Source [Conflits] : L’industrie de la défense doit sans cesse s’adapter aux besoins des armées et faire évoluer ses outils de production. Dans cet entretien, Christophe Salomon, Directeur Général adjoint en charge des systèmes terrestres et aériens du groupe Thales, présente la façon dont son groupe fait face à ces nécessités.
Courte biographie de M. Christophe Salomon
Christophe Salomon est ingénieur de l’armement, diplômé de l’École Polytechnique en 1994 et de Sup’Aéro en 1999. Il débute sa carrière au ministère des Armées où il occupe divers postes de la Direction Générale de l’Armement (DGA). En 2012, il rejoint le cabinet de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, en qualité de conseiller technique, puis de conseiller pour les affaires industrielles, rôle qu’il tiendra pendant toute la mandature, jusqu’en 2017. En 2017, il rejoint le groupe EDF (Électricité de France) en qualité de directeur des systèmes d’information, en charge également de la transformation numérique du groupe et de sa cybersécurité, animant ainsi une filière de près de 6 000 collaborateurs. Depuis 2020, il est membre du comité exécutif du groupe Thales, leader mondial des hautes technologies, en qualité de directeur général adjoint pour l’activité systèmes terrestres et aériens. Avec plus de 12 000 talents, présents dans 24 pays, cette activité recouvre le domaine des radars de surface, de la défense aérienne, de l’optronique, des systèmes terrestres, et de la gestion du trafic aérien. En 2023, Christophe Salomon est nommé vice-président du Conseil Général de l’Armement par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu.
Quentin Savary : L’économie de guerre est définie dans la LPM comme la capacité à « produire plus, plus vite et à coûts maîtrisés ». Que pensez-vous de cette définition et pensez-vous que ce modèle soit applicable dans la durée, pour l’entreprise que vous représentez ?
Christophe Salomon : Je rejoins cette définition qui me semble très adaptée à une logique de conflictualité accrue, au titre de laquelle les armées doivent accéder au plus vite à des volumes plus importants de matériels, et forcément à des coûts maîtrisés. Il faut toutefois noter un point : dans les programmes d’armement, nous évoquons souvent le « triptyque coût-délai-performance ». Le principe « plus, plus vite à coûts maitrisés » ne traite que deux des trois piliers, car il ne traite pas celui de la performance. C’est d’ailleurs normal : il est difficilement imaginable de faire plus vite, plus performant et moins cher, en tous cas à court terme. Lorsque l’on place la priorité sur les coûts et délais, cela peut vouloir indiquer qu’on le fait potentiellement au détriment de la performance. C’est un parti pris que personnellement je peux rejoindre à partir du moment où l’on ne tombe pas dans un piège inverse qui est celui de sacrifier ce qui jusque-là faisait notre force, c’est-à-dire l’excellence technologique de nos produits.
Il y a d’ailleurs peut-être une voie pour résoudre cette quadrature du cercle : nous n’évoluons en fait pas seulement à l’intérieur des trois piliers du triptyque coût/délai/performance. Il en existe au moins un quatrième, qu’on pourrait qualifier « d’environnement d’exécution ». On y retrouve là les exigences réglementaires, les modalités de contractualisation, de qualification, de documentation, etc. Alléger, simplifier ce quatrième pilier, c’est peut-être permettre à l’industrie de progresser sur les trois autres simultanément. C’est, je crois, un des axes du projet « impulsion DGA ».
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