Le monde contemporain et ses modes de vie sont aujourd’hui en pleine contradiction avec les fondements du mariage chrétien. Comment présenter la réalité du sacrement de mariage à des couples souvent très éloignés de la foi, et le sens de cet engagement ?
Aujourd’hui, force est de reconnaître que la majorité des couples qui demandent à se marier à l’église :
- n’ont aucune idée de ce qu’est un sacrement,
- vivent ensemble depuis déjà plusieurs années,
- ont souvent déjà des enfants,
- n’ont pas ou peu de références chrétiennes,
- ne recherchent absolument pas à être catéchisés,
- veulent faire une belle fête, et avoir une belle robe blanche,
- sont issus de couples eux-mêmes séparés, divorcés,
- ne croient plus à la possibilité de vivre la fidélité avec une seule et même personne, pour toute la vie,
- ont déjà eu des expériences amoureuses et sexuelles avant la personne avec qui ils sont en relation aujourd’hui,
- n’ont pas de connaissance de Qui est Dieu, révélé en Jésus-Christ.
À cela, s’ajoutent souvent des disparités de cultes, et toutes les différences dues aux mixités culturelles. Du coup, on observe une grande lassitude chez les acteurs de la préparation au mariage… Parfois même de la désespérance, qui touche aussi parfois notre clergé. S’instille aussi un doute même sur les « bienfaits » du mariage sacramentel : ne vaudrait-il pas mieux que tous ces gens se marient simplement à la mairie ?
« Le mariage chrétien, reflet de l’union entre le Christ et son Église, se réalise pleinement dans l’union entre un homme et une femme, qui se donnent l’un à l’autre dans un amour exclusif, et dans une fidélité libre, qui s’appartiennent jusqu’à la mort, et s’ouvrent à la transmission de la vie. Ils sont consacrés par le sacrement qui leur confère la grâce de constituer une Église domestique, et le ferment d’une vie nouvelle pour la société. D’autres formes d’union contredisent radicalement cet idéal, mais certaines le réalisent au moins en partie et par analogie. Il s’agit alors, pour les acteurs de la préparation au mariage d’aujourd’hui, de valoriser les éléments constructifs dans ces situations qui ne correspondent pas encore, ou qui ne correspondent plus, à l’enseignement de l’Église sur le mariage ».[1]
Passionnant, mais assez acrobatique ! Cela nécessite de nouvelles aptitudes pour les acteurs de la pastorale « Prépa mariage ». La bonne volonté ne suffit pas. Il est nécessaire qu’ils prennent du temps, pour connaître les couples, se faire proches d’eux, les accompagner, discerner. Donc, du temps, de l’énergie, de l’écoute, de la formation au discernement des situations, de la formation à l’accompagnement spirituel, vers une vie plus conforme à l’Évangile. Cela n’est pas rien.
En réalité, c’est l’ensemble de la Communauté chrétienne qui est responsable de l’évangélisation des couples. Il lui faut aller « aux périphéries », susciter une soif qui souvent est inexistante, rencontrer des couples et leur proposer le mariage. Y croit-on encore ? « Le choix du mariage civil ou, de la simple vie en commun, n’est, dans la plupart des cas, pas motivé par des préjugés ou des résistances à l’égard de l’union sacramentelle, mais par des raisons culturelles ou contingentes ».[1] Dans ces situations, il est possible de mettre en valeur ces signes d’amour qui, d’une manière et d’une autre, reflètent l’amour de Dieu.[2] Nous savons que « le nombre de ceux qui, après avoir vécu longtemps ensemble, demandent la célébration du mariage à l’Église, connaît une augmentation constante. Le simple concubinage est souvent choisi à cause de la mentalité générale contraire aux institutions et aux engagements définitifs, mais aussi parce que les personnes attendent d’avoir une certaine sécurité économique (emploi et salaire fixe).
Dans ce sens, saint Jean-Paul II proposait ce qu’on appelle la « loi de gradualité », conscient que l’être humain « connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d’une croissance ».[3] Ce n’est pas une « gradualité de la loi », mais une gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets, qui ne sont pas encore dans des conditions ni de comprendre, ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi. absolu, dans toute la vie personnelle et sociale de l’homme ».[4]
Donc, dans toute préparation au mariage, il y a cette idée d’un chemin à parcourir : le mariage est un début, pas la fin d’un Parcours, ni le diplôme après un concours. On ne donne pas aux fiancés « un certificat » En effet, la loi est aussi un don de Dieu qui indique le chemin, un don pour tous sans exception, qu’on peut vivre par la force de la grâce, même si chaque être humain « va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour définitif et
d’aptitude ! On chemine avec eux pour éclairer, et faire grandir les éléments positifs décelés dans leur amour. On discerne avec eux si cet amour-là est possible, réaliste. La Loi naturelle de l’amour entre un homme et une femme (indissoluble, unique, fidèle et fécond) est inscrite au plus profond du cœur de tout homme et de toute femme, de tout couple : le travail d’une préparation au mariage, est de libérer cette image de Dieu inscrite dans les cœurs de ceux qui viennent à nous, libérer l’amour véritable de ce qui l’entrave, aider à rencontrer Dieu qui donne la grâce de le vivre. On ne marie pas des « gens parfaits », on conduit vers le Seigneur pour accueillir Sa grâce, des personnes de bonne volonté (à vérifier), qui sont déterminées à comprendre, et à vouloir, vivre un amour de qualité. Il revient à l’Église de leur révéler la divine pédagogie de la grâce dans leurs vies, et de les aider à parvenir à la plénitude du plan de Dieu sur eux »,[5] toujours possible avec la force de l’Esprit Saint. On pense à ce que dit l’Église sur les relations sexuelles hors mariage, sur la cohabitation hors engagement ferme et définitif, sur le remariage civil, sur l’adultère, sur la contraception, etc…
La préparation au mariage doit être claire, pédagogique, et adaptée à ce que vivent les jeunes, dans l’annonce de LA Bonne nouvelle sur le mariage, et l’amour. Dans Amoris Laetitia, le Pape François dit : « Afin d’éviter toute interprétation déviante, je rappelle que d’aucune manière, l’Église ne doit renoncer à proposer l’idéal complet du mariage, le projet de Dieu dans toute sa grandeur ». Donc ne rien occulter, donner l’intégralité du message de l’Église. Ce qui veut dire le travailler, le comprendre, l’assimiler pour soi-même. Puis, vérifier qu’il est compris (intellectuellement), et que le couple veut vivre cela (usage de la volonté), qu’il adhère à cette proposition-là (même s’il ne la vit pas dans sa totalité aujourd’hui). Mais y a-t-il réellement volonté de part et d’autre de le vivre, de tendre vers cela, d’y mettre « les moyens » ?
L’exhortation n’est pas naïve ! Le Pape parle de « du poids des circonstances atténuantes – psychologiques, historiques, voire biologiques » qui freinent la capacité à vivre pleinement les exigences d’un mariage chrétien. Les blessures d’enfance qui peuvent peser sur la relation et entraver le bon fonctionnement et la liberté intérieure des futurs époux peuvent en être un exemple. « Il en résulte que « sans diminuer la valeur de l’idéal évangélique, il faut accompagner avec miséricorde et patience, les étapes possibles de croissance des personnes, qui se construisent jour après jour » ouvrant la voie à « la miséricorde du Seigneur qui nous stimule à faire le bien qui est possible ».[6] Le Pape dit comprendre ceux qui préfèrent une pastorale plus rigide qui ne prête à aucune confusion. Mais Jésus Christ veut une Église attentive au Bien que l’Esprit répand au milieu de la fragilité : une Mère qui, en même temps qu’elle exprime clairement son enseignement objectif, ne renonce pas au bien possible, même [si elle] court le risque de se salir avec la boue de la route ».[7]
Tout ceci nous amène à une conversion pastorale. Nous devons être humbles et réalistes, pour reconnaître que, parfois, notre manière de présenter les convictions chrétiennes, et la manière de traiter les personnes a pu contribuer à provoquer ce dont nous nous plaignons aujourd’hui. « Nous avons souvent présenté le mariage de telle manière que sa fin unitive, l’appel à grandir dans l’amour, et l’idéal de soutien mutuel, ont été occultés par un accent quasi exclusif sur le devoir de la procréation. Nous n’avons pas non plus bien accompagné les nouveaux mariages dans leurs premières années, avec des propositions adaptées à leurs horaires, à leurs langages, à leurs inquiétudes les plus concrètes. D’autres fois, nous avons présenté un idéal théologique du mariage trop abstrait, presqu’artificiellement construit, loin de la situation concrète et des possibilités effectives des familles réelles. Cette idéalisation excessive, surtout quand nous n’avons pas éveillé la confiance en la grâce, n’a pas rendu le mariage plus désirable et attractif.
Retrouvez l'intégralité de cet article en commandant notre dernier numéro ou en vous abonnant à cette adresse :
[1] Relatio finalis 2015, n. 71.
[2] Cf. Ibid.
[3] Exhort. ap. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 34 : AAS 74 (1982), p. 123.
[4] Ibid., n. 9 : AAS 74 (1982), p. 90.
[5] Relatio Synodi 2014, n. 25.
[6] Exhort. ap. Evangelii gaudium 44 : 105 (2013), p. 1038.
[7] Ibid., n. 45 : AAS 105 (2013), p. 1039.
- Procès FN : quel avenir judiciaire pour Marine...
- L’élu LFI, coupable idéal?
- Une élue RN s'oppose à la GPA au Parlement euro...
- 3ème anniversaire du départ pour l’Au-delà des...
- Loïk Le Floch-Prigent : « Qui se met l’argent d...
- Le problème n’est plus Al Capone, mais la mafia...
- Action Les Survivants
- Affaire Bilal Hassani : François Billot de Loch...
- Et si on décentralisait ?
- Motion référendaire du RN rejetée : la Nupes «s...