LE FIGARO. – Y a-t-il unanimité chez les catholiques contre le projet de loi Sarkozy sur l'immigration ?

 

Philippe de SAINT-GERMAIN. – Il n'y a pas unanimité sur cette question, ce qui est tout à fait normal face à une option de gouvernement.

Certes, des autorités ecclésiastiques ont manifesté leur opposition au projet. Mais nous sommes devant un problème politique singulier, et la pluralité des points de vue est parfaitement légitime. Il n'appartient pas à l'Église de formuler des solutions concrètes et encore moins exclusives, qui sont laissées à l'appréciation libre et responsable de chacun. La responsabilité de l'Église est d'éclairer les consciences lorsque la foi et la morale l'exigent. La responsabilité politique de tous, dont celle des chrétiens, est de faire face à des difficultés très contingentes.

 

Y a-t-il des points choquants pour des chrétiens dans ce projet ?

 

Bien sûr, opérer un tri parmi les immigrés (la "traite des cerveaux") est difficile à accepter, comme la situation de non-droit de nombreux sans-papiers. Mais il n'est pas non plus possible d'ignorer la gravité collective des conséquences d'une immigration incontrôlée, dont les proportions portent atteinte au bien commun, et affectent en particulier les immigrés eux-mêmes qui luttent sur notre sol pour s'intégrer au mieux.

 

L'incantation des droits de l'homme ou l'exploitation du scandale de telles ou telles situations particulières ne constituent pas une politique. L'Église a toujours privilégié la conciliation des droits des uns et des autres avec l'avenir de la communauté nationale.

 

Pourquoi n'entend-on qu'une seule voix ?

 

Il y a une gêne certaine dans l'Église de France à l'égard des questions politiques. Par cléricalisme, de nombreuses erreurs d'appréciation antérieures ont cantonné son discours à celui des commissions épiscopales concernées, conseillées par des associations mandatées. Ce discours est méfiant à l'égard des laïcs dont c'est la responsabilité propre, et tétanisé par la crainte de déplaire aux relais d'opinion. Il en ressort trop souvent une réduction de la politique à la gestion des droits humains universels, mal à l'aise avec la dimension nationale et culturelle du bien commun. D'où ce moralisme ne sachant plus distinguer — et unir — justice sociale et justice politique.

 

*Philippe de Saint-Germain est délégué général de la Fondation de service politique, directeur de la revue catholique Liberté politique.

Version intégrale des propos recueillis par Sophie de Ravinel, (rubrique France).

Pour en savoir plus :

■ Sophie de Ravinel, "Les migrants, la foi et la loi", Le Figaro du 28 avril 2006

■ Notre dossier Immigration, ce que dit l'Eglise et le projet de loi Sarkozy

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