ?

Je suis acteur de la vie politique depuis 25 ans, de surcroît dans un département, la Seine-Saint-Denis, que je considère comme aux avant-postes de l'histoire de France. J'ai la conviction que, face à tous les enjeux de notre époque, un homme politique ne peut, sans grand dommage, ignorer plus longtemps encore la doctrine sociale de l'Eglise. Oui, l'Homme est menacé et l'Eglise est  experte en humanité . C'est ma conviction et j'essaie d'en vivre. Je sais que c'est aussi cette préoccupation particulière, cette attention à l'homme, qui anime Christine Boutin.

C'est la raison pour laquelle j'ai rejoint publiquement et activement Christine Boutin. Car, au-delà de sa personne immédiate, elle veut lancer et encourager une nouvelle génération – la génération  JMJ – à prendre des responsabilités politiques

Pourquoi Christine Boutin se présente-t-elle contre le Président dont elle avait soutenu la candidature et dont elle a été le ministre ?

Tout d'abord, cette candidature n'est pas contre le Président, ou quiconque. La question ne se pose pas comme cela. En 2002, Christine Boutin était elle-même candidate. En 2007, les propos tenus par le candidat Nicolas Sarkozy pouvaient faire espérer une vraie rupture d'avec les miasmes de Mai 68.  Elle ne s'est donc pas présentée. Seulement, voilà : le candidat n'écrivait pas lui-même ses discours et ne les pensait guère. La pratique de ce quinquennat a donc suscité de cruelles et graves déceptions. C'est pourquoi Christine Boutin vient proposer à nouveau aux Français une pensée politique cohérente et éprouvée, à l'heure où nous entrons dans un monde bien difficile à prévoir. Dans ce monde-là, seuls les hommes et les femmes enracinés, avec des réponses fortes, pourront avec intelligence et détermination agir pour le bien commun.

Le véritable  vote utile  consiste donc désormais à choisir des responsables politiques intellectuellement formés et d'un caractère trempé, bien plus que dans le fait de reconduire systématiquement ceux qui ont  l'expérience des affaires . Pour l'élection présidentielle, le premier tour est le moment privilégié de l'expression des convictions. Le vote utile, c'est précisément de les exprimer.

Certains lui reprochent d'avoir accepter cette responsabilité ministérielle, et d'en avoir rabattu sur ses convictions profondes?

Certainement pas ! Ni au regard du travail accompli, ni au regard de sa conviction que la politique est au service des plus fragiles. Le plus faible dans la société, ce peut être l'embryon, ce peut être la personne malade, mais c'est aussi le sans-abri. Christine Boutin s'est souciée du logement des plus faibles, et aussi de l'accession à la propriété de ceux qui rêvent d'avoir un toit bien à eux. La loi qu'elle a fait voter n'a pas eu la consécration populaire qu'elle méritait. Cela dit, même si cette cohérence a été  remerciée  en même temps que le ministre, de surcroît sans ménagement, cette situation rend Christine Boutin d'autant plus libre.

Quant à l'espace politique dont on la crédite, il existe bel et bien... à partir du moment où les consciences accepteront de voir l'incohérence de certains de leurs choix.

Christine Boutin revendique une droite sociale. Est-ce qu'elle ne risque pas de se trouver en concurrence avec le Modem ou des personnalités centristes ? Et sinon, qu'est-ce qui la différencie ?

Positionner Christine Boutin sur le seul créneau de la droite sociale ou le centre est très restrictif. Il peut sans doute y avoir superposition de mesures techniques, mais les philosophies qui les sous-tendent sont différentes. Et si nous nous aventurons sur les questions sociétales, il n'y a plus de comparaison possible. Les décisions politiques que l'état de notre pays appelle – et plus largement encore, l'état du monde – imposent une cohérence paisible et forte. Cette  cohérence que porte en elle-même la vision de l'homme et de la société, fondée sur la raison et le sens du bien commun, structure la réflexion et l'action de Christine Boutin, à partir de l'enseignement social chrétien.

Même si son score est faible au premier tour, la candidature de Christine Boutin ne fait-elle pas courir un risque à la droite ?

Mais  de quel risque parle-t-on ? En effet le risque n'est-il pas de voir revaloriser la rémunération des médecins en charge des avortements ? De voir le Dimanche disparaître au profit du consumérisme ? De voir apparaître dans nos manuels scolaires l'idéologie du  gender  ? De  voir reconnu, par des biais détournés, le mariage homosexuel et l'adoption par ces mêmes couples ? De  voir, d'exception en exception, contourner les principes les plus sacrés de la vie dans les lois de bioéthique ? En un mot, de continuer à perdre notre âme. Soyons lucides sur ces cinq dernières années : à petit feu, de manière indolore, aucune transgression ne semblant en elle-même suffisamment grave pour susciter une réaction et une mobilisation, nous n'avons cesser de capituler ! Le risque que peut représenter Christine Boutin pour la droite me paraît bien dérisoire au regard du risque que fait courir aux convictions les plus profondes des Chrétiens et tout simplement au bien commun le vote dit  utile , pour le  gros  candidat ". J'ajouterai  même que les excès de la gauche sont peut être plus propice au réveil des consciences et à la mobilisation (1984) que les transgressions minimes mais multiples et sournoises opérées depuis cinq ans par cette fameuse droite qu'il ne faudrait pas mettre en danger par une candidature de Christine Boutin. Ce n'est en rien une politique du pire mais bien la nécessité à l'intérieur de la Droite d'établir un vrai rapport de force et de ne pas se laisser endormir. Il existe aujourd'hui une opportunité exceptionnelle pour que les convictions que Christine Boutin porte puissent apparaître, grâce aux votes des hommes et des femmes de bonne volonté, comme un signal fort à nos hommes politiques : Ceci est non négociable. N'oublions pas non plus que les élections législatives suivent immédiatement l'élection présidentielle. Effectivement, si l'on raisonne comme cela, Christine Boutin devient gênante non pour la droite mais pour ceux qui ne servent pas la France.

Vous dites : pour Christine Boutin il existe des points non négociables. A quelles conditions Christine Boutin pourrait-elle apporter à nouveau son soutien à Nicolas Sarkozy ? Qu'est-ce qui est négociable à ses yeux ? Qu'est-ce qui ne l'est pas ?

Qu'on le veuille ou non, au-delà des convictions défendues, l'art de la politique tient aussi à la manière dont on se situe dans les rapports de force pour faire triompher ce que l'on défend. Que seront les rapports de force à l'issue du premier tour ? Quels seront les acteurs en présence ? Il est prématuré de répondre à votre question, car nous ne savons pas ce qu'il en sera. Ce qui est sûr, c'est que Christine Boutin ne revendique rien pour elle-même. Elle pose les fondations d'une action politique pour les jeunes générations et les moins jeunes. Voyez son discours de clôture de l'Université d'été de Lyon, à Valpré, le 11 septembre dernier (www.boutin2012.fr). C'est à ce niveau là que nous devons poser les enjeux.

 

Propos recueillies par Thierry Boutet

 

 

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