Source [Le Figaro] «Les élus veulent la peau des Architectes des bâtiments de France», s'alarme Stéphane Bern. Un projet de loi élaboré par le gouvernement, en cours d'examen au Parlement, supprime en effet le droit de veto des architectes des Bâtiments de France sur les projets immobiliers dans les secteurs sauvegardés en cas d'insalubrité. Une brèche très grave, s'inquiète le professeur d'histoire de l'art à Sorbonne université Alexandre Gady. Sa tribune, publiée dans Le Figaro et sur FigaroVox dès le 26 juin, est plus que jamais d'actualité.
Né il y a bientôt deux siècles, le système de protection du patrimoine architectural français a été entièrement voulu par l'État et placé sous la garde de ses agents. Depuis l'inspection des Monuments historiques (1830) jusqu'à la loi dite Malraux (1962), cette construction centralisée n'a cessé de se développer ; c'est aujourd'hui la plus ancienne et la plus complète du monde, constituant en soi un remarquable patrimoine législatif et réglementaire.
Ce système a cependant été affaibli depuis quarante ans sous l'action conjuguée de deux facteurs: d'une part, la décentralisation de la république ; surtout, l'inflation fantastique de la dette française, et le discours corollaire sur «l'absence d'argent» qui finit par inhiber les meilleures volontés. Il résulte de ce mouvement en ciseau que l'État a perdu de sa superbe: il doit sans cesse partager ses prérogatives ou les revoir à la baisse. La structure même du patrimoine le rendant difficilement adaptable à cette nouvelle donne, le ministère de la Culture a fini par développer à partir des années 1990 une mentalité d'assiégé, sans cesse obligé de se justifier devant les autres ministères et les élus locaux.
L'attaque est si forte que Stéphane Bern, chargé d'une mission patrimoine par l'Élysée, l'a courageusement dénoncée publiquement devant le président de la République.
Quelques réformes utiles n'ont pas donné lieu à une réflexion plus globale de la question: la Rue de Valois a tâché de sauver les meubles, suivant le mouvement faute de mieux. Sous ce rapport, la récente loi «Création, architecture et patrimoine», votée en juillet 2016, a constitué un étrange manteau d'arlequin, avec des abandons symboliques que contrebalancent quelques recentrages jacobins. L'encre de ses décrets d'application est à peine sèche qu'une nouvelle loi remet l'ouvrage sur le métier en touchant à un point sensible: l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France (ABF). L'attaque est si forte que Stéphane Bern, chargé d'une mission patrimoine par l'Élysée, l'a courageusement dénoncée publiquement devant le président de la République.
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